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La Guerre, un maître de violence. Theôria et praxis

L’analyse des faits conduit Thucydide à comprendre l’idée de la guerre, le rapport dialectique physis/nomos, la nature de l’impérialisme dans l’absolu, et la puissance considérable des Athéniens en particulier, cause la plus vraie de la guerre du Péloponnèse.

La Guerre, un maître de violence. Theôria et praxis

Dans La Guerre, un maître de violence. Theôria et praxis. Pensée et action, Olivier Battistini, écrivain et historien spécialiste de la Grèce antique, s’attache à décrypter la pensée grecque pour mieux éclairer notre compréhension du monde contemporain. Allocution prononcée au Mathias Corvinus Collegium (Budapest) en décembre 2024.

Thucydide

Au début de La Guerre du Péloponnèse, l’historien stratège, ne se présente pas comme citoyen du dème d’Halimonte ou comme le fils d’Oloros, mais comme un Athénien :

« Thucydide l’Athénien a composé l’histoire de la guerre entre les Péloponnésiens et les Athéniens et suivi les phases de cette lutte. »

Il a pensé et écrit son histoire dans une cité « maîtresse de peuples » dont il dira l’ascension, l’apogée et la chute. Il parle aux lecteurs du futur. Le ton polemon/ôs epolemèsan fait signe.

Démétrios signale ce commencement comme remarquable.

Selon Lucien, cette répétition est « pleine de grâce et respire l’esprit attique ».

Pour Firmin-Didot, il « voulait exprimer d’une manière brève les circonstances et l’esprit de cette guerre ».

Disciple du sophiste Antiphon, contemporain d’Anaxagore, d’Euripide et d’Archélaos, Thucydide « pense plus qu’il ne parle ». Poète dans son style, penseur profond, il épargne les paroles. Il « met dans chaque mot tout ce qu’il peut contenir, et serre l’expression comme la pensée : dès lors rien d’inutile ; aucun de ces mots vagues, dont le sens peut s’étendre ou se resserrer à volonté ; on risque toujours de dire trop peu en le traduisant » (Zevort, Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse).

Cette redondance est donc voulue. Elle est enrichissement, une progression dans la pensée de « l’historien le plus politique qui ait jamais écrit », selon l’expression de Hobbes. Le passage du substantif au verbe, de l’idée à l’action révèle une haute langue et le dessein de l’historien : une abstraction depuis le récit détaillé des opérations organisé selon le rythme des étés et des hivers. C’est une histoire politique, une œuvre qu’il sait « acquisition pour toujours » (I, 22, 4).

En vertu de la nature des choses humaines, de tels événements, nécessairement, se reproduiront un jour identiques.

Cette première phrase annonce donc à la fois une métapolitique et la réalité de la guerre dont le récit sera pensé, composé. Il faut la traduire en laissant dire aux mots grecs ce qu’ils veulent dire. Elle est signe, au-delà de « l’histoire réfléchie » et de la philosophie politique ou plus exactement de l’histoire politique telle que Thucydide l’Athénien la conçoit, de la conscience de l’historicité et de la compréhension même de ce qu’est un événement.

Il s’agit d’une philosophie de l’action.

Voici le poème de la force et l’histoire violente de l’homme dans l’univers de la cité, son essence tragique. Depuis le particulier, une vérité universelle et permanente comme ce sera le cas dans l’oraison funèbre prononcée par Périclès au livre II ou dans le dialogue des Athéniens et des Méliens au livre V.

L’analyse des faits conduit Thucydide à comprendre l’idée de la guerre, le rapport dialectique physis/nomos, la nature de l’impérialisme dans l’absolu, et la puissance considérable des Athéniens en particulier, cause la plus vraie de la guerre du Péloponnèse.

Tout cela est contenu dans l’incipit

Dans l’oraison funèbre des Athéniens morts au combat, en 430, Périclès, qui a développé son art de la dialectique et son éloquence à l’école de Zénon et d’Anaxagore, fait l’éloge de la belle-mort, de la grandeur des Athéniens.

Chez eux, la parole ne nuit pas à l’action. C’est une vertu politique. Hannah Arendt, dans La Condition de l’homme moderne, comprend le prestige d’Achille faiseur de grandes actions et diseur de grandes paroles et souligne que chez les Athéniens « La pensée venait après la parole, mais l’on considérait le langage et l’action comme choses égales et simultanées, de même rang et de même nature ; et à l’origine, cela signifiait non seulement que l’action politique, dans la mesure où elle ne participe pas de la violence, s’exerce généralement au moyen du langage, mais de façon plus fondamentale, que les mots justes trouvés au bon moment sont de l’action, quelle que soit l’information qu’ils peuvent communiquer. Seule la violence brutale est muette, et c’est pourquoi elle ne saurait avoir de grandeur ».

Ces Athéniens sont amants de la beauté à l’intérieur des limites du jugement politique et philosophent sans le vice barbare de la mollesse : « la cité tout entière est une école pour la Grèce ».

Périclès fait également l’éloge de leurs exploits guerriers inoubliables, dignes d’un étonnement :

« La terre et la mer forcées de s’ouvrir à notre audace (tolma), sont devenues le double théâtre où nous avons pour jamais signalé de la manière la plus éclatante et nos bienfaits et nos vengeances. »
II, 41, trad. J.-B. Gail, 1807

La terre et la mer sont des adversaires vaincus.

Nietzsche, dans La Généalogie de la morale, commente ce passage. Au fond de toutes ces races aristocratiques, il y a le fauve, la « superbe brute blonde avide de proie et de victoire ». Parfois « ce fond caché a be­soin de se libérer, il faut que le fauve sorte, qu’il retourne à son pays sauvage » et « dans ce be­soin tous se valent : aristocrates romains, arabes, germaniques ou japonais, héros homé­riques ou vikings scandinaves ». À l’apogée de leur culture, elles en sont encore conscientes et en sont même fières, par exemple « quand Périclès dit aux Athéniens dans sa célèbre orai­son funèbre :

« Notre audace s’est ouvert des chemins vers toutes les terres et toutes les mers, s’érigeant partout des monuments impérissables en bien et en mal. »

Cette “audace” des races nobles, audace folle, absurde et soudaine dans ses manifestations, ce qu’ont d’im­prévisible, voire d’invraisemblable leurs entreprises – Périclès souligne tout particulièrement la rathumia des Athéniens –, l’indifférence et le mépris où ils tenaient la sécurité, le corps, la vie, le bien-être, leur effroyable sérénité et la profondeur de leur plaisir dans la destruction, dans toutes les voluptés de la victoire et de la cruauté – tout cela se réduisait, pour ceux qui en étaient les victimes, à l’image du “barbare”, du “méchant ennemi”, par exemple du “Goth”, du “Vandale” ».

Pour Hannah Arendt, dans La Condition de l’homme moderne, « l’action ne peut se juger que d’après le critère de la grandeur. Thucydide – ou Périclès – savait parfaitement qu’il avait rompu avec les normes de la conduite quotidienne en déclarant que la gloire d’Athènes était d’avoir laissé “partout un immortel souvenir [mnèmeia aidia] de ses actes bons et de ses actes mauvais” ».

La guerre, école de violence, une maîtresse aux façons violentes (III, 82, 2), est conséquence d’un appétit de pouvoir, d’une pleonexia condamnée par Platon dans le Gorgias comme symbole de la politeia des Athéniens.

Pour Clausewitz :

« La guerre n’est rien d’autre qu’un duel à une plus vaste échelle. […] La guerre est donc un acte de violence destiné à contraindre l’adversaire à exécuter notre volonté ». Et il n’y a pas de limite à la manifestation de cette violence. « Chacun des adversaires fait la loi de l’autre, d’où résulte une action réciproque qui, en tant que concept, doit aller aux extrêmes. Telle est la première action réciproque et la première extrémité que nous rencontrons ».

La montée aux extrêmes implique un « usage illimité de la force », le « déploiement extrême des forces »…

En 416, la seizième année de guerre, une flotte de trente navires, sous le commandement de Cléonidès et de Tisias, auxquels se joignent six bâtiments de Chios et de deux de Lesbos, est envoyée contre les Méliens.

Des députés athéniens s’adressent aux premiers citoyens de l’île. Ils leur demandent d’examiner les « circonstances actuelles » et de ne pas considérer les « incertitudes de l’avenir ».

Les Athéniens savent leur force et connaissent, en conséquence, le présent et peuvent décider du futur. Si les Méliens réalisent et acceptent cette praxis, ils parleront. Si ce n’est pas le cas, tout discours est inutile. Puisqu’il n’est pas question d’un dialogue entre égaux – il est insensé de parler de justice quand il n’y a pas équilibre de puissance –, ils ont donc le choix entre la guerre et la servitude. Leur croyance en la justice, leur confiance dans la divinité et leur espérance en un secours des Lacédémoniens sont une naïveté et un tort. Leur intérêt est de se soumettre.

Dans l’exercice de leur kratos, les Athéniens se comportent selon des nécessités de nature (ta phuseôs anangkaia) qui poussent à dominer les autres chaque fois qu’on est le plus fort. Ce principe sous-tend La Guerre du Péloponnèse. Il est conduit, lors de l’affaire de Mélos, à son point idéal, à la manière d’une thèse métapolitique et profondément pessimiste.

Le dialogue des Athéniens et des Méliens, le seul de tout le récit, est œuvre de Thucydide par excellence, comme un dialogue de Platon est œuvre platonicienne.

Selon les Athéniens, il faut « négocier le possible avec réalisme de part et d’autre, sans perdre de vue […] que dans la logique humaine, le droit tranche, si les forces s’équilibrent, sinon le fort décide du possible et le faible s’en accommode » (V, 89).

La violence prend alors une forme intelligible. L’impérialisme est la question du terrible dialogue. Les Athéniens anonymes de ce débat improbable se placent, avec lucidité, dans le devenir : la nécessité de nature l’emportera toujours sur l’idée de justice.

Jacqueline de Romilly parle de la force exaltante, de la dynamique de la force. Gomperz et Nestle pensent que ce réalisme, si crûment exprimé par les Athéniens, traduit les sentiments de l’historien lui-même. Il serait proche du Thrasymaque de la République et préfigurerait, par son apologie de l’idée de puissance, l’énigmatique Calliclès.

Pour les Athéniens, la force, excluant l’idée même de justice, dans son acception large, est la norme dans les relations politiques. Ils sont donc à Mélos pour le bien de leur empire, de leur survie. Commander à celui qu’on peut vaincre est une nécessité naturelle et universelle. Les Athéniens n’ont pas établi cette “loi” et n’ont pas été les premiers à l’appliquer. Elle existait avant eux, et demeurera éternellement après eux. Ils en font usage, parce qu’ils savent que les Méliens et les autres, parvenus au même degré de puissance que le leur, agiraient de la même façon.

Chez Thucydide, comme chez Homère où la mort aristocratique est liée à la gloire (kléos), il n’est pas question d’une simple manifestation primaire de la force. Le rapport à la force est souveraine dialectique.

L’audace des Athéniens vantée par Périclès et dont parlaient les Corinthiens à la fameuse assemblée de Sparte, avant le début du conflit, cette incapacité à rester en repos et à laisser les autres tranquilles, font apparaître la notion d’un pouvoir défini, à la fois, comme pouvoir de tuer et pouvoir d’être tué. « La souveraineté n’est que “différance” souveraine, état, comme le dit Dumézil, d’une “victime en sursis permanent d’exécution” (Flamen-Brahman, 1935), dont la religion romaine offre la figure exemplaire avec le prêtre-roi de Némi, Dianus : sa souveraineté est coextensive à son être-pour-la-mort. »

Le pouvoir est chose redoutable pour son détenteur, comme pour celui qui le subit. Celui qui, provisoirement, dispose du kratos, est, dans l’univers de la praxis et de l’action, soumis à la même nécessité que le faible. Ils sont victimes tous deux de cette force de nature dont il est question ici. Ce ne sont pas les Athéniens qui ont posé ce principe ou qui ont été les premiers à appliquer ce qu’il signifie : il existait avant eux et existera pour toujours après eux.

C’est seulement leur tour de l’appliquer, en sachant qu’aussi bien les Méliens ou d’autres, placés à la tête d’une même puissance auraient fait de même.

La prise de Mélos n’est pas seulement un « défi adressé à Sparte », elle est épreuve de force et touche à l’abstraction la plus haute. Les Athéniens sont devenus incapables de modérer leur désir à l’empire, selon une nécessité de nature qu’ils acceptent – là est la véritable et seule liberté.

Ils savent que les empires sont mortels.

Énée, Asclépiodote et Onasandre

Chez nos tacticiens, voici la guerre ritualisée, la guerre de masse ou à objectifs limités, les positionnements et les manœuvres de la phalange, l’appui des troupes légères et des mercenaires dans un univers politique en métamorphoses, le rôle de la cavalerie, la charge massive et l’attaque frontale pour bousculer, détruire l’ennemi par une bataille décisive et dresser le trophée de la victoire, le siège et la défense des fortifications, les mines dans les galeries et les engins pour saper les murailles, la transmission des ordres, la mise en place des camps et des gardes la nuit, l’entraînement et la préparation au combat, la fausse retraite, les stratagèmes, les machinations, les ruses, les embûches, les pièges, les alliances, les pourparlers, l’attitude à adopter après la reddition d’une place ou la prise d’une ville, son pillage ou sa destruction et le sort réservé aux vaincus, aux prisonniers, aux transfuges ou aux traitres…

Déjà toutes les guerres du futur.

  • le « Grand Jeu » de l’impérialisme, pour reprendre l’expression de Kipling, le « tourbillon d’ombres » sur les échiquiers de la géopolitique, les combinaisons et les éléments des conflits futurs, le blitz, les raids, le conflit économique, l’importation, l’exportation et le contrôle des armes, la guerre bactériologique, la guerre coloniale, civilisationnelle, politique ou idéologique, la révolution ou la contre-révolution.
  • l’esprit de conquête et de combat au corps à corps, celui des troupes d’élite dans la vision aristocratique des Orages d’acier d’Ernst Jünger, ou, à l’inverse, la guerre des snipers imposant une véritable « chasse à l’homme ».
  • la guerre civile – qui rappelle la stasis de Thucydide – racontée dans Les Blancs et les Rouges, dans Le Blanc soleil des vaincus, ou encore dans Le Cœur rebelle, de Dominique Venner, dont l’esthétique s’inspire du samouraï et de l’idéal spartiate, la guerre civile à l’échelle planétaire, celle qui succéda à la guerre chevaleresque, morte avec le suicide de l’Europe, entre 1914 et 1918.
  • la « guerre juste » évoquée par Carl Schmitt dans « La guerre discriminatoire et la logique des grands espaces » et dans « La tyrannie des valeurs », dénonçant un ordre juridique mondial dans lequel les ennemis moralement discrédités sont des criminels, les « ennemis de l’humanité tout entière », déclarés « non humains », « hors-la-loi », « hors-Humanité », sont non seulement à vaincre, mais définitivement éradiqués dans une guerre menée « jusqu’à son inhumanité la plus extrême » – on pense aux paroles des Corinthiens, à l’assemblée de Sparte, avant le début de la guerre du Péloponnèse.
  • le concept d’« art opératif » créé par les stratèges soviétiques, notamment le général Alexandre Svietchine, le Clausewitz russe, qui, dans Strategiia, 1926, développa le principe de défense, qui consiste à épuiser les ressources militaires et économiques de l’adversaire, et sa mise en œuvre tactique et stratégique par l’Armée rouge pendant la Seconde Guerre mondiale, avec, en arrière-plan, l’idée de « combiner les opérations pour atteindre le but final de la guerre », en harmonie avec la nécessité d’une mobilisation permanente, véritable « discipline intellectuelle » destinée à mettre la tactique au service de la stratégie, art que les Russes maîtrisent désormais face à l’Ukraine et à l’OTAN.
  • la guerre défensive, celle de la retraite et de la « terre brûlée », qui a conduit Napoléon à s’enfoncer toujours plus profondément en territoire hostile, une guerre d’usure, silencieuse, cachée, impitoyable, un « art de la guerre par usure » où le but n’est pas de tenir un territoire, mais de préserver ses forces en reculant si nécessaire, de miser sur un conflit long, sur la dégradation du potentiel de l’adversaire et le renforcement du sien, et, dans une phase finale, décisive, de frapper pour provoquer l’effondrement.
  • la guerre de l’ombre, les signes et les contresignes, les dépêches chiffrées et la cryptographie militaire, depuis la Scytale des Spartiates, le « Bâton » de Plutarque, la « boîte à chiffrer et à déchiffrer » d’Henri II, jusqu’à la machine Enigma, et la cryptanalyse d’Alan Turing, les codes secrets et les techniques de chiffrement par substitution ou transposition, le Carré de Polybe, le Chiffre de Blaise de Vigenère ou le code de Samuel Morse.
  • les complots, pièges et contre-pièges, les ruses depuis le cheval de Troie d’Ulysse, le polymètis, jusqu’à celles des agents doubles de la Seconde Guerre mondiale ou de la guerre froide.
  • l’espionnage et l’observation de l’adversaire et l’organisation de ses forces, le repérage de l’ennemi par le son, les commandos et les missions d’infiltration en territoire hostile, l’élimination des chefs ennemis.
  • la guerre de communication, la censure, la désinformation comme arme de guerre, la « persuasion de masse » étudiée par Gérard Chaliand, l’intoxication, le « viol des masses par la propagande politique » de Tchakotine, les techniques de lavage de cerveau, du projet MK-Ultra dans les années 1950, l’endoctrinement, la fabrication de mensonges pour travailler, pour « piloter » l’opinion publique, le « temps des peurs » instrumentalisé par les castes dirigeantes, pour, selon Michel Maffesoli, soumettre et anéantir la pensée, et, chez Julius Evola, le concept de « guerre occulte ».
  • l’intelligence artificielle à usage politique et militaire dans une cyberguerre visant au contrôle interne et à la programmation de machines qui inventent leurs propres algorithmes – un dispositif furtif et opaque constitué de ce que C. S. Lewis, dans L’Abolition de l’homme (livre cher à Slobodan Despot) appelle les « conditionneurs », les oligarques de l’ère numérique, étranges successeurs des membres secrets du Conseil nocturne des Lois de Platon.
  • mystifications politiques pour inventer les conditions de l’insurrection et de la subversion, pour semer le désordre et le chaos et légitimer une cause ou une action révolutionnaire, terrorisme, « terrorisme total », « terrorisme de masse », « guerre souterraine » de Nikolaï Boulganine, « propagande noire » de Sefton Delmer, méthodes de démoralisation des forces ennemies, de pourrissement des États à conquérir, visant à provoquer un effondrement de l’esprit de résistance, un sentiment de fatalité.
  • la guerre irrégulière, asymétrique, la guerre du faible contre le fort, celle des partisans, « qui frappent à l’improviste et se retirent aussi vite, telluriquement unis à un pays qu’ils défendent, l’inimitié absolue, l’inimitié ontologique, l’inimitié comme telle, la guerre populaire, la guérilla, la « contre-guérilla » des armées de Napoléon contre l’insurrection espagnole en Andalousie entre 1808 et 1812 – on se souvient des tracasseries et des pièges tendus par les barbares aux Dix Mille de Xénophon dans leur katabase après Cunaxa.
  • la guerre d’usure, « l’armée invincible » de Mao Zedong, la guerre révolutionnaire de Che Guevara, les combats de rue.
  • la « guerre au-delà des limites ».
  • la guerre « totale », parce qu’elle nous met en contact avec l’infini, violemment, la lutte à mort, la reconstruction ou l’effacement de l’histoire jusqu’à ce que l’ennemi soit complètement vaincu, ruiné, écrasé, détruit. Annihilé.

Il n’y a pas de politique sans ennemi… Pour Julien Freund, lecteur subtil de Schmitt, la Politique qui fonde et domine le droit est l’art de le désigner.

Olivier Battistini
11/12/2024

Historien et écrivain, universitaire (Maître de conférences HDR en histoire grecque), Olivier Battistini est membre du comité scientifique de Conflits et chroniqueur à Éléments.