La crise est dans l’homme, le salut aussi
« Pour nous qui aspirons à une nouvelle renaissance européenne, il est évident qu’elle ne pourra advenir que si la souche reste saine. Ce ne sont certainement pas les ectoplasmes androgynes urbains hyper-domestiqués et quintuplement vaccinés qui permettront d’enrayer ce déclin. »
En 1932, Thierry Maulnier intitulait, avec une intuition certaine, son premier essai : La crise est dans l’homme. Presque un siècle plus tard, l’Institut Iliade consacre une journée entière de réflexion à ce thème à la fois intemporel et profondément actuel : celui de l’homme, du déclin anthropologique et des manières d’y remédier. Georges Guiscard, porte-parole de l’Institut Iliade, auteur du Privilège blanc. Qui veut faire la peau aux Européens ? (La Nouvelle Librairie/Institut Iliade), répond aux questions de la revue Éléments afin de nous révéler la vision de l’Institut Iliade sur ce sujet complexe et hétéroclite.
Éléments. Le déclin anthropologique : tel est le sujet du Xe colloque de l’Institut Iliade. Pourquoi ce thème ? Quels sont à vos yeux les signes manifestes de ce déclin ?
Georges Guiscard. Le déclin anthropologique est un enjeu des plus pressants de notre temps. Ses manifestations sont bien visibles et ses conséquences potentiellement dévastatrices. Artificialisation des corps et des modes de vie, épidémie d’obésité, baisse des capacités physiques chez les enfants et du QI moyen, chute du taux de testostérone chez les hommes et infertilité des couples, atténuation des différences entre les sexes et troubles du « genre », omniprésence des écrans…
Pour nous qui aspirons à une nouvelle renaissance européenne, il est évident qu’elle ne pourra advenir que si la souche reste saine. Ce ne sont certainement pas les ectoplasmes androgynes urbains hyper-domestiqués et quintuplement vaccinés qui permettront d’enrayer ce déclin. C’est ce qui nous préoccupera le 15 avril, à la Maison de la Chimie à Paris : établir un constat lucide des mutations anthropologiques en cours, qui préparent une véritable dégénérescence, et esquisser des solutions pour nous redresser afin de relever les défis culturels et techniques à venir.
Éléments. Vous parlez d’un déclin occidental, européen… sommes-nous les seuls touchés ? Qu’en est-il du reste du monde ?
Georges Guiscard. Puisqu’il est largement une conséquence de la société de consommation et de surabondance, le déclin anthropologique concerne le monde entier. Pour donner un exemple : dans la liste établie par l’OMS en 2014 des pays les plus touchés par l’obésité, le premier pays européen, le Royaume-Uni, est classé 32e. Avant, on trouve les États-Unis bien sûr, mais seulement en 18e position. Beaucoup de pays musulmans y compris la Turquie, l’Arabie Saoudite et l’Égypte, ont une population en moyenne plus obèse que le Royaume-Uni. L’Afrique et l’Asie sont relativement épargnées, mais pour combien de temps encore ? C’est une maladie qui progresse de façon fulgurante, entretenue par l’industrie agro-alimentaire et la nourriture ultra-transformée, l’urbanisme et la sédentarité, et, in fine, par la hausse globale du niveau de vie..
Deuxième exemple, on peut constater que les autres peuples succombent plus que nous à l’addiction aux écrans. L’Amérique du Sud, la Turquie, l’Afrique du Sud, la Russie, l’Inde ou encore les pays indonésiens ont, d’après l’institut statistique DataReportal, des populations plus « accros » aux écrans que celle des Européens et même celle des États-Unis. Les Européens subissent donc ce déclin, et dans certains domaines plus que d’autres (confusion des sexes, chute de la fertilité, baisse du QI car elle est en partie causée par l’immigration…), mais nous ne sommes pas les seuls ni les pires en tout.
L’Institut Iliade pour la longue mémoire européenne se préoccupe évidemment avant tout du déclin occidental, car il menace notre devenir en tant que peuple. Il est urgent de réaliser l’ampleur du péril pour pouvoir y remédier. Nous ne doutons pas du fait que les Européens ont les capacités de comprendre ce qui leur arrive et de relever la tête.
Éléments. La question du déclin n’est pas nouvelle ; elle a intéressé de nombreux auteurs. Comment vous situez-vous par rapport aux autres théories déclinistes et à des philosophes comme Oswald Spengler, auteur du Déclin de l’Occident ?
Georges Guiscard. C’est effectivement une préoccupation qui a toujours été centrale dans la psyché européenne. Les plus anciens mythes indo-européens témoignent de ce sentiment permanent de déclin, d’affaiblissement, d’avilissement, d’épuisement qui mène au chaos ; pensons au mythe des âges relaté par Hésiode, aux Yuga de la cosmogonie hindou, ou encore au Ragnarök germano-scandinave. Dans cette vision cyclique préchrétienne, de la même manière que le printemps succède chaque année à l’hiver, après le chaos vient toujours un nouvel ordre, un nouvel âge d’or.
De nombreux penseurs européens, dont Spengler mais aussi Constantin Léontiev, Jacob Burckhardt, Arthur de Gobineau, Juan Donoso Cortés ou encore Paul Valéry – « nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles » – ont étudié le déclin inexorable des civilisations, ce grand mouvement qui suit nécessairement tout essor et, par définition, toute apogée. Des intellectuels contemporains poursuivent ce travail. David Engels notamment, qui nous a gratifié lors du colloque de l’an dernier d’une intervention présentant son concept d’hespérialisme, une vision pour un renouveau politique fondamental de l’Europe.
L’Institut Iliade n’est pas décliniste. Notre peuple a montré par le passé qu’il était capable de réinventer ses schémas politiques pour poursuivre la quête de son destin en faisant renaître sa civilisation. Si nous constatons le déclin actuel en tant que fait objectif, notre ambition est de trouver des clefs pour y remédier. Nous œuvrons à la renaissance de la civilisation européenne, nous sommes acteurs plutôt que spectateurs. Le déclin actuel est une étape du renouveau : il permet la prise de conscience, le bilan critique de ce qui nous a mené là, et le sursaut vital pour un nouvel élan.
Éléments. Les interventions se succèdent de 10 heurs à 19 heures. Comment avez-vous organisé la journée ? Qui verra-t-on ? Quels seront les thèmes abordés ?
Georges Guiscard. La matinée sera consacrée au constat, parfois glaçant, des manifestations du déclin anthropologique. Il ne sera évidemment pas possible d’évoquer tous les aspects de cette question mais nous tenterons de balayer les plus importants. Jean-Yves Le Gallou introduira le colloque en montrant à quel point l’idéologie contamine voire empêche la recherche scientifique et cherche à nier le réel.
L’artificialisation de nos modes de vie, et particulièrement de notre rapport au corps illustré par la confusion des sexes, sera analysée par Anne Trewby du mouvement féminin les Antigones. Baptiste Rappin, maître de conférences à l’université de Lorraine et philosophe du management, évoquera la société managériale et son culte de la rationalisation, l’efficience aussi abstraite que déshumanisante. Hubert Calmettes suivra avec un propos concernant le formatage par les écrans avant que Fabien Niezgoda n’aborde les enjeux de la démographie et de la fertilité. Julien Rochedy conclura cette demi-journée avec une intervention plus philosophique consacrée à la dégénérescence des hommes.
Pour appuyer ces riches propos, une équipe de chercheurs nous a préparé un livret scientifique, à la fois technique, accessible et très sourcé, résumant de manière rigoureuse l’état actuel des connaissances concernant le sujet du colloque. Ce livret, qui a pour but d’appuyer et de prolonger les exposés à la tribune, sera en vente sur place.
L’après-midi sera plus prospectif. Il n’est pas question de se lamenter ; il faut proposer, dépasser, pour lutter contre un déclin qui n’est pas inéluctable. Dans ce but, Pierluigi Locchi présentera à travers une perspective historique l’enjeu de notre temps : maîtriser le bouleversement anthropologique. Lionel Rondouin, normalien et ancien officier de troupes de marines, nous parlera ensuite du besoin de savoir vivre loin du confort moderne. Sans être dans une approche catastrophiste, l’actualité récente a montré que l’abondance avait ses limites et que des temps plus troublés poignent à l’horizon.
Mariano Bizzarri, oncologue et professeur à la Sapienza de Rome, présentera une nouvelle conception « systémique » de la santé avant qu’Audrey d’Aguanno ne convoque des figures fortes de notre histoire pouvant nous servir de modèles dans cette quête de renouveau. Le journaliste et essayiste espagnol José Javier Esparza nous rappellera l’importance de la transmission, fondamentale pour rester « juchés sur des épaules de géants » et aller toujours plus haut, puis Olivier Rey et Adriano Scianca débattront autour du transhumanisme. Enfin, j’aurai l’honneur de conclure par un propos résumant l’esprit de nos discussions pour appeler à la renaissance anthropologique et civilisationnelle.
Éléments. De nombreux penseurs et activistes proposent des solutions extrêmes au « déclin anthropologique »… En bref, retournons à l’âge de pierre ou devenons des cyborgs ! Quel est le discours de l’Institut Iliade à ce sujet ? Faut-il choisir entre le transhumanisme et une dégénérescence à la Max Nordau ?
Georges Guiscard. Comme à de nombreuses autres questions, nous pouvons trouver des réponses dans la pensée des anciens Grecs, la source pérenne de notre civilisation européenne. Mêdén ágan, « Rien de trop », avaient-ils inscrit sur le fronton du temple d’Apollon à Delphes. L’excès n’est jamais bon, la démesure porte en elle la destruction.
Il est dans la nature des Européens de toujours viser plus haut, de toujours tenter d’aller plus loin. Nous ne pouvons simplement pas stagner, et encore moins revenir en arrière. Notre ardeur prométhéenne nous incitera toujours à créer et à découvrir dans l’espoir de faire mieux, notamment dans le domaine technique. Mais si c’est une chose que de progresser techniquement, c’en est une autre que de se laisser dominer par la technique, de devenir dépendant d’elle. Le bras appuyé par la technique risque de perdre de sa vigueur, jusqu’à parfois devenir trop faible pour agir seul. Est-ce un progrès ou une régression ?
Il serait contre-nature, particulièrement pour nous Européens, de vouloir revenir à l’âge de pierre – sans même parler de l’aspect totalement impolitique d’une telle proposition, car qui voudrait sincèrement moins bien vivre qu’avant ? Et comment croire que le reste du monde nous suivrait dans cette démarche sans chercher à profiter de nos impuissance ? –, mais il est aussi impensable de nous laisser dénaturer par la technique. Toute la question est donc comment rester maître de la « mégamachine », comment continuer à dominer la technique sans se laisser dominer par elle ? Le débat entre Olivier Rey et Adriano Scianca sera, à cet égard, particulièrement éclairant.
Éléments. « Vivre en Européen », tel est le titre de votre intervention et la solution que vous apportez à cette journée. Concrètement, qu’est-ce que cela signifie ? Que faut-il comprendre ?
Georges Guiscard. Pour reprendre les mots de Grégoire Gambier dans Ce que nous sommes, publié par l’Institut Iliade : « Vivre en Européen, c’est refuser d’être l’esclave de sa propre vie. C’est agir, et être responsable des conséquences de ses actes. C’est préférer la verticalité de l’attitude à l’horizontalité des pulsions. » J’ajouterai : vivre en Européen, c’est faire le choix quotidien de repousser ce qui nous dégrade, nous avilit et nous affaiblit. Vivre en Européen, c’est rester maître de son existence pour accomplir librement son destin.
C’est bien la notion de maîtrise qui est incontournable dans la réponse à apporter. Si nous ne sommes plus maître de notre environnement, le sommes-nous de nous-mêmes ? Si nous ne sommes plus maître, nous sommes au mieux un élève, au pire un esclave. La société de consommation et d’abondance est, dans une large mesure, une société du confort. Lorsque tout est simple et facile d’accès, il n’y a plus besoin de réaliser des efforts, le laisser-aller entraîne la liquéfaction des corps et des esprits. Le confort, s’il n’est pas à bannir totalement, tend à amollir. Il faut savoir y résister et aimer l’effort, en recherchant le dépassement continuel de soi, par souci d’exigence en étant « à soi-même sa propre norme par fidélité à une norme supérieure », comme l’écrivait Dominique Venner. Pour rester debout et maître de notre destin, il est d’abord essentiel de le vouloir. D’éveiller les consciences, de faire percevoir la décadence anthropologique et civilisationnelle qui menace pour que ceux qui en sont capables se dressent et apparaissent en exemples aux yeux des autres. C’est la volonté individuelle et collective, le refus de la déchéance, les mythes mobilisateurs, le retour aux hiérarchies plutôt que le fantasme égalitariste, l’envie de rester droit, fort, et d’accomplir encore de grandes choses à léguer à nos enfants qui pourront conjurer l’apathie, l’épuisement et le nihilisme qui gagnent notre peuple. Ceux qui auront su traverser le Zeitgeist actuel sans être courbés par lui seront des modèles, des recours, des vainqueurs. Seul le surhomme pourra triompher du dernier homme et refonder pour rebâtir plus grand, plus beau, ce que ce dernier aura laissé dépérir.