Les divinités européennes de la nature
À l'heure du désenchantement de notre civilisation, les divinités de la nature se rappellent à nous pour ceux qui savent voir, écouter et faire vibrer la corde sensible du sacré. Le printemps reviendra.
Vidéo projetée lors du VIIe colloque annuel de l’Institut Iliade “La nature comme socle. Pour une écologie à l’endroit“. Travail réalisé par Agathe Menaud, Sterenn Leost et Ryan d’Irlande (promotion Dominique Venner de l’Institut Iliade).
La Nature est dans le divin, le divin est dans la Nature.
Depuis l’aube des temps, l’homme est lié à la Nature. Il a cherché à s’en protéger, à se la concilier pour en tirer sa subsistance, puis peu à peu à la comprendre, et aujourd’hui à la contrôler. L’Européen a trouvé dans la nature à la fois une matrice et un écrin du sacré, où le divin s’est progressivement incarné dans des dieux et déesses. Grâce aux divinités qu’il s’est imaginées, l’Européen explique les phénomènes naturels, il raconte les histoires où il se fabrique une place, il construit des mythes pour pérenniser son destin, il façonne les héros donnant l’exemple de ce qu’il faut faire ou ne pas faire.
Voilà comment l’Européen se forge un cosmos, un vaste univers commun.
Les mythes nous disent d’où vient le monde et comment il fonctionne, le pourquoi des cycles et des saisons. Ainsi, pour les anciens Grecs, Gaïa la terre, sortie d’une profonde crevasse en compagnie de Chaos et d’Eros, est source de la vie. Elle enfanta seule Ouranos, le ciel, Pontos, les flots, Ouréa, les montagnes et toutes les nymphes.
Chez les Slaves, l’union de Jarilo, dieu des forces vitales de la Nature et de sa sœur Morana, divinité de la fertilité de la terre, symbolise le rythme des saisons. Alors que Jarilo est tué pour son infidélité, sa femme endeuillée se transforme en déesse du froid et de l’hiver. Lorsque son mari renaît, Morana se radoucit, le printemps revient, jusqu’à la prochaine infidélité. Cette permanence se retrouve avec la déesse grecque Perséphone : lorsqu’elle rejoint son époux Hadès aux Enfers, l’hiver s’installe sur Terre. À son retour aux côtés de sa mère Déméter, reviennent le printemps, la fertilité et l’abondance.
Chez les Européens, la nature est également brute et sauvage. Elle apparaît aux hommes à travers la beauté mystérieuse des paysages, les hivers glaçants et les étés brûlants, la puissance des phénomènes naturels… Lorsque s’avance Cernunnos, maître des animaux sauvages chez les Celtes, les futaies de la forêt Noire, les chênes des bois de Bibracte, les châtaigniers d’Ardèche frissonnent. Lorsque l’orage gronde, l’enfant imagine Thor, divinité nordique, utilisant son marteau céleste contre les géants. En grandissant, il comprend que les éclairs divins viennent rompre la tension trop forte entre le ciel et la terre et annoncent pluie et fécondité, parfois même apaisement entre les hommes.
La nature vue par les Européens est primordiale, elle insuffle vie au monde. Loin des centres urbains, les bois et les forêts pulsent aux rythmes des danses du dieu Pan, divinité au torse humain et aux jambes de bouc. Il est le campagnard, le Tout. À la fois dieu des troupeaux domestiqués et sauvages, il est également le dieu et le protecteur des chasseurs. Il nous rappelle le mot d’Héraclite pour qui « rien n’est permanent sauf le changement. » L’imaginaire européen se révèle dans les choix de ses divinités : Artémis, Diane la chasseresse, régnant sur la forêt et la montagne, divinité lunaire complémentaire d’Apollon apportant la lumière, divinité solaire.
Pour les Européens, la mort est naturelle et peut survenir à tout moment. Quand les Scandinaves meurent en mer, Rán, femme d’Aegir les prend dans ses filets. Mais les divinités elles-mêmes ne sont pas en dehors des lois. Elles ne sont pas invulnérables. Les Parques chez les Romains, les Moires chez les Grecs, les Nornes chez les Scandinaves, tissent également les fils de leur destin.
L’homme européen voit le divin en toute chose et en tout temps. Ce foisonnement perpétue la présence du sacré et de l’enchantement de notre monde. Quel que soit le lieu en Europe, il y a toujours des dieux pour le vent et pour le soleil, des histoires où tourne la roue des saisons et qui appellent au retour du printemps.
La Nature est dans le divin, le divin est dans la Nature.