Dominique Venner vu d’Italie
Intervention de Carlomanno Adinolfi, représentant de Casapound (Italie) au Colloque Dominique Venner, Paris, Maison de la Chimie, 17 mai 2014.
Jusqu’au 21 mai dernier, Dominique Venner n’était pas très connu des jeunes militants italiens. Ses deux seuls livres publiés en Italie, Baltikum et Le Soleil Blanc des vaincus, sont très rares, voire impossibles à trouver depuis plusieurs années. Ce sont en tout cas les deux livres qui ont fait connaître Venner à la génération des “anciens”, ceux des années 70. Baltikum, tout particulièrement, était très aimé par eux. Ils étaient touchés par cette tragédie épique mêlant différentes générations, jeunes et vétérans joints à un peuple en armes pour défendre ce qui semblait déjà perdu, pour continuer une guerre que tout le monde pensait perdue. Et, dans son ouvrage, Venner racontait cette histoire sous l’angle de l’épopée historique, oui, mais avec la fougue et la sensibilité de la guerre et du sang qui seuls peuvent avoir ceux qui les ont vraiment connus. Ce livre ne pouvait donc que créer un lien spirituel immédiat avec ceux qui, dans ces années 70, ont versé leur sang dans une guerre civile.
Mais après le 21 mai, tout a changé : les jeunes militants du Blocco Studdentesco ont commencé à se renseigner, à questionner, pour en savoir davantage sur cet homme qui venait de faire le sacrifice ultime. Ils se sont mis à la recherche de livres “inaccessibles” et il y a même ceux qui ont cherché à dépasser l’obstacle de la langue étrangère afin de tenter d’apprendre davantage sur Venner. Il aura suffit de ce geste tragique pour tout changer, pour que ces jeunes militants reconnaissent immédiatement l’historien français comme « un des leurs », mais surtout comme une figure tutélaire, un esprit qui va rejoindre les rangs de ceux qui sont tombés pour indiquer le chemin.
Ce qui peut sembler étrange, irrationnel même, pour ceux qui pensent et vivent dans un certain esprit bourgeois est en fait tout naturel et facile à expliquer. Le geste de Dominique Venner a été immédiatement reconnu pour ce qu’il est : un sacrifice au sens étymologique du terme, qui est de « rendre sacré », un rituel visant à rendre visible la présence du divin dans l’humain. Un geste et un rituel accomplis au nom de la volonté qui ne peut que nous faire penser à un rite semblable, celui de seppuku de Yukio Mishima – au cours duquel le guerrier japonais, qui a lutté durant toute son existence, offre sa vie devant les dieux et les ancêtres comme un acte de purification pour rendre noble et solide le chemin que les autres devront suivre avec son exemple.
Mais surtout, ceux qui, en Italie, ont entendu parler du geste de Dominique Venner ont pensé à un autre rituel, celui accompli par les archaïques “samouraï d’Occident” par excellence que sont les Romains. Il s’agit de la « devotio », le sacrifice rituel durant lequel le commandant de l’armée donnait sa propre vie aux dieux pour obtenir la victoire de son armée et de ses descendants. Un sacrifice qui permettait aux dieux de venir aux côtés du peuple et signifiait que ceux qui étaient en armes, témoins de l’acte du chef, pouvaient réveiller et dominer les fureurs bellicistes pour remporter la guerre, qui comme telle est sacrée. A cette évocation de Rome répondent en écho les paroles mêmes de Venner expliquant son geste. « Je donne ma vie dans une volonté de fondation. » Le sacrifice n’est donc pas mis en œuvre seulement pour être un témoignage, c’est une action qui crée des effets vivants et palpables, c’est un acte de Fondation, une base sacrée sur laquelle des choses vont inévitablement croître et se développer. Tout comme Rome, la ville éternelle, qui a été fondée par Romulus, par le sacrifice et le sang d’une partie de lui-même, Remus. Et la ville est éternelle parce que le rituel, le sacrifice, la fondation en tant que source, transcende le temps et se connecte via une communion sacrée avec les esprits des ancêtres. Le même principe que celui exprimé par Venner avant son acte quand il écrit : « J’ai choisi un lieu hautement symbolique, la cathédrale de Notre Dame de Paris que je respecte et admire, qui a été construite par le génie de mes ancêtres sur des lieux de culte plus anciens qui rejoignent nos origines immémoriales. »
Carlomanno Adinolfi