Institut Iliade

Accueil | Matières à réflexion | Une sélection de livres pour penser la sortie de la modernité

Une sélection de livres pour penser la sortie de la modernité

L’exercice est connu : si vous deviez vous retrouver sur une île déserte, quel ouvrage emporteriez-vous ? Il peut être étendu : si vous deviez quitter précipitamment votre foyer, ou au contraire vous y retrancher, quelle bibliothèque minimale, tenant par exemple dans une cantine militaire, vous fournirait les « cartouches intellectuelles » indispensables ? Quels principaux ouvrages permettent de croire en une nouvelle Renaissance européenne, de tracer les possibilités d’une rupture avec le moment mortifère et chaotique que traverse notre civilisation ?

Une sélection de livres pour penser la sortie de la modernité

L’exercice est toujours difficile, et naturellement discutable quant au choix des titres et à leur classification. Il a le mérite d’obliger à une nécessaire sélection, justifiée de manière argumentée, au sein d’une Bibliothèque idéale évidemment plus vaste. C’est ce à quoi se sont attachés les auditeurs de la première promotion « Dominique Venner » des cycles de formation de l’Institut ILIADE. Comme une contribution aux débats d’idées qui doivent assurer le réveil de la conscience européenne.

Travaux dirigés par Philippe Conrad, Grégoire Gambier et Arnaud Imatz, le 10 janvier 2016, dans le cadre de la session « Critique du monde moderne ». Les ouvrages signalés ci-dessous sont pour la plupart disponibles auprès de notre partenaire Europa Diffusion ou, pour les plus rares, www.livre-rare-book.com. Nous invitons également nos lecteurs à visiter le site de La Nouvelle Librairie, “avant-poste du combat culturel” en plein quartier Latin : nouvelle-librairie.com

Textes fondateurs & traités

Iliade, Homère (vers VIIIe av. JC)
L’incomparable poème de nos origines, la matrice de notre identité, de la singularité des vertus européennes archaïques qui ne demandent qu’à renaître. Voir aussi l’Odyssée, le premier des romans, exaltation du « cœur aventureux » des Européens, et de leur soif d’enracinement.

Antigone, Sophocle (vers 441 av. JC)
La tradition immémoriale contre la société comme construction humaine ? Un débat qui n’a rien perdu de son actualité.

Pensées pour moi-même, Marc Aurèle (IIe siècle)
Un des exemples les plus opératifs pour aujourd’hui de la philosophie antique, une école de tenue et de volonté.
Voir aussi : Marc Aurèle sur CITATIO.

À l’école des Anciens, le dernier livre de Lucien Jerphagnon (2014)
Pourquoi les penseurs de l’Antiquité (Platon, Plotin et saint Augustin en l’espèce) sont toujours présents, et essentiels : ils ont porté jusqu’à nos jours une initiation à tout ce qui est la vie de l’esprit, à tout ce qui « rend vivant et digne d’être humain ». Un érudit immense mais simple d’accès et de discours, qui démontre que l’on peut vivre dans la fidélité à l’idéal antique, celui de l’homme « beau » et « bon » – kalos kagathos.

Romans de la Table ronde (Chrétien de Troyes, XIIe s.)
Pour les valeurs et la représentation du monde de « l’homme médiéval », encore enraciné dans une vision largement polythéiste et initiatique de la vie. La civilisation européenne préservée des souillures et impasses de la Modernité. Et l’Europe comme civilisation qui honore la femme – ce dont il serait bon de se souvenir !

Le Gai Savoir, Friedrich Nietzsche (1882)
Pour retrouver le fil conducteur de notre mémoire la plus enfouie : la philosophie du « oui à la vie » et la pensée de l’éternel retour.
Voir aussi : Friedrich Nietzsche sur CITATIO.

Le traité du Rebelle ou le recours aux forêts, Ernst Jünger (1951)
Un formidable traité d’insoumission à tous les pouvoirs illégitimes. « Les longues périodes de paix favorisent certaines illusions d’optique. L’une d’elles est la croyance que l’inviolabilité du domicile se fonde sur la Constitution, est garantie par elle. En fait, elle se fonde sur le père de famille qui se dresse au seuil de sa porte, entouré de ses fils, la cognée à la main. »
Plus directement politique et donc partiellement daté : Le Travailleur (1931). Contre le totalitarisme et la montée de la sauvagerie : Sur les falaises de marbre (1939) – « Car c’est dans les cœurs nobles que la souffrance du peuple trouve son écho le plus puissant ». Sur la figure de l’Anarque : Eumeswil (1977), roman du détachement et de la lucidité.
Jünger est aussi intéressant pour ses récits de guerre qui lui ont valu une notoriété mondiale, notamment Orages d’acier (1920) et Le Combat comme expérience intérieure (La Guerre notre mère, 1922).
Voir aussi : Ernst Jünger sur CITATIO.

Les hommes au milieu des ruines, Julius Evola (1953)
Le plus directement politique des nombreux ouvrages d’Evola. Manifeste « réactionnaire » et élitaire, il trace les lignes essentielles d’une doctrine de l’État et d’une vision générale de la vie de caractère « révolutionnaire-conservateur ». Avec la volonté de proposer des choix précis et courageux à ceux qui peuvent encore se considérer comme « des hommes debout au milieu des ruines » : face à l’actuelle décadence européenne, la nécessaire réhabilitation de l’idée à la fois aristocratique, hiérarchique et qualitative (contre le « Règne de la Quantité » justement dénoncé par Guénon).
Prolongement plus opératif de Révolte contre le monde moderne (1934), son livre le plus connu, d’inspiration nietzschéenne et « traditionnaliste » : la déchéance du monde moderne, passé, présent et à venir, tient à sa rupture avec la Tradition primordiale.
De René Guénon, précurseur de cette réaction traditionaliste dans l’Europe contemporaine, mais peut-être plus contestable aujourd’hui (cf. son attrait pour un « Orient » resté spirituel et communautaire à rebours d’un Occident décadent…), lire La Crise du monde moderne (1927) et Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps (1945).
Voir aussi : Julius Evola sur CITATIO.

L’essence du politique, Julien Freund (1965)
Un texte qui n’a pas pris une ride, par un disciple de Carl Schmitt (La notion du politique, 1933, Théorie du partisan, 1963), qui redonne à la politique son identité et sa fonction propres, au-delà du jeu des institutions libérales et de l’étalage instrumental des « bons sentiments ».
Voir aussi : Julien Freund sur CITATIO.

Le désenchantement du monde. Une histoire politique de la religion, Marcel Gauchet (1985)
Le dévoilement, à travers l’histoire religieuse et surtout celle du christianisme, de l’évolution des schémas intellectuels qui sous-tendent les sociétés humaines depuis les origines.
Pour l’auteur, le christianisme portait déjà en lui les germes de cette sortie de la religion qui caractérise le monde moderne. Un « désenchantement » qui ne signifie pas la fin du religieux, mais simplement la fin de cet « état natif » où la religion informait de part en part l’habitation du monde et l’ordonnance des êtres. On voit aujourd’hui à quoi ressemblent les sociétés dont le sacré a été exclu – mais qui revient en force, via la sphère privée, familiale et communautaire.
En règle générale, être attentif à ce qu’écrit Gauchet – cf. son blog.
Voir aussi : Marcel Gauchet sur CITATIO.

Un samouraï d’Occident. Le bréviaire des insoumis, Dominique Venner (2013)
Livre volontairement simple pour en faciliter l’accès par le plus grand nombre, allant directement à l’essentiel : comment survivre à l’effondrement prévisible des cadres aujourd’hui établis de notre civilisation ?
Pour une vision synoptique de notre identité : Histoire et tradition des Européens (2002) ; de l’histoire : Le choc de l’histoire – Religion, mémoire, identité (2011) ; de la vie comme combat voire « comme poème » : Le cœur rebelle (1994).
Voir aussi : Un samouraï d’Occident. Le bréviaire des insoumis sur CITATIO.
Voir aussi : Dominique Venner sur CITATIO.

Essais (méta)politiques

La Révolte des masses, José Ortega y Gasset (1929)
L’œuvre maîtresse du grand philosophe espagnol. Contre le règne des masses incultes, « brutes amorales » aux idées grossières qui jouissent du nec plus ultra que leur procure une civilisation perfectionnée dont ils n’ont aucune conscience historique, au risque de conduire à la mort de la culture et de l’avènement d’un nouvel âge des ténèbres… Une critique éminemment actuelle.
Voir aussi : José Ortega y Gasset sur CITATIO.

La France contre les robots, Georges Bernanos (1947)
Une violente critique de la société industrielle, l’esprit français contre l’idolâtrie de la technique propre aux sociétés anglo-saxonnes. Un pamphlet prémonitoire à bien des égards : anticipant les ravages de la mondialisation et des délocalisations (« un jour, on plongera dans la ruine du jour au lendemain des familles entières parce qu’à des milliers de kilomètres pourra être produite la même chose pour deux centimes de moins à la tonne »), Bernanos annonce la révolte des « élans généreux de la jeunesse » contre le matérialisme. Ce qu’a récemment démontré, notamment, l’immense « mouvement social » de rejet du pseudo-mariage homosexuel.
Voir aussi : Georges Bernanos sur CITATIO.

Sparte et les Sudistes, Maurice Bardèche (1969)
Un manifeste politique et spirituel qui permet de comprendre ce qu’est le « nationalisme ». En quoi il est ontologiquement naturel, exigeant, précurseur dans ses analyses et – quelles que soient ses différentes formes historiques – toujours fondamentalement subversif : « Je crois à l’inégalité parmi les hommes, à la malfaisance de certaines formes de la liberté, à l’hypocrisie de la fraternité »…
Normalien et spécialiste de la littérature française du XIXe siècle, Bardèche mérite mieux que l’opprobre qui frappe aujourd’hui indistinctement tous les « vaincus » de la Seconde Guerre mondiale.

Les idées à l’endroit, Alain de Benoist (1979, réédition 2011)
Un maître livre de philosophie politique, abordant les principales questions de notre temps : « Quelle vision du monde peut avoir un homme lucide et conscient des impasses – et des laideurs physiques et morales – du monde moderne ? Quelle vision de l’homme ? Quel rapport peut-on avoir ce que l’on appelle la droite, ou les droites ? Pourquoi le libéralisme n’est pas la solution ? Que peut-on penser d’un certain nombre de thèmes comme l’ordre, l’enracinement, l’autorité, la tradition ? Qu’est-ce que le totalitarisme, et surtout y a-t-il un nouveau totalitarisme contemporain ? Lequel ? Pourquoi s’est-il mis en place ? Comment ? Au bénéfice de qui ? Pour réprimer quoi ? Comment le combattre ? Quelle stratégie asymétrique, du faible au fort, peut-on essayer de mettre en place contre ce nouveau totalitarisme ? »… (Pierre Le Vigan, Éléments)

Le système à tuer les peuples, Guillaume Faye (1981)
Dénonciation pionnière et implacable de l’avènement de la société techno-marchande, issue de la collusion entre la classe politique et économique, c’est-à-dire de l’alignement du politique sur les impératifs économiques et financiers – le « mercantilisme totalitaire » – au détriment des peuples et des traditions d’Europe.
Vif plaidoyer en faveur du « droit des peuples – de tous les peuples – à être eux-mêmes, leur droit à l’affirmation culturelle, leur droit à la différence et à la puissance ».
Parmi les ouvrages plus récents de Guillaume Faye, privilégier L’Archéofuturisme (1998, rééd. 2023).

L’avant-guerre civile, Eric Werner (1998, rééd. 2015)
L’analyse la plus convaincante, car l’une des plus clairvoyantes et érudites, d’un phénomène désormais bien identifié – nos sociétés avancées, technologiques et mondialisées (économiquement et ethniquement) s’engagent dans une voie claire : « gouverner par le chaos ». Il convient donc de rester lucide : la violence et son corollaire, l’appareil répressif, ne feront que s’accroître dans un proche avenir, constituant « l’architecture même du contrôle politique et social de la masse globalisée ». On n’y échappera que par une dissidence de tous les instants, la constitution d’isolats identitaires constitutifs d’un communautarisme « libertaire ».
Postface de Slobodan Despot.
Un livre qui a influencé les réflexions les plus intéressantes de l’ultra-gauche – cf. Comité invisible : L’insurrection qui vient (2007) et Gouverner par le chaos (2010, rééd. 2014).

Les esclaves heureux de la liberté – Traité contemporain de dissidence, Javier Portella (2012)
Manuel de dissidence et « « bombe atomique philosophique » (Dominique Venner), riche de très nombreuses références culturelles. A partir du paradoxe de la modernité (nous n’avons jamais été apparemment aussi libres et prospères, et pourtant nous n’avons jamais été aussi misérables spirituellement, aliénés, soumis aux objets, aux produits et à la consommation…), l’auteur invite à penser et agir « révolutionnairement », « comme les hommes de toutes les époques ont révolutionnairement innové lors des grandes ruptures historiques. Y compris ceux qui, avec le plus de fidélité possible, ont gardé allumé le feu de la tradition ».

Pourquoi je serais plutôt aristocrate, Vladimir Volkoff (2004)
Une leçon de vie.
Voir aussi : Vladimir Volkoff sur CITATIO.

Festivus Festivus, Philippe Muray, conversations avec Élisabeth Lévy (2005)
Homo festivus, le citoyen moyen de la post-histoire, dont la passion du bien-être débouche sur la servitude, et la dénonciation de « l’homme-masse », celui qui appartient à la masse, c’est-à-dire là encore l’homme moyen, par opposition à l’élite toujours minoritaire, attachée au Beau et au Vrai (la culture), et non au Bien (la « moraline » actuelle, que voyait déjà poindre Nietzsche).
Une très bonne introduction à l’œuvre de Muray, décédé en 2006. Accusé avec d’autres (Michel Houellebecq, Maurice G. Dantec…) d’être un « nouveau réactionnaire » (Le Rappel à l’ordre : enquête sur les nouveaux réactionnaires, Daniel Lindenberg, 2002), il répondra par un Manifeste pour une pensée libre signé également par Alain Finkielkraut, Marcel Gauchet, Pierre Manent (influencé par Leo Strauss) ou encore Pierre-André Taguieff. Un texte qui marque pour le coup le lancement du mouvement d’émancipation d’un nombre croissant d’intellectuels à l’égard de la pensée conforme, au point parfois de passer à la dissidence : Eric Zemmour, Richard Millet, Renaud Camus… (Philippe de Villiers dans un autre registre).
Voir aussi : Philippe Muray sur CITATIO.

Le Grand Remplacement, Renaud Camus (2011)
Le manifeste de la nouvelle résistance. Profondément anglophile, Camus se place dans la lignée du fameux discours des fleuves de sang (20 avril 1968) du parlementaire conservateur britannique Enoch Powell contre les conséquences de l’immigration de masse extra-européenne.
Voir aussi : Renaud Camus sur CITATIO.

Un mythe contemporain : le dialogue des civilisations, Régis Debray (2007)
Un texte court et alerte (retranscription d’une conférence) qui dynamite la bien-pensance multiculturaliste et l’indifférenciation planétaire.
Voir aussi, dans la même veine et le même format, son Eloge des frontières (2010). D’autant plus efficace que Debray vient de l’extrême-gauche, comme bon nombre d’auteurs critiques actuels (Jean-Claude Michéa, Michel Onfray, Houellebecq…).
Voir aussi : Régis Debray sur CITATIO.

La sottise des modernes, Henri Guaino (2002)
Par un homme politique « de droite » cette fois. Contre la mode qui veut que seuls les politiques qui se présentent comme « modernes », adeptes des « réformes », soient reconnus crédibles par l’intelligentsia. Alors que la grande question politique de notre temps est culturelle : « comment préserver et transmettre ce qui fait le cœur de notre civilisation, une intelligence collective dont les principales références parlent à toutes les générations, et en particulier à la jeunesse ? »
Sur cette crise de la transmission, voir aussi François-Xavier Bellamy (Les déshérités ou l’urgence de transmettre, 2014). Ou comment la perte de la mémoire prépare les bouleversements anthropologiques et politiques en Europe dans un proche avenir.

L’oligarchie au pouvoir, Ivan Blot (2011)
Le pouvoir réel en France n’est pas démocratique, mais oligarchique, c’est-à-dire dans les mains d’un petit groupe d’hommes : hauts fonctionnaires non élus, grand patronat, centrales syndicales, groupuscules qui se disent « autorités morales », médias politiquement corrects… Un plaidoyer pour la démocratie directe (et notamment le référendum d’initiative populaire sur le modèle suisse).
Du même auteur, lire aussi L’Europe colonisée (2014) – par ses anciennes colonies (colonisation de peuplement) et par les États-Unis (colonisation politique, économique et financière via les oligarques mondialistes qui tiennent notamment les institutions européennes). Ivan Blot propose les voies d’un renouveau possible, en s’inspirant à la fois du modèle russe et du modèle suisse, où la réaffirmation de la souveraineté des nations européennes pourrait leur permettre de protéger les valeurs de leur héritage et de leur identité nationale (comme le font avec succès les pays émergents).
Voir sur cette thématique « souverainiste » bien comprise Jean-Louis Harouel, Revenir à la nation (2014) : le salut de l’Europe passe par la réintroduction d’un nécessaire et légitime particularisme national. Il faut donc faire revivre les peuples d’Europe, en recentrant l’État sur la nation.
Voir aussi : Ivan Blot sur CITATIO.

Contre l’Europe de Bruxelles : Fonder un État européen, Gérard Dussouy (2013)
Complémentaire du précédent, cet ouvrage propose une autre voie au nécessaire réveil européen, celui d’un fédéralisme à l’échelle du continent. Contre les risques d’une réaction de nature strictement « souverainiste » à l’échec de la pseudo-« Union européenne », un plaidoyer vif mais très argumenté pour l’avènement d’une nouvelle communauté de destin des Européens, avec « pour vocation de préserver l’identité culturelle des nations constitutives ».
Préface de Dominique Venner.

Économie, sociologie et (géo)politique

2030, la fin de la mondialisation ? Hervé Coutau-Bégarie (2009)
Brillant essai de prospective critique, par l’un des plus grands stratégistes français contemporains.
Sur la stratégie : Bréviaire stratégique (2013). Essentiel.

Critique de la raison utilitaire : manifeste du MAUSS, Alain Caillé (1989)
Petit texte pédagogique présentant le travail de pensée accompli par la Revue du MAUSS – contre l’économisme et l’utilitarisme, à partir du paradigme du don mis à jour par le sociologue et anthropologue Marcel Mauss, héritier spirituel de Durkheim (versus Max Weber).
Devenu un livre culte à l’influence considérable dans tous les champs des sciences sociales, humaines et politiques : « Ce n’est plus seulement la pensée qui se dissout dans l’économisme, c’est le rapport social lui-même qui se dilue dans le marché. D’où la nécessité urgente de chercher des ressources théoriques et pratiques qui permettent de sauvegarder l’essentiel, la civilité ordinaire et le goût de ce qui fait sens par soi-même, à commencer par celui de la démocratie. »

La révolte des élites et la trahison de la démocratie, Christopher Lasch (1996)
Édité à titre posthume (l’historien et sociologue américain C. Lasch est décédé en 1994), ce livre-testament expose et structure définitivement son observation critique de la société américaine et, partant, des sociétés « occidentales ». Il défend en particulier l’idée que la démocratie est désormais moins menacée par les masses que par ceux qui sont au sommet de la hiérarchie – les « nouvelles élites » mondialisées, hyper-mobiles et déracinées, dont le seul moteur est la réussite financière individuelle. L’achèvement du libéralisme comme forme moderne du capitalisme, nécessite une nouvelle lutte des classes si les « classes moyennes » ne veulent pas disparaître définitivement.
Une critique de gauche radicale, d’essence orwellienne (George Orwell étant un socialiste tenant d’un « patriotisme révolutionnaire », populaire et communautaire, ce qui lui vaudra d’être qualifié d’anarchiste conservateur – cf. la notion de common decency, une « morale commune », inclinaison traditionnelle à la bienveillance, à l’entraide ou à la générosité qui constituent le cœur de l’identité populaire et le moteur de toute révolte authentiquement socialiste).
Voir aussi Culture de masse ou culture populaire ? (1991), un texte court qui décortique et condamne deux postulats de la société libérale actuelle : la réduction de la liberté humaine à celle du consommateur, et l’idée que toute posture modernisatrice ou provocatrice constituerait par définition un geste « rebelle » et anticapitaliste – alors que c’est bien évidemment l’inverse.

L’empire du moindre mal : essai sur la civilisation libérale, Jean-Claude Michéa (2010)
Dans la même veine, Michéa étant l’introducteur en France de l’œuvre de C. Lasch de même qu’un « socialiste orwellien ». Il s’adresse principalement à la gauche, dont il est issu, pour en dénoncer la trahison par son ralliement au capitalisme via la mondialisation et le « social-libéralisme ».
Sur la pensée orwellienne, lire son essai Orwell, anarchiste tory (2000) : « Le désir d’être libre ne procède pas de l’insatisfaction ou du ressentiment, mais d’abord de la capacité d’affirmer et d’aimer, c’est-à-dire de s’attacher à des êtres, à des lieux, à des objets, à des manières de vivre. »

La grande séparation. Pour une écologie de la crise, Hervé Juvin (2013)
Manifeste de « l’écologie humaine », pour la diversité des peuples et des cultures. Plaidoyer pour la redécouverte du vrai sens de la politique : maintenir les conditions de survie des cultures et des civilisations dans leur originalité.
Voir aussi Le renversement du monde, politique de la crise (2010), première vive critique, après la crise des subprimes, du système de mondialisation promu par les États-Unis.

Fractures françaises, Christophe Guilluy (2010)
La description irréfutable d’une France minée par un séparatisme social et culturel. Derrière le trompe-l’œil d’une société apaisée, l’affirmation d’une crise profonde du « vivre ensemble ».

Crise économique ou crise du sens ? de Michel Drac (2010)
Pourquoi l’Occident devient fou. Avec la fin du mythe progressiste de la croissance, c’est le « règne de la quantité » qu’il s’agit de remettre en cause.

La démondialisation, Jacques Sapir (2011)
Véritable « bible économique alternative » à l’ordre international marchand. Une déconstruction parfois contestable mais étayée du phénomène de mondialisation, avec une nécessaire mise en perspective historique (depuis Bretton Woods) et la définition de solutions nouvelles (en réalité, strictement nationales). La « démondialisation » qu’il appelle de ses vœux est à la fois monétaire, commerciale et financière, ce qui en fait un manuel d’économie globale tout à fait utile (la plupart des économistes s’attachant à un seul aspect) – et qui a l’avantage d’être court (250 p.) !
Lire aussi Les économistes contre la démocratie (2002), dénonciation de la tyrannie des « experts » au détriment des peuples, et son blog sur le site de Marianne. Sur la critique économique de la mondialisation, ne pas oublier l’œuvre fondatrice de Maurice Allais : La mondialisation, la destruction des emplois et de la croissance – L’évidence empirique (1999).

Survivre à l’effondrement économique, Piero San Giorgio (2011)
La « convergence des catastrophes » envisagée par G. Faye (surpopulation, pénurie de pétrole et de matières premières, dérèglements climatiques, baisse de la production de nourriture, tarissement de l’eau potable, mondialisation débridée, dettes colossales, immigration massive, violences urbaines, révoltes, révolutions, guerres…) entraînera un effondrement économique massif et global qui ne laissera personne, riche ou pauvre, indemne. Comment se préparer ? Comment survivre à ces prochaines années de grands changements qui seront à la fois soudains, rapides et violents ?
Une analyse implacable en même temps qu’une somme de recommandations pratiques sur les produits à stocker, des cordes à piano pour fabriquer des pièges au papier aluminium pour tapisser un four solaire… Sans doute salutaire.

Chronique du choc des civilisations, Aymeric Chauprade (4e édition 2015)
Un classique pour tous ceux qui veulent comprendre les enjeux du monde actuel à l’aune de l’analyse géopolitique – cette étude réaliste des rapports de force dans l’espace et le temps long.
Approfondir cette discipline avec le manuel Géopolitique : Constantes et Changements dans l’Histoire (Ellipses, 3e édition, 2007).

Romans, récits, théâtre…

Le Cid, Corneille (1637)
Pour le sujet, d’actualité, la qualité de la langue et des valeurs véhiculées par les personnages – le XVIIe, le « Grand Siècle » de la civilisation française et, partant, européenne.
Lire aussi Racine, et en particulier Phèdre (1677), merveilleux exemple d’adaptation de la mythologie antique.

Mémoire d’Hadrien, Marguerite Yourcenar (1951)
L’un des premiers et des meilleurs romans historiques, magnifiquement écrit et très solidement documenté, où l’empereur Hadrien reprend littéralement vie sous les traits de l’un des derniers libres esprits de l’Antiquité. Ou comment faire des lecteurs contemporains les complices de cette civilisation.
Voir aussi : Marguerite Yourcenar sur CITATIO.

Le pape des escargots (1972) et Les étoiles de Compostelle (1982), par Henri Vincenot
La longue mémoire de la grande culture paysanne et villageoise française, comme un « recours aux forêts » …
Voir aussi : Henri Vincenot sur CITATIO.

Les vraies richesses, Jean Giono (1937)
Ces « vraies richesses » sont celles de la terre, d’une production mesurée, à l’échelle de l’homme, de ce qui lui est nécessaire et qui lui permet de vivre en communion avec la nature. Contre le productivisme, « la folie de l’argent » et le nihilisme contemporain : retrouver la joie des gestes simples, naturels. Un manifeste écologique par un visionnaire et un virtuose du sacré, qui permet notamment de comprendre en quoi l’écologie est foncièrement « de droite », car traditionnelle, communautaire, et en réalité panthéiste : « Se détacher du dieu Argent pour retourner au vrai culte du dieu Pan, ou plutôt Dionysos. » Un ouvrage court (160 pages) qui constitue une bonne introduction à l’œuvre de Giono, l’un de nos grands écrivains rebelles aux excès de la modernité.
Voir dans la même veine Que ma joie demeure (1936) et Le Hussard sur le toit (1951) – ou le choléra comme une allégorie, un révélateur permettant de mettre à nu « les tempéraments les plus vils ou les plus nobles » dans des situations extrêmes.

Martin Eden, Jack London (1926)
La noblesse d’âme et de cœur contre la petitesse du monde bourgeois.
Voir aussi : Jack London sur CITATIO.

Les Cantos, Ezra Pound (1915-1962, réédition 2013)
La quête d’une nouvelle civilisation, une tentative titanesque pour rassembler dans un ensemble poétique l’esprit du monde traditionnel, comme antidote à la décadence du monde moderne.
Voir aussi : Ezra Pound sur CITATIO.

Le Camp des Saints, Jean Raspail (1973)
Pour échapper à ce destin mortifère : faire l’inverse que ce qui y est décrit. Être fiers (refuser la mauvaise conscience, la culpabilisation de l’Europe), être forts (couler les bateaux qui approchent, repousser les envahisseurs,…), être offensifs surtout (le scénario du « camp des Saints », à savoir l’attente résignée des fins dernières, étant précisément celui à éviter).

Le Seigneur des Anneaux, JRR Tolkien (1954-55)
L’essai le plus abouti de reconstruction d’une mythologie européenne pour notre temps. Une approche doublement syncrétique : entre paganisme et christianisme, entre mondes celtique et germano-scandinave.

Petit traité sur l’immensité du monde, Sylvain Tesson (2005)
Un traité de rébellion contre les facilités matérielles mais également intellectuelles d’un Occident devenu triste et vieux. Une lecture rafraîchissante, qui donne envie de prendre la route, sac au dos.

Le regard des princes à minuit, Erik L’Homme (2014)
Un habile exercice de réhabilitation des valeurs chevaleresques dans des situations contemporaines, à faire connaître en particulier aux plus jeunes (adolescents et jeunes adultes).

La zone du dehors, Alain Damasio (1999)
Bel exemple de roman de « science-fiction politique », l’anticipation servant naturellement la critique sociale : ici, la façon dont des sociétés dites « démocratiques » engendrent une idéologie du contrôle. Terriblement actuel !