La bataille de Marathon (août ou septembre 490 av. J.C.)
Batailles mémorables de l’histoire de l’Europe. Dixième partie.
« Trois grands conflits traversent l’histoire de l’Europe et de ses frontières, à la fois mentales et physiques : Occident/Orient, chrétienté/islam, Europe/reste du monde. » Ces mots étaient prononcés par Jean-Yves Le Gallou, lors du colloque de l’Institut Iliade sur les frontières (2019).
La bataille de Marathon est, avec celle des Thermopyles, l’une des plus connues de l’histoire militaire européenne antique. Elle a traversé les siècles dans l’imaginaire des Européens, et fait justement partie du premier « grand conflit » auquel les Européens ont dû faire face : le conflit qui les a opposés à l’Orient. La bataille de Marathon s’inscrit dans une succession de batailles qui ont eu lieu lors des guerres médiques, où s’affrontent cités grecques et Empire perse.
Quel contexte ?
Des cités grecques, situées sur la rive orientale de la mer Égée (l’actuelle Turquie), sous domination perse, décident de se révolter en 498 av. J.-C. Mais la révolte tourne court : en quelques années, l’Empire achéménide du roi Darius y met fin et reprend le contrôle des cités grecques. Athènes, la seule cité grecque à avoir apporté son soutien aux cités révoltées, devient un objectif de conquête pour l’immense Empire perse qui voudrait bien étendre sa domination sur les rives occidentales de la mer Égée.
En 492 av. J.-C., une première expédition militaire tourne court. Une tempête anéantit la flotte perse qui s’apprêtait à déferler sur les cités grecques. Deux ans plus tard, en 490 av. J.-C., les Perses organisent une nouvelle expédition militaire pour prendre possession de la Grèce. La plupart des cités grecques décident de se soumettre aux Perses avant même de livrer combat, mais Athènes, Platées et Sparte refusent. L’armée venue d’Orient débarque dans la plaine de Marathon le 12 septembre.
La bataille
C’est dans la plaine de Marathon, en bord de mer, que la bataille va se dérouler, à une quarantaine de kilomètres d’Athènes. Il n’est pas question pour le commandement athénien d’attendre les Perses derrière les murs protecteurs de la cité. Ils préfèrent livrer le combat vers le lieu du débarquement. Mais cette stratégie est risquée, la cité d’Athènes se retrouve donc sans défense et si les Perses scindent leur armée en deux pour débarquer sur la cité, il n’y aura plus personne pour la défendre.
Les autres cités grecques ayant fait défection, Athènes ne peut compter que sur ses citoyens (et quelques Platéens). Elle aligne 10 000 hommes dans la plaine de Marathon. Elle a bien demandé aux troupes d’élite de la cité de Sparte de venir lui prêter main-forte, mais celles-ci ne peuvent pas. Face aux hoplites grecs, ce ne sont pas moins de 20 000 Perses selon les recherches récentes, 100 000 d’après la légende, qui leur font face. Quoi qu’il en soit, les Perses sont en nette supériorité numérique. C’est le 17 septembre que la bataille a lieu, après cinq jours de face-à-face entre les deux armées.
Les citoyens grecs s’avancent en formations serrées, appelées phalanges, abrités derrière leurs boucliers ronds et des protections métalliques aux bras et aux jambes, équipés de lances et d’épées. Les troupes perses ont, elles, des protections plus légères et ne combattent pas en rangs serrés. Il n’y a pas de cavalerie en action sur le champ de bataille, uniquement des troupes à pied, même si certaines sources évoquent la présence d’une cavalerie perse qui n’est pas engagée.
Ce sont les Grecs qui s’avancent sur les Perses, d’abord d’un pas rapide avant d’accélérer et de venir percuter les lignes perses, boucliers et lances en avant, à pleine vitesse. L’armée achéménide a bien tenté, avec des flèches, de stopper les hoplites, mais ce fut sans effet, les boucliers des Européens se sont montrés efficaces. Les Perses, qui avaient pourtant déjà combattu contre d’autres cités grecques auparavant, ne sont pas habitués à cette stratégie de combat et sont surpris. Leurs lignes sont enfoncées, seul le centre de la formation achéménide résiste. Ceci s’explique par la présence des Immortels, nom donné aux troupes d’élite de l’armée impériale. Mais cette résistance est de courte durée : les ailes grecques, après avoir mis en déroute leurs adversaires, se rabattent sur le centre des lignes perses. Ce qui reste de l’armée impériale est pris en tenaille, et se replie alors dans un mouvement désordonné. Les Perses courent vers leurs navires, nombre d’entre eux perdent la vie en se noyant alors qu’ils tentent d’embarquer, poursuivis par les Grecs qui les tuent jusque dans l’eau. Les Athéniens arrivent même à s’emparer de quelques navires ennemis, mais le gros de la flotte reprend, tant bien que mal, la mer et s’éloigne de la côte.
Le bilan est sans appel : malgré une très nette infériorité numérique, les citoyens athéniens mettent en déroute l’armée du Grand Roi. Les pertes s’élèvent à moins de 200 hommes pour les Grecs, quelque 6 400 hommes pour les Perses. Cependant tout n’est pas gagné pour les Athéniens. Ils doivent au plus vite retourner à leur cité, et la protéger d’un éventuel débarquement perse.
Le retour à Athènes
Aujourd’hui encore, le mot « marathon » continue de résonner dans nos esprits. Il n’évoque pas seulement cette ville grecque de 10 000 habitants, mais aussi une épreuve sportive. Plus exactement une course de fond, dont la distance est de 42,2 kilomètres. L’histoire veut que, après avoir mis en déroute les Perses, les Grecs aient envoyé un messager, Phidippidès, porter la bonne nouvelle à Athènes. La ville est distante de 42 kilomètres du lieu de la bataille. Arrivé dans la cité, ce dernier s’écroule et meurt d’épuisement en ayant seulement le temps de dire : « Nous avons gagné. » Les 10 000 hoplites ayant combattu à Marathon, après une marche forcée de plusieurs heures, arrivent à Athènes pour la protéger. Ils ne devancent que de peu la flotte perse qui arrive à son tour sur les rivages de la ville. Mais voyant que les Athéniens, qui viennent de leur infliger une sévère défaite, les attendent de pied ferme, les troupes de l’Empire achéménide préfèrent rebrousser chemin.
La première guerre médique prend alors fin, par la victoire grecque sur l’immense empire perse du roi Darius. Son fils, le roi Xerxès, tentera de venger son père dix ans plus tard lors de la seconde guerre médique, où il sera, lui aussi, défait. Xerxès remporta certes la bataille des Thermopyles face aux Spartiates mais les Grecs, sous le commandement de Thémistocle, remporteront une victoire décisive lors de la bataille navale de Salamine. La victoire de Marathon permit aux Grecs de se coaliser en plus grand nombre pour faire face à la seconde invasion perse, car ils savaient qu’ils pouvaient faire face à l’armée venue d’Orient, et donna à Athènes un certain prestige militaire.
Les legs de la bataille de Marathon
Plus de 2 500 ans se sont écoulés depuis la bataille de Marathon, pourtant cette victoire européenne a laissé des traces. Tout d’abord l’épreuve sportive du marathon, nous en avons parlé, mais aussi un monument funéraire pour les 192 Athéniens morts au combat. Il s’agit d’un tumulus qui abrite leurs dépouilles, érigé non loin du champ de bataille où ils ont perdu la vie. Si aujourd’hui l’Europe est ce qu’elle est : civilisation de la liberté, des grandes découvertes, celle qui honore la femme, et si nous sommes imprégnés d’un héritage hellénique, c’est grâce à nos ancêtres qui ont repoussé les Orientaux à Marathon. Sans ces Athéniens qui refusèrent la soumission, la face de l’Europe, et même du monde, serait tout autre. Enfin, la plage de Marathon était en 490 av. J.-C. le lieu où déferlait l’Orient sur l’Europe. Vingt-cinq siècles plus tard, rien n’a changé. Les rives occidentales de la mer Égée sont encore le point de passage d’Orientaux en quête du paradis européen. Afghans, Iraniens, Pakistanais, Syriens, Irakiens… se pressent en mer Égée pour tenter de venir chez nous. Et comme l’histoire se répète, nous devons, à notre tour, repousser les envahisseurs pour préserver ce que nous sommes.
M. J. – Promotion Roi Arthur (2019-2020)