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Au seuil de l’Apocalypse

« Quant à moi, j’attends les Cosaques et le Saint-Esprit. Tout le reste n’est qu’ordure !» prophétisait Léon Bloy vers 1915, en pleine tuerie mondiale.

Au seuil de l’Apocalypse

Avec son dernier recueil, dont le titre s’inspire du grand imprécateur, Bruno Lafourcade a voulu présenter, par le biais d’une centaine de chroniques qui sont autant d’anathèmes et de fulminations, le portrait d’une certaine France, celle de M. Macron et des hyperféministes, celle des théoriciens de la dislocation des héritages et des créatures télévisuelles.

Une France où règnent, comme dans tout le bel Occident, mais de façon plus affirmée car théologiquement justifiée par les chanoines de l’Église du Néant, « la réification des hommes, la marchandisation des corps, la manipulation biologique, la délocalisation de tout et de tous » – l’ensemble vendu par les diverses propagandes comme un vert paradis.

Bruno Lafourcade a naguère publié un essai courageux Sur le suicide, une charge contre Les Nouveaux Vertueux. Plenel, Fourest, Joffrin, etc. & tous leurs amis, un fort roman, L’Ivraie, qui retrace le parcours d’un ancien gauchiste devenu sur le tard professeur de français dans un lycée technique de la banlieue bordelaise. Il s’y montrait hilarant et désespéré, incorrect et plein d’humanité. Et styliste exigeant, car l’homme connaît la syntaxe et la ponctuation, classiques à souhait.

Qu’il fasse l’éloge du remords (« qui oblige ») ou du scrupule, de la modestie conservatrice face à l’arrogante confiance en soi du progressiste, du dédain face à la haine plébéienne (« on imagine mal tout le dédain que peut contenir un point-virgule »), Bruno Lafourcade se montre drôle et féroce, quasi masochiste à force de pointer avec tant de lucidité les horreurs de ce temps – un misanthrope doublé d’un moraliste, classique jusqu’au bout des ongles. Saluons ce polémiste inspiré, son allergie si salubre aux impostures de l’époque. Et cette charge contre telle crapule télévisuelle, minuscule écrivain qui, sur le tard, après vingt ans de courbettes, renie un confrère, son aîné, devenu pour la foule l’égal de Jack l’Éventreur.

Christopher Gérard

Bruno Lafourcade, Les Cosaques & le Saint-Esprit, La Nouvelle Librairie, 346 pages, 16,90 €