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La bataille de Vienne, 1683 : vaincre ou disparaître. Seconde partie

Plurimillénaire, l’histoire de l’Europe s’est aussi nouée autour de quelques dates et événements clés. Son destin s’y est joué, son salut ne tenant qu’au courage et à la clairvoyance de quelques-uns. Ce fut le cas devant les murs de Vienne, en 1683... Suite et fin de l’évocation de cette bataille mémorable.

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Dès le 14 juillet 1683, le grand vizir attaque et répartit ses troupes dans trois secteurs autour de Vienne. L’aile gauche, au nord-ouest, est aux ordres du vizir Ahmet Pacha. Le centre, à l’ouest et au sud-ouest, est commandé directement par Kara Mustafa. Enfin, l’aile droite, au sud, est placée sous l’autorité du vizir Kara Mehmet Pacha. Le lendemain, comme le veut la tradition, le grand vizir fait sommer la garnison de se rendre, ce que le comte von Starhemberg et les habitants refusent catégoriquement. Commence alors le siège de Vienne avec les premiers bombardements et les premiers travaux de sape.

Le siège de Vienne

Le 12 août, les Ottomans se rendent maîtres de la contrescarpe des fortifications. La pression ottomane contraint davantage la ville qui a déjà subi de lourdes pertes, que ce soit par l’ennemi ou par les maladies. Malgré cet étau qui se resserre, les défenseurs n’envisagent pas de se rendre et continuent à lutter farouchement. Tous se rassemblent derrière la figure modèle du chef européen incarné par le comte von Starhemberg, à la fois sévère, charismatique et paternel.

Le 26 août, les janissaires refusent de poursuivre le combat. En effet, le règlement ottoman interdit l’emploi de ce corps d’infanterie pendant plus de quarante jours consécutifs dans le cadre du siège d’une forteresse. En réalité, ces soldats d’élite musulmans s’appuient sur ce texte pour demander davantage de butins, financiers comme humains, ainsi que des privilèges étendus. Le grand vizir Kara Mustafa n’a d’autre choix que d’accepter le chantage des janissaires pour maintenir sa position et poursuivre la conquête de Vienne. Il leur promet donc la part la plus importante des prises de guerre parmi lesquelles toutes les femmes de la cité.

Au mois de septembre, près de deux mois après le début du siège, les fortifications sont près de tomber. En outre, la garnison est en piteux état : les munitions commencent à manquer, les vivres s’épuisent et la dysenterie fait des ravages. On dénombre environ soixante morts par jour pendant que les assauts, les bombes, les grenades, les boulets, les mines et les contre-mines se succèdent. Des rumeurs courent également sur des traîtres et les quelques cas avérés sont condamnés de manière exemplaire par le commandant de la place d’armes. Cependant, malgré la disparition de plus de 22 000 hommes, la défense tient bon et la population viennoise, pieds nus, équipée d’armes rouillées, de bâtons et de marteaux, vient en renfort des soldats et des miliciens.

Le 8 septembre, Charles V, qui a harcelé les arrières et les flancs de l’ennemi pendant toute la durée du siège, se déplace avec ses troupes à Tulln. Il y fait la jonction avec les forces polonaises commandées par leur roi, Jean III Sobieski. Il forme alors l’armée de secours, forte de 81 000 hommes[1] et appuyée par 400 pièces d’artillerie de tous calibres. Le 11 septembre, il fait installer les bivouacs sur les hauteurs du Kahlenberg, à quelques kilomètres au nord de Vienne. La ville aperçoit alors ses feux et les défenseurs retrouvent enfin l’espoir.

La contre-offensive du Kahlenberg

Dans la nuit du 11 au 12 septembre 1683, l’artillerie de l’armée de secours commence à faire feu sur les positions musulmanes. Au petit matin, Kara Mustafa comprend la manœuvre de Charles V et décide de réarticuler son dispositif pour maintenir le siège et contraindre les Impériaux au repli. Toutefois, la contre-attaque opérée par le duc de Lorraine et le comte de Leslie, sur Nussdorf et Heiligenstadt, aux environs de 5 heures, brise l’aile nord du dispositif adverse qui est forcée de reculer.

La bataille de Vienne, 1683 : vaincre ou disparaître. Seconde partie

En début d’après-midi, Jean III profite de la faiblesse du dispositif ottoman pour ordonner une puissante offensive en direction de Hernals. Pour cela, il est appuyé sur sa gauche par le général Sieniawski et sur sa droite le général Jablonowski, qui font progresser leurs hussards en direction de Gersthof et d’Ottakring. Vers 16 heures, le général Charles-Frédéric de Waldeck, accompagné par le duc de Saxe-Lauenbourg et le duc Jean-Georges de Saxe, lance une charge de cavalerie en direction des faubourgs de Döbling, s’empare de ces positions et fait la jonction avec les troupes de Charles V et du général Sieniawski. Face à la brillante manœuvre impériale, le front ottoman cède de toute part.

La bataille de Vienne, 1683 : vaincre ou disparaître. Seconde partie
Vers 18 heures, malgré leur situation délicate, les troupes du grand vizir opèrent un ultime sursaut et se remettent en ordre de bataille dans leur propre campement. Le roi de Pologne, à la tête de 23 000 cavaliers dont 3 000 hussards ailés polonais, décide alors de lancer la plus grande charge de cavalerie que l’Europe ait connue jusqu’à présent. Le choc est terrible et la poche de résistance ennemie vole en éclats. La lourde cavalerie polonaise, appuyée par le général de Waldeck, finit de disperser les Ottomans qui s’enfuient dans un chaos effroyable, harcelés par le feu de l’artillerie et les lances des hussards.

À 19 heures, alors que la nuit tombe, Louis de Bade et le baron de Mercy pénètrent dans les dernières tranchées ottomanes. Les janissaires tentent d’y mener une ultime action défensive mais ils sont submergés et s’enfuient à leur tour. Au même moment, Charles V atteint les faubourgs de Vienne et, quelques minutes plus tard, il entre dans la ville avec l’empereur Léopold Ier. Malgré des conditions terribles et des pertes effroyables, la garnison a tenu bon. La capitale autrichienne et, à travers elle, l’Europe tout entière sont sauvées.

La poursuite de la campagne

Après un rapide repos, le duc de Lorraine repart au combat le 14 septembre. La fin de l’année 1683 se termine sur des succès considérables et les troupes ottomanes sont obligées de battre en retraite sur tous les fronts. En raison de sa désobéissance, de l’échec de sa campagne et des lourdes pertes qu’il a subies, le grand vizir Kara Mustafa reçoit du sultan l’ordre de se suicider. Il s’exécutera le 25 décembre et sa tête sera apportée à Mehmed IV en personne pour confirmer sa mort.

En 1684, le pape Innocent XI, conscient du péril qu’encourt encore l’Europe face aux velléités ottomanes, décide d’unir les puissances chrétiennes contre l’envahisseur islamique. Il fait alors appel au frère Marc d’Aviano, un moine capucin italien proche de Léopold Ier, et au nonce apostolique de Vienne Buonvisi pour inciter l’empereur à négocier une alliance entre les nations européennes. Finalement, le 5 mars 1684 à Linz, est créée la toute première coalition terrestre en Europe : la Sainte-Ligue ou Societas offensivi et defensivi belli. Celle-ci est formée par le Saint Empire romain germanique, la Pologne, la Lituanie, la sérénissime république de Venise, l’ordre de Malte et la Toscane. Le tsarat de Russie rejoint également cette alliance en 1686.

Cette armée coalisée qui compte près de 40 000 hommes est placée sous le haut commandement de Charles V. Celui-ci peut s’appuyer sur des soldats aguerris et déterminés mais également sur des chefs de très grande valeur. On compte parmi eux le prince-électeur Maximilien-Emmanuel de Bavière, Louis-Guillaume de Bade, le prince Eugène de Savoie, le comte Guido von Starhemberg ou encore le comte Jean Pálffy. Tous vont prendre part à la grande épopée européenne contre l’envahisseur mahométan.

De 1684 à 1696, malgré quelques revers, les victoires se succèdent. Cependant, la situation militaire évolue peu et la Sainte-Ligue n’arrive pas à obtenir de victoire décisive sur l’ennemi. En 1697, l’empereur donne le commandement en chef des armées coalisées au prince Eugène de Savoie. Celui-ci a pour ordre de prendre position dans le sud de la Hongrie, entre le Danube et la Tisza, en vue de s’emparer de Belgrade. Il organise donc le déplacement ses troupes afin de préparer la conquête de la ville. Celle-ci doit ainsi marquer un tournant décisif dans la campagne.

Toutefois, alors qu’il progresse vers le sud, le prince découvre l’armée ottomane en train de marcher vers le nord. Constatant une faiblesse dans le dispositif ottoman, il décide de lancer une attaque d’opportunité à Zenta. Malgré des troupes inférieures en nombre et un terrain globalement défavorable, il obtient enfin une victoire décisive sur l’ennemi. Il exploite cet énorme succès militaire dans la célèbre « marche en Bosnie », une opération de dix-huit jours qui mettra totalement en déroute l’armée ottomane. La réussite de ces opérations va forcer le sultan à faire reculer ses troupes et à négocier la paix.

La paix de Karlowitz

Léopold Ier accepte les négociations de paix à condition que tous les membres de la Sainte-Ligue soient représentés. L’Angleterre et les Pays-Bas envoient alors des plénipotentiaires tandis que la France abroge tous ses accords avec l’Empire ottoman dans le cadre du traité de Ryswick, signé le 20 septembre 1697. Inquiet de son isolement, le sultan va lancer une ultime offensive en mars 1698, qui se solde par un échec face aux troupes du prince Eugène de Savoie.

Finalement, les négociations se précipitent et, après Vienne et Debrecen, c’est finalement Karlowitz (Sremski Karlovci) qui est retenue pour y mener à bien les pourparlers. Ceux-ci se tiendront d’octobre 1698 à janvier 1699 et déboucheront sur la signature du traité de Karlowitz le 26 janvier 1699. La paix qui vient d’être négociée est une grande victoire européenne sur l’Empire ottoman. Ce dernier entre alors dans une phase de déclin tandis que l’Autriche et le Russie de Pierre le Grand émergent en tant que puissances européennes de premier rang. L’Europe semble ainsi sauvée définitivement du péril islamique…

La fin des prétentions ottomanes

Après la perte d’une grande partie de ses territoires, l’Empire ottoman est menacé par la sérénissime république de Venise. En 1714, le sultan met en avant le prétexte de violations des législations turques par les marchands vénitiens pour déclarer la guerre le 9 décembre 1714. Grâce à leur supériorité navale, les Ottomans reconquièrent la province de Morée (Péloponnèse) et attaquent les îles Ioniennes. Le 20 août 1716, les Vénitiens défont les troupes musulmanes à Corfou ce qui leur permet de reprendre l’initiative et de donner un signal fort aux puissances européennes.

Face à ce nouvel affront ottoman, Charles VI, empereur du Saint Empire romain germanique, signe une alliance défensive avec la sérénissime république de Venise le 13 avril 1716 et lance un ultimatum au sultan. Ce dernier, déçu dans ses espoirs de voir l’Autriche rester neutre, rejette les injonctions qui lui sont faites et lance une nouvelle offensive en Europe. À la fin du mois de juillet 1716, une armée de 120 000 hommes, placée sous les ordres du grand vizir Silâhdâr Ali, quitte Belgrade et se dirige vers le nord-ouest pour attaquer la forteresse de Peterwardein.

Eugène de Savoie se voit alors confier une nouvelle fois le commandement des forces autrichiennes et prend la tête d’une armée de 70 000 hommes. Le 5 août 1716, il surprend les Ottomans à Peterwardein. Le combat s’engage rapidement et, peu après le début de la bataille, le grand vizir est mortellement blessé. Privés de commandement et attaqués de toutes parts, les forces musulmanes sont en déroute et s’enfuient. Après cette première rencontre, les forces européennes enchaînent les victoires et reprennent Temesvar le 12 août 1716, Timişoara le 1er octobre 1716 et Belgrade le 18 août 1717. Au même moment, les Vénitiens tentent de reconquérir la Morée. Cependant, leur flotte est battue au cap Matapan en juillet 1717, ce qui rend impossible toute opération visant à reprendre leurs anciennes places fortes en Méditerranée.

À la suite de ces batailles, chrétiens et musulmans acceptent de mener à bien des négociations de paix sous la médiation des ambassadeurs britanniques et hollandais. Un traité est finalement signé entre l’Autriche, la sérénissime république de Venise et l’Empire ottoman, dans la ville serbe de Požarevac (Passarowitz), le 21 juillet 1718. Si les négociations ont permis la redistribution des territoires[2] selon le principe de l’uti possidetis juris[3] et ouvre le marché oriental au Saint Empire romain germanique, la paix de Passarowitz ainsi obtenue marque surtout l’arrêt officiel de l’expansion ottomane en Europe. Cette ultime victoire donne l’espoir aux Européens de ne plus voir déferler les hordes musulmanes sur leur sol.

Ce qu’il faut retenir

En premier lieu, la bataille de Vienne, au même titre que les batailles de Lépante ou de Saint-Gothard, nous rappelle que les Européens sont capables de laisser leurs différends de côté pour s’allier quand leur avenir est en danger. Ils trouvent alors la force de surmonter les difficultés et de se battre côte à côte, au sein d’une coalition, pour préserver leur identité.

La bataille de Vienne montre aussi toute la résilience des peuples d’Europe. Face aux violences, aux massacres, aux viols, aux pillages et à l’esclavage imposés par les Ottomans, ils ont su résister et se battre jusqu’au bout, sans céder au fatalisme ni au désespoir. Cette foi, cette fidélité et cette combativité doivent servir de leçon à nos jeunes générations. Elles sont amenées à combattre dès aujourd’hui, dans des champs matériels ou immatériels, et peuvent puiser leurs forces dans l’exemplarité de leurs anciens. En outre, l’histoire doit les inciter à ne jamais douter de la légitimité et de la nécessité de leur action.

Enfin, cette invasion ordonnée par Mehmed IV au XVIIe siècle doit également nous amener à réfléchir à notre relation avec les musulmans. Depuis l’écriture du Coran par Mahomet, il est dit que l’islam doit imposer sa domination au monde par la conquête de la « Pomme d’or » c’est-à-dire par la conquête du cœur chrétien de l’Europe, symbolisé par des villes comme Vienne en 1683. Aujourd’hui, les communautés musulmanes continuent de se battre plus ou moins consciemment pour atteindre cet objectif[4]. Elles mènent ainsi à bien des actions violentes (attentats, crimes, violences, etc.) et des actions non violentes (communication, prêches, enseignement scolaire, construction d’édifices, grand remplacement, etc.) à travers toute l’Europe.

Ces communautés sont souvent guidées depuis l’étranger, notamment par des organisations terroristes comme les Frères musulmans, l’État islamique et les groupuscules qui leur sont affiliés. Elles sont également soutenues activement par la Turquie. En effet, Recep Tayyip Erdoğan n’a aujourd’hui pas d’autre ambition que de retrouver la grandeur de l’ancien empire musulman, de s’inscrire dans la longue lignée impérialiste des sultans d’autrefois et d’imposer par la force l’islam à l’Europe[5]. Pour cela, il appelle tous les musulmans à assumer leur rôle de soldat de l’islam et s’allie également avec les pires groupes criminels et terroristes salafistes qui soient. Chaque jour, la pression et l’influence de l’empire ottoman moderne se font plus fortes sur l’Europe, largement facilitées par des gouvernements faibles et complaisants avec l’envahisseur mahométan.

Ces quelques réflexions doivent nous amener à replonger au cœur de notre longue mémoire. Elles doivent inciter les peuples européens à s’unir à nouveau, comme par le passé, pour protéger ce qu’ils ont de plus précieux : leur identité et leur civilisation. Aujourd’hui, encore plus qu’hier, un choix déterminant s’impose à eux : il faut vaincre ou disparaître…

Arnault Fermor – Promotion Roi Arthur

Notes

  • [1] Cette armée de secours se compose de 24 000 soldats impériaux, de 21 000 Polonais, de 8 000 Bavarois, de 8 000 hommes de Souabe et de Franconie, de 7 000 hommes de l’électorat de Saxe, de 6 000 Hongrois du palatin Pál Eszterházy et de 7 000 Lituaniens, Cosaques et autres volontaires étrangers.
  • [2] L’Empire ottoman doit céder à la maison d’Autriche le Banat, la Serbie septentrionale (y compris Belgrade), les territoires bosniaques au sud de la Save et l’Olténie valaque. La sérénissime république de Venise, quant à elle, doit céder aux Turcs l’île de Sassos, la Morée, les escales crétoises de Souda et Spinalonga, et de Parga en Épire. Les Vénitiens conservent toutefois les îles Ioniennes et leurs domaines en Dalmatie.
  • [3] Cette locution provient de la phrase : Uti possidetis, ita possideatis, qui signifie : « Vous posséderez ce que vous possédiez déjà. » Il s’agit d’un principe issu du droit romain et que l’on retrouve aujourd’hui en droit international sous le principe de l’intangibilité des frontières. Selon l’uti possidetis juris, les États nouvellement indépendants ou les belligérants d’un conflit conservent leurs possessions pour l’avenir ou à la fin dudit conflit, nonobstant les conditions de traités antérieurs.
  • [4] La conquête de la « Pomme d’or » est un objectif clairement défini aujourd’hui par la doctrine des Frères musulmans. Ce document intitulé « le Projet » était conservé secrètement dans un coffre-fort du groupe islamique, dans une banque en Suisse. Il a été trouvé très récemment lors d’une investigation par des services de renseignements européens. Ce texte doctrinal décline une approche holistique de la conquête de l’Occident par l’islam et décrit les différents moyens à mettre en œuvre aujourd’hui afin d’atteindre cet objectif (attentats, crimes, influence, mariages interraciaux et interreligieux, etc.).
  • [5] En 1998, Recep Tayyip Erdoğan reprenait publiquement les propos du théoricien du nationalisme turc Zia Gokalp (1876-1924) : « Les minarets sont nos baïonnettes, les coupoles nos casques, les mosquées nos casernes, et les croyants nos soldats. » Il donnait ainsi une appréciation claire de ses intentions futures, de sa volonté d’invasion et de la vocation universelle des musulmans à conquérir le territoire sur lequel ils s’installent.

Illustration : Entsatzschlacht von Wien 1683 (détail), Frans Geffels (ca 1683-1694). Source : Wikimedia