Institut ILIADE
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L’Europe, terre du milieu

Lionel Rondouin, diplômé de l’École normale supérieure, a fait carrière dans l’armée de terre, au sein des parachutistes des troupes de marine, puis dans l’industrie. Aujourd’hui, il est enseignant dans diverses écoles de management ou d’ingénieurs.

L’Europe, terre du milieu

L’Europe est aujourd’hui profondément affaiblie. Cette situation trouve ses prémices dans les années 80, et s’est considérablement aggravée dans les cinq dernières années.

Commençons par l’économie. Pour ce qui concerne l’agriculture, la révolte des paysans parle d’elle-même. L’Europe des villes affame les hommes des champs, qui les nourrissent. Dans l’industrie, un événement symbolique vient de survenir dans l’indifférence des médias. La dernière aciérie de Grande-Bretagne va fermer. Oui, la dernière aciérie de cette Angleterre où est née la révolution industrielle, grâce à l’extraction simultanée du charbon et du fer, qui a permis le développement de la société industrielle moderne et contemporaine, du chemin de fer au gratte-ciel, de la voiture automobile à la centrale nucléaire. L’acier qui permettrait au passage de fabriquer des obus d’artillerie, mais je m’égare…

Pourquoi cette dernière aciérie va-t-elle fermer ? Parce que les nouveaux coûts de l’énergie en Europe ne permettent plus de rentabilité. En Allemagne, les groupes industriels déménagent vers l’Amérique. BASF s’en va, les ménages paient plus cher le gaz, les pétroliers américains se gavent de profits quand ils livrent du gaz et, s’ils n’en livrent pas, on en achète en sous-main aux Russes au double du prix d’avant, et les Verts allemands sont contents.

Et tout cela parce que des « élites dirigeantes » ont pris ou avalisé de mauvaises décisions politiques, économiques, géostratégiques, pour des raisons de politique politicienne locale à court terme, par idéologie ou par complaisance vis-à-vis de leurs mentors, de Mme Thatcher pour les mines à Mme Merkel pour le nucléaire et à M. Macron pour des sanctions illusoires et contre-productives.

La défense, pilier de la souveraineté, n’en parlons pas. Même en créant de la dette à une vitesse vertigineuse, on ne peut pas simultanément entretenir les moyens de la puissance militaire, loger les migrants et investir dans l’impasse de la transition écologique. Donc les arsenaux sont vides. Faute d’argent, l’Allemagne renonce à ses projets de rééquipement militaire. Car elle, si prospère, disait-on, en est maintenant à 100 milliards près.

Dans le domaine de l’éducation et de la culture, on commente une fois par an les résultats du classement PISA, et le lendemain on passe à autre chose. Les champions ne sont plus en Europe. Il ne s’agit plus seulement aujourd’hui de correction de la langue, mais de sa simple compréhension la plus basique. Le niveau mathématique est en chute, les sciences exactes sont délaissées, ce qui induit une baisse du niveau de la recherche fondamentale ou appliquée.

Des finances publiques exsangues, des niveaux de dette jamais atteints en temps de paix

Ah ! Il nous restait le « rayonnement » de l’Europe. Rayonnement culturel, rayonnement technique et scientifique, autorité morale. Pour nous Français, le château de Versailles, la fusée Ariane et la Déclaration universelle des droits de l’homme réunis dans un triptyque magique. Un château de Versailles qu’on ferme régulièrement à cause des menaces d’hallucinés armés de couteaux de cuisine. La fusée Ariane qui perd des parts de marché, malgré ses qualités indéniables. Et la moraline politique dont plus personne ne veut dans le monde, car les Lumières sont éteintes…
Les Lumières sont éteintes, c’est le sous-titre d’un ouvrage récent de Michel Maffesoli. Comme dans ses œuvres précédentes, il y pointe la fin d’un cycle historique. Le problème n’est plus de discuter si les Lumières sont fondées ou non en raison. Le fait majeur, et qui échappe à toute discussion, c’est que le monde extérieur ne veut pas de nos Lumières ni de ses avatars successifs, individualisme, nihilisme, wokisme, mondialisme et autres. Il n’en veut pas et maintenant il ose le dire, c’est ça qui est nouveau.

Il faut sans doute nuancer ce jugement sévère. Plus profondément, est-ce l’Europe qui s’affaiblit, ou est-ce l’Occident, dont l’Europe n’est plus aujourd’hui qu’un appendice passif ? Je pense que oui, c’est l’Occident, plus que l’Europe, qui est en cause.

La notion d’Occident a une longue histoire, mais l’Occident contemporain s’est cristallisé en 1956, lors de la guerre de Suez où les États-Unis ont mis fin aux dernières aspirations de la France et de la Grande-Bretagne à une autonomie stratégique, politique et militaire.

Le centre de gravité se trouve dans les puissances anglo-saxonnes. Le rattachement à « l’Occident » d’une dimension indo-pacifique (Corée du Sud, Japon, Australie, Nouvelle-Zélande) a fait de l’Europe une zone périphérique, secondaire, corvéable par le suzerain. On peut même la sacrifier aux intérêts de l’empire. Les néo-conservateurs qui dirigent les États-Unis ont deux buts de guerre simultanés en Ukraine : le démantèlement de la Russie pour exploiter ses richesses, et l’affaiblissement durable de l’économie européenne, un concurrent gênant. Aujourd’hui, et le sabotage de Nord Stream le montre, l’Occident est un adversaire de l’Europe. Je n’aurais pas dit cela il y a trente ans, mais le monde change.

Le monde a déjà changé

Les BRICS, qui ne sont plus cinq mais dix, dépassent largement le G7 en population et en production de richesse en parité de pouvoir d’achat. Nous sommes déclassés. Le monde extérieur à l’Occident veut qu’on lui fiche la paix et que nous nous occupions de nos affaires plutôt que des leurs.

Qu’y a-t-il de commun avec les revendications du monde contemporain tel qu’il a commencé à se former au tournant du XXIe siècle ?
Qu’y a-t-il de commun entre la junte nigérienne, le président du Kenya, le Premier ministre de l’Inde et Vladimir Poutine ?

« Fichez-nous la paix et occupez-vous de vos oignons ! »

La junte nigérienne dit au président Macron :

« Au lieu de nous donner des leçons de gouvernance, occupez-vous de vos pauvres et de vos populations mécontentes. »

Le Kenya dit à l’Amérique :

« Arrêtez de vouloir nous imposer votre Code civil, vos normes sociétales et sexuelles délirantes, contraires à nos traditions africaines, arrêtez de vouloir nous imposer vos règles commerciales, arrêtez de nous menacer de sanctions, arrêtez de nous imposer le dollar pour nos échanges ! Le Kenya ne veut pas du mariage gay mais il veut acheter son gaz à qui lui plaît, c’est-à-dire au Qatar, et le payer en shillings kenyans et pas en dollars. Est-ce qu’on peut, M. Obama ou M. Biden, oui ou non, vivre comme on l’entend quand on est kenyan ou qatari ? »

Le Premier ministre Modi dit aux Anglo-Saxons :

« Nous renonçons au privilège de la langue anglaise pour tout ce qui concerne désormais nos affaires administratives, commerciales et judiciaires internes. Nous préférons utiliser nos propres langues. Et puis l’Inde s’appellera désormais Bharat, parce qu’Inde est un nom qui nous a été attribué par l’étranger, et parce que Bharat était déjà notre nom dans les grandes épopées indo-européennes du Rig-Véda et du Mahabharata. »

Dans la révolte du « Sud global », il y a souvent une dimension identitaire et culturelle qui échappe à nos élites mondialistes.

Le Président Poutine dit la même chose à Biden :

« Occupez-vous de vos frontières passoires au lieu des nôtres. Occupez-vous des cartels de la drogue qui empoisonnent votre jeunesse. Occupez-vous de vos millions de pauvres et de sans-abri, de la criminalité, de vos 34 000 milliards de dollars de dette publique (qui seront 36 000 milliards le jour où cette allocution sera prononcée). Votre modèle de société, de gouvernance et de commerce est-il donc si efficace, si attractif, qu’il vous faille entretenir plus de 600 bases militaires hors des États-Unis pour le maintenir à grand-peine ? Du haut de mes mille ans d’histoire, je contemple les prémices de votre deuxième guerre civile. »

C’est un diagnostic sévère que le monde porte sur l’Occident, mais il est partagé par des forces croissantes en nombre au sein même de l’Occident nord-américain et de l’Europe.

« Occupez-vous de NOS oignons ! »

C’est ce que les agriculteurs français, allemands, néerlandais, polonais, espagnols disent aux dirigeants nationaux et bruxellois.

C’est le sens de la révolte de l’État du Texas contre le gouvernement fédéral américain. Pour des raisons idéologiques, le gouvernement Biden laisse grandes ouvertes les frontières. Il s’oppose même à ce que le Texas, État frontière, essaie par lui-même d’endiguer la marée humaine avec ses propres moyens. Le gouverneur du Texas Greg Abbott dit à Biden :

« Cessez de dilapider par milliards les dollars du contribuable américain pour financer à l’infini vos guerres impérialistes ; arrêtez la corruption délirante des pouvoirs exécutif et législatif à Washington DC. Occupez-vous de nos oignons ! »

Est-ce un cri du cœur isolé, de la part d’Abbott ? Aucunement, puisqu’il a le soutien actif de vingt-cinq autres gouverneurs sur cinquante.
Donald Trump ne tient pas un autre discours. LCI ou BFMTV ne cessent de le dénigrer pour ses cheveux orange, ses outrances oratoires et sa prétendue misogynie, mais ils se gardent bien de souligner que, parmi les priorités de Trump, s’il est réélu, il y aura une réduction importante des budgets de l’OTAN, dont les menées bellicistes et coûteuses ont dénaturé l’objectif initial de l’alliance et ruiné les finances publiques américaines. Dans l’attente de l’élection de novembre, les « élites » occidentales sont totalement paniquées.

On se rappelle le slogan de Raymond Cartier, le grand reporter de Paris Match, dans les années 50 : « La Corrèze avant le Zambèze ! » Il paraît que ce bon mot est apocryphe, mais il n’en demeure pas moins pertinent et d’une actualité brûlante.

L’Occident, en tant qu’Occident donneur de leçons, fait l’objet au moins d’une défiance, au plus d’une détestation mondiale. Nous autres Européens de l’Ouest, en tant que nous sommes à la remorque de cet Occident, sommes assimilés à lui et pâtissons de son image.
Quelles sont les racines du mal ? Certaines sont bien connues, d’autres sous-estimées.

La chute de l’URSS et le revirement de la politique économique de la Chine, il y a trente ans, ont fonctionné comme un amplificateur de l’arrogance de l’Occident. Se croyant libéré à tout jamais de tout rival, l’Occident a cru pouvoir proclamer la fin de l’histoire, à son profit. Le modèle parfait, définitif, de société, de gouvernement, d’économie que nous incarnions allait tout naturellement s’imposer partout comme une Vérité qui se révélerait aux yeux, enfin dessillés, de l’humanité qui adopterait un modèle unique, universel.

L’arrogance des dirigeants occidentaux est sans limites. Les peuples réticents au modèle sont réputés arriérés. Le dirigeant occidental est un prétendu pédagogue, méprisant, insultant. Les exemples en sont légion. Deux m’amusent… Le président Macron donnant des leçons de bonne gouvernance politique et économique aux Libanais, et le président Sarkozy invitant les Africains à enfin entrer dans l’Histoire. Celle-là est quand même forte, de la part d’un dirigeant dont l’acte politique majeur a été la ratification, contre l’avis du peuple, d’un traité européen qui consiste justement à vouloir faire sortir la France de l’Histoire.

Quand, malgré ces leçons, les peuples et leurs dirigeants répugnent à abandonner leurs spécificités et leur autonomie de décision, les Occidentaux psychiatrisent les déviants, comme l’URSS psychiatrisait les opposants au régime. Tous des fous, partisans des forces du mal, qu’il faut exclure de la communauté internationale ! D’où l’obsession des Occidentaux pour les sanctions et les « changements de régime » qui supposent l’organisation de coups d’État à répétition ou le lancement de nouvelles aventures militaires.

L’une des manifestations emblématiques de l’arrogance de l’Occident et de son déclin, tout à la fois, c’est la disparition de sa diplomatie. La diplomatie a été inventée en même temps que les premiers États, il y a quatre mille ans. Elle suppose deux principes : premièrement, accepter de parler avec des gens avec lesquels on a des conflits ou des rivalités d’intérêts ; deuxièmement, se renseigner sur l’autre, comprendre quelle vision il peut avoir de ses intérêts propres. Or le maître mot de la politique occidentale, c’est qu’il y a des gens à qui on ne parle pas et qu’on n’essaie même pas de connaître.

Tout l’Occident a été contaminé par l’exceptionnalisme américain. Cette notion fondamentale d’exceptionnalisme signifie que le gouvernement américain a cette capacité, ce droit unique à définir ce qui est bon pour les autres pays, les autres sociétés. C’est un héritage politique, mystique et messianique de l’idée de peuple élu. L’effondrement du niveau diplomatique de l’Occident est une manifestation directe tout à la fois de son arrogance exceptionnaliste et de sa profonde médiocrité. En cinquante ans, entre l’époque de Kissinger, un géant, et celle de Blinken et Nuland, les dirigeants actuels de la « diplomatie » américaine, l’Occident a perdu quarante points de quotient intellectuel. Pour ce qui concerne la « diplomatie » française, elle n’existe plus, et je considère que la suppression du corps diplomatique par le président Macron est une des rares décisions cohérentes qu’il ait prises à ce jour, même si elle est perverse.

Médiocrité partout et en tous domaines. Évoquons quelques exemples parmi tant d’autres…

Est médiocre l’idée de mener une guerre industrielle contre des concurrents largement supérieurs en capacité de production. On voit le résultat en Ukraine. On le verra demain encore davantage si l’Occident attaque la Chine.

C’est médiocre d’investir des dizaines de milliards dans des filières technologiques sans avenir ou de tout miser sur des technologies qui nous mettent dans des situations de dépendance insolubles. Par exemple le choix de batteries pour véhicules électriques qui supposent le recours à des minéraux dont la Chine représente 75 % des capacités d’extraction et 98 % des capacités de raffinage, car la Chine a dix ans d’avance dans ce domaine et ne veut bien entendu pas partager ses savoir-faire.

C’est médiocre d’ignorer les lois élémentaires de l’économie. M. Le Maire, vous méprisez le petit peuple, mais un petit boulanger sait qu’il ne peut se fâcher avec le fournisseur de farine qui lui fait les meilleurs prix du marché. Avec une dette publique s’élevant à 115 % du PIB et une économie de services, pensez-vous vraiment donner des leçons de bonne gestion à un pays qui a seulement 15 % de dette publique et dont le secteur industriel pèse 30 % du PIB ? Ce ne sont pas la Covid ni la guerre en Ukraine qui nous affaiblissent durablement, c’est le traitement politique de ces événements.

Médiocrité culturelle, ignorance crasse de l’histoire et de la géographie. On peut, comme George W. Bush, devenir président des États-Unis et dire : « Nous avons un problème, la frontière entre l’Irak et l’Afghanistan est trop poreuse »… en ignorant, par le fait, qu’il n’y a pas un kilomètre de frontière entre ces deux pays, et qu’ils sont séparés depuis 2 500 ans par l’une des plus grandes civilisations de l’Histoire, les Perses, avec des capacités scientifiques majeures, notamment son école mathématique.

On peut être candidat à la présidence de la République française, comme M. Macron, et dire que la Guyane est une île…

Est médiocre aussi le fait de s’illusionner, de s’auto-intoxiquer de sa propre propagande. Un journaliste, autrichien je crois, disait déjà dans les années 30 :

« Les guerres commencent quand les politiques mentent aux journalistes et quand, le lendemain, ils croient ce qui est écrit dans les journaux. »

La société occidentale est une société du mensonge et nos dirigeants finissent par fonder leurs décisions sur leurs propres mensonges. Et, quand on sait que la société du mensonge mène inévitablement à une société de la censure, on ne peut s’étonner de la dérive totalitaire des sociétés occidentales.

J’ai déjà eu l’occasion de le dire à cette tribune, à propos des grandes catastrophes industrielles de notre histoire récente, comme Alcatel, nous avons de grandes écoles, mais de faibles élites. Il faudra un jour approfondir la notion d’ignorant diplômé, et essayer de comprendre les mécanismes qui sélectionnent en Occident, depuis trente ans, cette population pour exercer le pouvoir. Ce serait un bon sujet de colloque pour l’Iliade…

Car ce n’est pas une loi de la nature que d’être dirigés par des médiocres en Europe. La ressource existe dans tous les domaines, politique, économique, technique et scientifique. Et l’on voit que, tant en Europe qu’aux États-Unis, de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer les manifestations et les causes du mal qui ronge l’Occident, et qui fait se dresser le reste du monde contre lui.
Pour cela, il nous faut avoir un objectif et une stratégie.

L’objectif pour l’Europe, ou certains pays européens, c’est de retrouver une indépendance, au milieu de ce naufrage qu’est l’Occident contemporain. Pour cela, il faut retrouver les voies de la différenciation et de la diplomatie.

Nous ne sommes pas supérieurs, nous sommes différents ! Comme on l’a vu, le début du déclin de l’Occident contemporain coïncide avec le fantasme d’une homogénéisation du monde, autour de concepts politiques et économiques prétendument universels, et sur la base d’une prétendue supériorité intellectuelle, managériale, technico-scientifique, que les faits démentent aujourd’hui.

En faisant le constat lucide de nos forces et de nos faiblesses, structurelles comme conjoncturelles, nous devons tendre à un nouveau modèle ; il nous faut devenir un empire du milieu. Oui, comme la Chine. Un empire de NOTRE milieu.

Après un siècle de déclassement, la Chine de Mao Tsé-toung s’était égarée, elle aussi, vers la voie de l’arrogance et de la diffusion mondiale d’une idéologie et d’un modèle social prétendument universels. Deng Xiaoping et Xi Jinping ont rendu la Chine à sa tradition. Car la Chine, on l’oublie trop souvent, a été la principale puissance démographique et économique du monde pendant presque quatre mille ans, jusque vers 1800, sans avoir pour autant prétendu siniser le monde comme nous avons eu l’illusion de l’occidentaliser La tradition chinoise de l’empire consiste à gérer politiquement ses marches, ses zones tampons, et, pour le reste, à maîtriser à l’intérieur la paix civile, la production, la satisfaction des besoins de la population, à l’extérieur le commerce.

L’avenir le plus souhaitable pour l’Europe est de redevenir un pôle d’équilibre, un pôle raisonnable, après tant d’années d’hybris et de déraison.

Alors oui, j’accepte et même je revendique l’accusation qui nous est faite en permanence par les mondialistes, tant de Davos que de Bruxelles : il nous faut pratiquer un salutaire « repli sur nous», car il est temps que quelqu’un s’occupe de nos oignons et que la Corrèze passe avant le Zambèze. Mais, à l’inverse de ce dont nous accusent les mondialistes, cela ne signifie aucunement nous fermer au monde extérieur. Tout au contraire, c’est la médiocrité et l’idéologie de nos élites qui fait que nous ne nous ouvrons pas vraiment au monde, à sa richesse, à sa diversité, à ses potentiels de partenariat. L’universalisme est réducteur. Notre différentialisme est une ouverture au monde.

La stratégie de restauration de notre souveraineté et de notre liberté passe par une remise en cause du système.

Je partage en tout point les analyses de Donald Trump et Robert Kennedy Junior aux États-Unis, car ces deux candidats peuvent diverger sur certains points programmatiques, mais ils posent un constat identique. L’urgence est d’assécher le marigot de la capitale fédérale, de mettre un terme à la tyrannie des dirigeants des « partis de gouvernement », des médias, de la haute administration publique incompétente et veule qu’on appelle aux États-Unis le « Deep State ».

Il est évident que, pour ce qui concerne l’Europe, un tel constat et une telle ambition excluent tout espoir de recours à l’Union européenne, telle qu’elle est au moins.

Albert Einstein disait fort justement que la folie consiste à répéter la même expérience en espérant à chaque fois obtenir un résultat différent. Regardons froidement le résultat de quinze ans de traité de Lisbonne : le traitement désastreux de l’épidémie de Covid ; les ravages causés en Europe par des sanctions économiques contre-productives et notre détresse énergétique et financière ; la montée de la censure, en attendant l’interdiction toujours possible de partis politiques « déviants » avec l’aide du Deep State. Car je rappelle que la force principale à la manœuvre en Allemagne pour l’interdiction de l’AfD, ce sont les services secrets du pays, exactement comme, aux États-Unis, la CIA et le FBI ont été mobilisés pour empêcher Donald Trump de gouverner et d’appliquer son programme.

Alors, non ! On ne va pas s’acharner à refaire encore une fois la même expérience, ce serait de la folie. Ne nous faites pas le coup de : « Si ça ne va pas, c’est parce qu’il n’y a pas assez d’Europe. »

Donc, le seul débat qui reste avant de voter d’ici quelques semaines est de choisir pour quelle stratégie européenne on opte.
Frexit, la sortie pure et simple du système ? Peut-être.

Ou bien Bruxit, la mise au pas de la Commission par les États membres, l’expulsion de Bruxelles hors des circuits de décision ? C’est la stratégie d’Orbán, qui attend le soutien d’autres dirigeants.

J’imagine que notre auditoire aujourd’hui est partagée et je n’approfondirai pas ce débat. Ce qui importe, c’est que nous manifestions massivement, chacun selon son option, notre rejet de l’impasse bruxelloise.

Quel que soit le résultat, l’Europe de l’Union européenne restera divisée, et certains pays refuseront de s’émanciper. Ce n’est pas grave. Trois ou quatre nations suffiraient à lancer le mouvement. Pour revenir un instant aux États-Unis, il est évident que la victoire là-bas d’un antiglobaliste provoquerait ici une clarification salutaire des positions nationales.

En tout cas, il est important de se mobiliser. Le temps presse, le déclassement de l’Europe est en cours.

Je vous rappelle le mot du général MacArthur. Quand on analyse les raisons d’une défaite, quelle qu’elle soit, on en arrive toujours à la même cause : « trop tard », on a agi trop tard…

Gardons-nous d’agir trop tard, car il est aujourd’hui grand temps !

Lionel Rondouin