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La Fête de la Saint Éloi, tradition vivante et enracinée

« La Provence dissimule ses mystères derrière leur évidence. »
Jean Giono

La Fête de la Saint Éloi, tradition vivante et enracinée

Pays : France
Région : Provence
Thème général : Fête de la Saint Éloi, tradition provençale
Date et durée de l’évènement : La fête de la Saint Éloi est fêtée en été chaque premier week-end de juillet.

Cadre historique et culturel

L’origine de cette fête est directement liée à la vie de saint Éloi et à ce qu’il représente.

Né vers 588 à Chaptelat près de Limoges, Éloi est très tôt destiné à exercer le métier d’orfèvre. Après un apprentissage à Limoges et fort d’un talent exceptionnel, Éloi est envoyé à Paris. Là, Clotaire II lui commande un trône d’or serti de pierres précieuses. Éloi réalise un trône magnifique et, avec le superflu de métal et de pierres, cisèle un deuxième trône. Clotaire II fut émerveillé du talent d’Éloi mais aussi de son honnêteté car il aurait pu garder pour lui ce qui restait de la commande.

Nommé Maître de la monnaie, Éloi devient un personnage important de la cour. À la mort de Clotaire II, c’est Dagobert Ier qui devient roi. Ce dernier fait d’Éloi un de ses principaux conseillers. Il le nomme Trésorier du roi et lui confie de nombreuses missions diplomatiques. En 632, Éloi devient prêtre et fonde le monastère de Solignac. C’est en 641 qu’il est fait évêque de Noyon. À la mort de Dagobert Ier, Éloi sert encore sous Clovis II et Sigebert III avant de quitter la cour pour se consacrer exclusivement à sa charge ecclésiastique.

Il fonde successivement les monastères de Noyon, Tournai, Saint-Quentin, les sanctuaires de Saint-Bon et de Sainte-Colombe. Il fait aussi construire un hôpital dans son évêché qui sera destiné aux pauvres. Éloi meurt le 1er décembre 660 à l’âge de 72 ans. Il est proclamé saint par la vox populi aussitôt après sa sépulture. Il devient naturellement le saint patron des ouvriers travaillant les métaux et des agriculteurs, il est notamment le protecteur des mulets, des ânes et des chevaux.

Description de la fête

Les festivités liées à saint Éloi sont organisées par la Confrérie de saint Éloi de Châteaurenard, créée au XVIe siècle. Saint Éloi est fêté deux fois l’an : le premier dimanche de décembre et le premier week-end de juillet.

En hiver, les festivités sont réservées aux initiés et s’articulent autour d’une messe en langue provençale lors de laquelle les outils agraires et les harnais des chevaux décorent l’autel.

En été, les festivités s’adressent au plus grand nombre et rythment le début de la période estivale pendant les quinze derniers jours du mois de juin. Pour conduire les festivités, sont choisis parmi les volontaires de la confrérie deux « Bayles » secondés par deux capitaines (garçons de 15 à 17 ans). Le Bayle est un membre de la confrérie chargé de la représenter pendant une année.

Quinze jours avant la procession, les festivités débutent par la marche du dimanche soir, qui conduit les membres de la confrérie chez les autorités civiles, militaires et religieuses de la ville, pour une sérénade et pour partager le verre de l’amitié. Cette marche est très hiérarchisée : en tête défilent les Bayles de l’année accompagnés de leurs épouses, suivis de leurs capitaines puis du président accompagné de son épouse et des membres du bureau, puis la musique, les membres du conseil d’administration et enfin les sociétaires de la confrérie.

Pendant les quinze jours qui suivent, durant plusieurs après-midi, cinq à dix attelages de « jardinières » vont aller de mas en mas, musique en tête, pour accomplir ces tournées parcourant les chemins alentours. Une jardinière est une voiture découverte montée sur deux ou quatre roues traditionnellement utilisée pour transporter fruits et légumes au marché. Bayles et capitaines remettent aux masiers le drapeau à l’effigie de saint Éloi mentionnant les noms des Bayles et des capitaines de l’année ainsi que la tortillade, une brioche torsadée à l’anis.

Quelques jours avant le début des fêtes, la charrette est amenée au mas des Bayles. La garniture de la charrette est réalisée durant les trois après-midi qui précèdent le samedi des festivités. Ce sont principalement les dames qui trieront, tresseront et cisèleront les plantes et outils pour donner naissance à cet ouvrage éphémère, qui sera le cœur de la procession.

La garniture de la charrette est principalement constituée des éléments symboliques suivants : trois plantes longtemps cultivées dans ce coin de Provence (le blé noir, l’avoine et le chardon cardère), trois plantes constituant souvent les haies (le buis, le troène et le fusain) et quelques rameaux de pin et d’olivier pour décorer les tours qui surmontent le tout. De part et d’autre de la charrette, se trouvent six réductions d’outils agraires : l’araire, le râteau, la herse, le chevalet, l’échelle et la faux, rappelant l’activité principale de ce pays agricole. À l’intérieur, à l’avant et à l’arrière, sont placés deux cerceaux suspendus par des rubans verts et blancs aux couleurs de la société.

Le vendredi soir précédant la procession, c’est « l’abrivado » : les taureaux camarguais sont conduits des pâturages à l’arène, traversant ainsi la ville sous la surveillance des gardians.

Le samedi soir précédant la procession, l’équipage retourne au mas des Bayles, où les attendent tous ceux qui ont garni la charrette, pour leur rendre les honneurs, chanter devant la charrette totalement garnie la « Coupo Santo » et danser tous ensemble la farandole menée de main de maître par le président de la confrérie.

Le 1er dimanche de juillet a lieu la célébration populaire de la Saint-Éloi au cœur de la ville de Châteaurenard.

Le dimanche, la journée débute à sept heures du matin par la messe en plein air au mas des Bayles dite en langue provençale. De nombreuses dames et demoiselles ont revêtu pour la circonstance le costume du Pays d’Arles. Après le mot d’accueil des Bayles, la messe est ouverte par le cantique à saint Éloi de Jean Nouguier. Pour l’offrande les capitaines montent à l’autel faire bénir une corbeille de tortillades. La messe se termine par le chant « Prouvençau e catouli ». À la messe succède, vers 9 heures, le déjeuner offert aux charretiers qui mèneront les chevaux durant la procession.

Puis c’est l’attelage de la charrette qui se met en place pour la procession qui aura lieu dans les rues de Châteaurenard. Tous les chevaux sont attelés en flèche, les uns à la suite des autres au moyen de traits de corde en chanvre, amarrés aux colliers par des liens de cuir. Cet attelage peut compter plus de soixante chevaux tirant la charrette de la Saint-Éloi décorée pour l’occasion. Les charretiers en tenue traditionnelle prennent place dans un ordre bien établi : en tête le Bayle de l’année suivante qui recevra la charrette, suivi de son assesseur (deuxième Bayle), les capitaines de l’année puis les capitaines de l’année précédente ; viennent ensuite les charretiers des sociétés voisines et en fin d’attelage, les charretiers châteaurenardais. Comme partout en Provence (à l’inverse du nord du pays) les charretiers mènent leur cheval de la main droite.
Dans la charrette s’installent les Bayles de l’année, la musique composée de galoubets et de tambours.

Une fois l’attelage constitué, celui-ci s’élance en direction de l’église, précédé par la calèche réservée aux Baylesses. À l’entrée du village, les rues s’animent : des groupes de femmes et de jeunes filles vêtues en Arlésiennes, des groupes de musique traditionnels, des groupes équestres traditionnels de la Camargue et des attelages d’enfants proposent à la foule de petits bouquets de buis et de blé. Dans ces groupes, le costume provençal est largement porté, dénotant ainsi un lien profond entre saint Éloi et la culture provençale.

Parvenue devant l’église, c’est au pied du grand escalier que tourne la charrette, et que l’attelage reçoit la bénédiction. C’est un moment crucial scruté par les badauds car tourner avec un attelage de cinquante à soixante chevaux n’est pas aisé.

La procession se poursuit ensuite par les artères de la ville, monte à l’oratoire du saint patron et effectue ainsi trois fois le tour de ville selon un rite protecteur. Après avoir été dételée, la charrette est exposée jusqu’au soir au centre de la ville.

Activités connexes

Les festivités se poursuivent plus tard dans la journée par des courses camarguaises organisées dans les arènes du village. De jeunes Provençaux défient des taureaux dans l’arène et essayent d’attraper des attributs fixés sur les cornes de l’animal. Sensations garanties !

La fête de la Saint-Éloi est également l’occasion d’aller dans des bodegas ouvertes pour la fête ou l’on peut boire, danser et discuter jusque tard dans la nuit.

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