« Le dernier carré » : combattants de l’honneur et soldats perdus de l’Antiquité à nos jours
Fataliste ou héroïque, être le dernier n’est pas toujours un déshonneur. L’histoire nous apprend que les derniers combattants d’une lutte finalement perdue restent pour leur part invaincus. Explications.
Le dernier carré. Le titre de cet ouvrage écrit sous la direction de Jean-Christophe Buisson et de Jean Sévillia donne un bon résumé de ce dont il traite. Fataliste ou héroïque, être le dernier n’est pas toujours un déshonneur et, à travers chaque partie de l’histoire narrée dans ce livre, il est possible de penser que les derniers combattants d’une lutte finalement perdue restent invaincus.
L’intérêt de cet ouvrage est le même que dans tout récit historique : apprendre, comprendre et s’inspirer. Il est plus instinctif de vouloir chercher des enseignements dans des récits de vainqueurs que de vaincus mais la question soulevée dans les vingt-cinq passages de l’histoire du monde repris dans le dernier carré est justement : ne pas remporter la victoire, est-ce synonyme de défaite ? D’un point de vue purement stratégique ou militaire, la réponse à cette question parait évidemment positive. Cependant, quelle que soit la raison de mener un combat et bien qu’il soit finalement perdu, des Thermopyles aux combattants kurdes de Kobané, ces défaites « dans l’honneur » donnent à redéfinir le terme de victoire.
« Former le dernier carré n’empêche pas par principe d’être vainqueur »
Dans notre monde en déroute, alors que nous menons un combat qui peut paraître vain, lire ces récits est profondément inspirant. Au-delà du fait que si nous cessons de nous battre, nous laissons effectivement la victoire à l’adversaire, continuer un combat que tous pensent perdu peut se faire pour de nombreuses raisons qui toutes encouragent notre lutte : pour l’honneur, par bravade, pour la foi dans notre idéal, pour laisser le temps à d’autres de préparer la relève, pour l’aventure, pour s’inscrire dans la longue mémoire. Mais aussi, comme les camisards des Cévennes, pour incarner « pour la postérité l’esprit de liberté et de résistance face à l’absolutisme » (p.84), comme les derniers indiens du Roi de France, pour suivre ce « désir ancestral des hommes de résister à un mouvement qu’ils croient pouvoir arrêter » (p.110) ou encore, à l’instar des Irlandais rêvant il y a un siècle d’une république, pour « une cause désespérée mais pas une cause perdue » (p.224).
À la lecture de ces récits qui illustrent l’esprit de sacrifice à travers l’histoire, nous formons donc notre esprit à la possibilité de mener un combat sans espoir. Mais, loin de nous décourager, cette perspective ne fait que galvaniser notre volonté de lutter jusqu’au bout. Ce n’est qu’en baissant les armes que nous serons vaincus.
Sixtine Chatelus – Promotion Jean Raspail
Jean-Christophe Buisson et Jean Sévillia (dir.), Le dernier carré – combattants de l’honneur et soldats perdus de l’antiquité à nos jours, Perrin, Paris, 2021, 416 p., 21 €.