Transmettre pour former et reconquérir
Créer les conditions et les fondations de l’émergence d’une nouvelle élite, par Xavier Eman
Le constat est aussi simple qu’accablant : les institutions traditionnellement en charge de l’éducation sont désormais, à de rares exceptions près, totalement déficientes. Elles ne transmettent plus les connaissances et les savoirs, ignorent les humanités et se réduisent bien souvent, au mieux, à des garderies pour futurs consommateurs acculturés, au pire, à des usines à décérébrer et culpabiliser, encadrées par des enseignants-militants, cerbères idéologiques uniquement préoccupés de « vivre-ensemble » et d’« inclusivité ». C’est pour tenter de compenser cette dramatique catastrophe que l’Institut Iliade a mis en place un vaste et ambitieux programme de formation destiné à la jeunesse. Plongée dans les arcanes de cette expérience de résistance culturelle.
6 avril, une foule dense, bruyante et enthousiaste se presse dans les couloirs de la prestigieuse Maison de la Chimie, dans le 7e arrondissement de Paris. Ce sont en effet plus de 1 400 personnes, venues de toute la France et même de divers pays d’Europe, qui se sont rassemblées pour ce qui est devenu, au fil du temps, le grand rendez-vous annuel de la droite identitaire, événement organisé par l’Institut Iliade pour la longue mémoire européenne, né au lendemain de la mort volontaire de Dominique Venner, selon un souhait testamentaire de ce dernier. Parmi l’assistance qui échange et débat autour de la buvette et des stands d’artisans ou d’associations, on remarque certains jeunes participants arborant une épinglette portant le sigle de l’institut. Ce sont d’anciens « auditeurs » ayant suivi l’intégralité du parcours de formation proposé par l’association. Car c’est bien là que se situe la mission centrale, le cœur nucléaire, de l’Institut Iliade : former une génération plongée dans le chaos post-moderne et lui donner les armes nécessaires pour combattre et dépasser celui-ci.
Redonner de la forme et du sens
Considérant qu’« un homme formé en vaut trois », selon les mots de Romain Petitjean, directeur du développement et de la coordination de l’institut, la nécessité de la mise en place d’un important programme de formation visant à pallier le naufrage définitif de l’Éducation nationale s’est rapidement imposée au sein de l’institut. Il s’agit, pour les promoteurs et les acteurs de celui-ci, d’offrir aux « auditeurs » une somme de connaissances ainsi qu’un ensemble d’analyses, couvrant tous les domaines du savoir, permettant de se construire et de se structurer intellectuellement, de disposer d’instruments efficaces pour penser le monde et résister aux manipulations et à la désinformation. Redonner de la forme et de la verticalité à un monde affaissé et toujours plus fluide.
Dans le but de générer une « nouvelle élite » ? « Plus humblement, notre objectif est de créer les conditions et les fondations de la possible émergence de celle-ci. C’est déjà un très vaste chantier ! », nous répond l’un des formateurs. « Dans une société où certains rêvent de revenu universel et où l’intelligence artificielle tend à remplacer le travail humain, nous cherchons à développer tout ce qui ne peut pas être remplacé par la machine : la quête de sens, l’analyse critique, l’éthique, la volonté d’engagement au service de la communauté », précise Romain Petitjean. C’est donc le modèle de l’« honnête homme » que cherche à réhabiliter et à promouvoir l’Institut Iliade, cet idéal moral du XVIIe siècle européen – héritier de l’idéal grec du « kalos kagathos » – d’un homme possédant à la fois une culture générale étendue, de solides qualités sociales et de hautes vertus morales.
Une formation ouverte mais sélective
C’est dans cette optique qu’ont été mises en place les promotions Iliade, fortes chaque année de 24 auditeurs sélectionnés sur dossier. S’il n’y pas de critères sociologiques, pas plus que d’exigences
scolaires ou universitaires, l’analyse des dossiers (une quarantaine à chaque nouvelle promotion) permet de jauger du degré de sérieux et de motivation des candidats et d’écarter les inévitables mythomanes, les éventuels déséquilibrés, ainsi que les « antifas » ou les « journalistes » en mal d’« infiltration ». Les promotions sont mixtes, sans pour autant appliquer de quotas « paritaires », et chacune est placée sous l’égide d’une grande figure de l’histoire et de la culture européennes, Tolkien, Léonidas, Dante, Marc-Aurèle… « Cela peut sembler intimidant, voire écrasant, mais c’est au contraire, au final, motivant et stimulant. On se sent à la fois héritier et débiteur, cela nous pousse au travail et à l’excellence pour nous montrer digne, au moins un peu, de ce haut patronage », nous explique Yannig, auditeur de la promotion Homère.
Ouverte aux candidats de 21 à 45 ans, l’âge moyen y est de 29 ans et les Parisiens s’y mêlent à proportion égale aux provinciaux. Le cursus est exigeant, il faut en suivre l’intégralité (cinq week-ends complets), toute session manquée, quelle qu’en soit la raison, devant être « rattrapée » l’année suivante, sous peine de ne pas être « distingué », de ne pas valider sa formation et de ne pas être reconnu par ses pairs. Ainsi, chaque année, un ou deux stagiaires abandonnent en cours de route et trois ou quatre ne sont pas distingués, leur travail et leur implication n’étant pas jugés suffisants. En plus de l’exigence d’assiduité, de tenue et de bonne camaraderie durant les sessions, chaque stagiaire doit réaliser un projet qu’il présentera au mois de juin, à la fin de la formation. Celui-ci, suivi par un mentor, peut prendre les formes les plus diverses, de l’écriture d’un article ou d’un livre à la réalisation d’une sculpture en passant par l’invention d’un jeu de société ou la confection d’un costume traditionnel. Car la formation Iliade ne se veut pas
uniquement intellectuelle mais « globale », cherchant à faire naître et à nourrir des « caractères », des personnalités complètes en prise avec le réel et ses diverses dimensions, et non de purs intellectuels désincarnés. C’est aussi dans ce but que le cursus est ponctué, au mois de janvier, par un week-end « dans la verte », dans des conditions relativement rustiques, pour ne pas dire spartiates, au cours duquel chacun est invité à se montrer solidaire et débrouillard.
Cette formation principale (organisée dorénavant en régions ou dans des pays européens francophones) est aujourd’hui complétée par une autre formule s’adressant à la catégorie d’âge inférieure, les 18-23 ans, et proposant, sur un seul week-end annuel, une dizaine de modules destinés à donner à ces jeunes des cartouches intellectuelles, une sorte de kit d’auto-défense culturelle permettant de faire face au politiquement correct, aux mensonges médiatiques et aux instrumentalisations historiques et mémorielles.
Ce sont ainsi au total 150 personnes qui sont formées chaque année. Vingt-quatre d’entre elles pourront rejoindre le nouveau module de formation, appelé « Chevaucher le tigre 3.0 », qui cible pour sa part des auditeurs formés recherchant une voie d’engagement collectif dans un monde en plein chamboulement technique. Parce que les Thermopyles de demain ne seront pas défendues avec des lances de fer et des boucliers d’airain, mais avec des ingénieurs et des penseurs, des innovations techniques et du génie génétique, des énergies nouvelles et des mythes nouveaux. L’intelligence artificielle, les biotechnologies, les énergies nouvelles, les nouveaux territoires, l’éducation, la musique… autant de sujets sur lesquels l’Institut Iliade souhaite appliquer sa vision du monde.
Des enseignements éclectiques et exigeants
Universitaires, professionnels, experts, ils sont actuellement 67 formateurs (dont une vingtaine eux-mêmes issus de la formation) à dispenser leur enseignement dans les domaines les plus divers, de la géopolitique à la généalogie en passant par la philosophie ou l’art de la prise de parole en public. « Des enseignements divers qui m’ont donné l’opportunité d’accroître mon champ de connaissances. Je craignais un peu que certains thèmes soient trop ardus, mais les intervenants ont su les rendre accessibles, notamment en les mettant en lien avec l’actualité », commente Victoire, auditrice de la formation jeunesse intitulée « La jeunesse européenne sonne le grand réveil ».
Parmi les intervenants de ces cycles de formation, de nombreux contributeurs de la revue Éléments : on peut notamment citer Alain de Benoist, Guillaume Travers, Jean-Yves Le Gallou, François Bousquet, Philippe Conrad, Lionel Rondouin, Antoine Dresse (Ego Non), Aristide Leucate, Pierre Le Vigan, Rémi Soulié…
Une grande place est bien évidemment accordée à l’histoire de l’Europe et aux multiples facettes de son identité. Ainsi, des modules sont consacrés à « l’héritage indo-européen », « l’esprit de la Grèce », « l’héritage de Rome », « l’Europe face à l’Occident, deux vues du monde », « le Siècle de 14 »… La formation explore des territoires historiques fondamentaux dans la constitution et le développement de notre civilisation, de ce que nous sommes, et qui sont pourtant totalement délaissés par l’Éducation nationale et même par une bonne part de l’enseignement privé. Les grands enjeux contemporains ne sont évidemment pas oubliés, avec des modules traitant aussi bien de « l’Europe face à la Turquie » que de « la diabolisation médiatique », de « la guerre des sexes », de « l’écologie à l’endroit » ou des « droits de l’homme et de l’obsession anti-discrimination ». Quant aux auteurs étudiés, de Carl Schmitt à Julius Evola en passant par Georges Dumézil, Martin Heidegger ou Ernst Jünger, ils sont curieusement absents des vitrines des librairies et des CDI des collèges et lycées. Le tout compose un corpus à la fois dense et original, sans équivalent aujourd’hui.
Le rythme de chaque week-end de formation est particulièrement soutenu, comprenant six à sept interventions de fond et deux à trois ateliers participatifs. Ces ateliers peuvent concerner les techniques d’écriture, l’organisation de campagnes virales, la création de son héraldique personnelle et familiale, etc. Ils favorisent l’implication effective des auditeurs et les interactions entre ceux-ci, venus d’horizons très divers. Un repas communautaire organisé le samedi soir permet d’approfondir ces liens naissants dans une ambiance plus festive et détendue. On prétend même que certains couples s’y seraient formés ! La formation principale coûte 320 euros pour l’ensemble du cursus annuel. Un système de bourses, pour couvrir notamment les éventuels frais supplémentaires de transport et de logement, a été mis en place par l’organisation afin que personne ne soit écarté pour des questions financières. C’est aussi là un moyen donné aux plus « anciens » de participer au projet en « sponsorisant » la relève.
Créer du réseau et de la communauté
L’Institut Iliade n’est pas un mouvement politique, son but n’est donc pas de produire une « doxa » idéologique au service d’une aventure politicienne sous telle ou telle étiquette partisane, mais d’éveiller et de faire grandir des esprits « politiques », au sens du politique, au service d’une communauté de valeurs et de destin. Il a aussi pour mission de créer du lien, au sein d’une société de plus en plus atomisée, de mettre en place un réseau d’âmes éveillées soucieuses du bien commun. Tisser une toile de relations, d’entraide et d’influence, un peu sur le modèle d’une « franc-maçonnerie » qui ne serait pas devenue un simple syndicat d’intérêts financiers privés et para-maffieux.
Suivre la formation Iliade, c’est aussi s’arracher à l’isolement, au confort aphasique de l’enfermement numérique, c’est ouvrir une fenêtre pour y respirer le grand air de la camaraderie et de la communauté. C’est pourquoi le riche enseignement reçu au cours de cette formation ne doit pas rester un simple « bagage » que l’on remise au grenier et que l’on ressort de temps à autre pour briller dans un dîner en ville. C’est un patrimoine précieux qui doit être partagé et à nouveau transmis, un puissant carburant destiné à nourrir des actions et des réalisations concrètes. D’ailleurs, les « distingués » de chaque promotion doivent s’engager sur ce point et promettre de servir la communauté d’une façon ou d’une autre, que ce soit sur le terrain politique, associatif, culturel ou économique. C’est d’ailleurs en grande partie à cette aune que seront jugées l’utilité et l’efficacité de ce projet pédagogique et militant.
Les auditeurs Iliade ne sauraient être des consommateurs, ils se doivent d’être des acteurs œuvrant, chacun à leur niveau et dans leur domaine de compétence, à ce que leur génération redevienne cette « jeunesse au cœur de feu qui porte la flamme de la révolte » chantée en son temps par le groupe Vae Victis et qui fait tant défaut à notre époque de dépression consumériste et de démission collective face aux grands défis de l’avenir.
Xavier Eman
Source : Éléments n°208, juin-juillet 2024