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Présentation de la Promotion Antoine de Saint-Exupéry

« Nous cherchons à nous délivrer des murs d’une prison qui s’épaissit autour de nous. On a cru que, pour nous grandir, il suffisait de nous vêtir, de nous nourrir, de répondre à tous nos besoins. Et l’on a peu à peu fondé en nous le petit-bourgeois de Courteline, le politicien de village, le technicien fermé à toute vie intérieure. » [1]

Promotion Roi Arthur

Aviateur intrépide et courageux, pilote-écrivain accompli et visionnaire, Antoine de Saint-Exupéry incarne incontestablement l’esprit du risque et de l’audace, tout en explorant les profondeurs de l’âme humaine à travers ses œuvres emblématiques. La promotion Saint-Exupéry de l’Institut Iliade célèbre ainsi, en cette année de jubilé, un héritage qui transcende les époques, rappelant l’importance des rêves, du courage et de la recherche de sens dans notre époque moderne tourmentée.

Enfant rêveur, Antoine de Saint-Exupéry aime inventer des moteurs et des machines. Il va même jusqu’à imaginer une bicyclette à voile…dans l’espoir que celle-ci décolle un jour. Au début du XIXe siècle, alors que la France est pionnière dans le domaine de l’aviation, il est attiré par l’effervescence de ce progrès et rêve, lui aussi, de déployer ses ailes. Il réalise son premier vol à l’âge de 12 ans et s’inscrit dès lors dans l’histoire de l’épopée aérienne.

Devenu pilote, il collectionne les périples fous, mène une vie d’une incroyable intensité, survit à neuf accidents d’avion. Ses aventures aériennes sont marquées par des vols périlleux pour livrer le courrier dans des conditions extrêmes, entre brumes, vents et orages, au temps de l’Aéropostale de la guerre.

Le thème de l’action se retrouve dans son œuvre littéraire avec des personnages souvent confrontés à des défis qui exigent un engagement ferme et un véritable sens du sacrifice.

« Sacrifice ne signifie ni amputation ni pénitence. Il est essentiellement un acte. Il est un don de soi-même à l’Être dont on prétendra se réclamer. Celui-là seul comprendra ce qu’est un domaine, qui lui aura sacrifié une part de soi, qui aura lutté pour le sauver, et peiné pour l’embellir. Alors lui viendra l’amour du domaine. Un domaine n’est pas la somme des intérêts, là est l’erreur. Il est la somme des dons. Tant que ma civilisation s’est appuyée sur Dieu, elle a sauvé cette notion du sacrifice qui fondait Dieu dans le cœur de l’homme. L’Humanisme a négligé le rôle essentiel du sacrifice. Il a prétendu transporter l’Homme par les mots et non par les actes. » [2]

Lorsque l’action dans le ciel le ramène à l’écriture sur la terre, Antoine de Saint-Exupéry plonge son regard dans les yeux amoureux des femmes, où il y trouve une part de son existence. Le héros fantasque vit également sans demi-mesure, dépensant son argent sans compter dans des soirées mondaines à travers le monde, pour le simple plaisir du partage d’un repas avec ses amis…

Aristocrate de sang, il fuit aussi le confort moderne et l’individualisme propres au milieu citadin : « La termitière humaine est plus riche qu’auparavant, nous disposons de plus de biens et de loisirs, et, cependant, quelque chose d’essentiel nous manque que nous savons mal définir. Nous nous sentons moins hommes, nous avons perdu quelque part de mystérieuses prérogatives. »[3]

La « termitière » est une image forte chez Saint-Exupéry qui revient régulièrement dans sa correspondance, et symbolise la déshumanisation de nos rapports sociaux, particulièrement visibles dans les villes : « Nous avons glissé (…) de l’humanité, qui reposait sur l’homme, vers cette termitière, qui repose sur la somme des individus.»[4]

Celui qui se définit comme un « garçon fou et ridicule » s’attache à ses rêves d’altitudes. Le monde enchanté d’Antoine de Saint-Exupéry est un espace d’imagination libre, qui ne peut être perturbé. Épris de liberté, il navigue de nuage en nuage, de rêve en rêve, d’épreuves mécaniques en souffrances intérieures ; c’est en prenant de la hauteur dans son avion, qu’il se retire pour méditer sur l’état du monde et mieux le comprendre. S’envoler, et asseoir son esprit dans le ciel, dans son au-delà à lui, se dépasser par l’action et les défis extraordinaires, dans la recherche de plus grand que soi. Voilà ce qui lui permet de combler le vide laissé par la disparition de la spiritualité dans la société, par l’individualisme, et par la vacuité de l’existence humaine, évoquant la « distance interplanétaire qui sépare les individus »[5].

Le Petit Prince est sa dernière œuvre illustrée de ses propres dessins. Connu comme un conte philosophique pour enfants, il s’adresse tout autant aux adultes, ceux-ci ont besoin de regarder au-delà des contraintes du temps et de l’espace, d’entretenir une curiosité insatiable et d’embrasser la créativité. Étreindre notre imagination et nos passions permet de rallumer l’étincelle de notre Petit Prince intérieur, pour ainsi découvrir les vastes territoires de l’âme et contempler les étoiles oubliées. Il rallume les promesses que nous nous étions faites à l’aube de notre existence et nous permet d’éviter que notre âme d’enfant se perde dans un monde qui arrache les hommes à leur terre, à leurs croyances, à leurs valeurs et à leurs rêves.

Navigateur des cieux, écrivain des hauteurs, Antoine de Saint-Exupéry a écrit sa légende dès le XXe siècle. Celle-ci résonne encore aujourd’hui, dans la tourmente des temps modernes où la technologie s’accélère et où la course vers le progrès ne semble jamais faiblir. Elle nous rappelle l’importance vitale de prendre des risques pour découvrir la véritable étendue de notre potentiel.  Elle se dresse comme une étoile au firmament, au cœur de notre quête de sens, d’idéal et de longue mémoire française et européenne.

« Quiconque lutte dans l’unique espoir de biens matériels, en effet, ne récolte rien qui vaille de vivre. (…) Que sont les cent années de l’histoire de la machine en regard des deux cent mille années de l’histoire de l’homme ? C’est à peine si nous nous installons dans ce paysage de mines et de centrales électriques. C’est à peine si nous commençons d’habiter cette maison nouvelle, que nous n’avons même pas achevé́ de bâtir. Tout a changé si vite autour de nous : rapports humains, conditions de travail, coutumes. Notre psychologie elle-même a été́ bousculée dans ses bases les plus intimes. Les notions de séparation, d’absence, de distance, de retour, si les mots sont demeurés les mêmes, ne contiennent plus les mêmes réalités. Pour saisir le monde d’aujourd’hui, nous usons d’un langage qui fut établi pour le monde d’hier. Et la vie du passé nous semble mieux répondre à notre nature, pour la seule raison qu’elle répond mieux à notre langage. » [6]

Prendre Antoine de Saint-Exupéry pour figure tutélaire, c’est finalement se donner comme modèle un patriote exemplaire et un Européen accompli, qui savait compléter sa pensée par l’acte : « Patrie, c’est patrimoine spirituel », écrit-il dans ses Carnets. Exemple de l’harmonie intemporelle des rêves, des aventures et de la méditation perpétuelle sur l’état du monde et l’âme humaine. Il éclaire ses héritiers sur les chemins qui mènent à l’équilibre entre le progrès technologique et les valeurs traditionnelles.

Nous, XVIe promotion de l’Institut Iliade, invitons chaque Européen à embarquer pour un vol épique aux côtés de l’un des plus grands écrivains français, un homme pour qui la vie ne pouvait se concevoir sans la liberté.

Promotion Antoine de Saint-Exupéry

Notes

[1] Antoine de Saint-Exupéry, La Paix ou la Guerre ? Articles parus dans « Paris-Soir », 1938
[2] Antoine de Saint-Exupéry, Pilote de guerre, éditions Gallimard, 1942
[3] La Paix ou la Guerre ? OC I, p.358
[4] Pilote de Guerre, OC II, p.222
[5] Correspondance, Yvonne de Lestrange, OC II, p.896
[6] Antoine de Saint-Exupéry, Terre des hommes, éditions Gallimard, 1939.