Alauda. Préface à l’anthologie poétique « Le Chant des alouettes »
L’historien romain Suétone nous apprend que Jules César, de ses propres deniers, leva une légion composée de Gaulois transalpins et qui reçut le nom, celtique, de l’alouette – alauda.
J’aime que mon jeune ami Thibaud, hoplite de l’Institut Iliade, évoque dans le titre de son premier livre l’oiseau des champs, le passereau chanteur, réputé pour se lever de grand matin. J’aime surtout l’allusion au chant de ces poètes qui illustrent une vision de l’homme et de l’univers, qui maintiennent contre vents et marées l’esprit qui les a nourris.
Thibaud fait partie de ces hoplites et de ces amazones qui, groupés autour de l’Institut Iliade, entendent redevenir les acteurs de leur destin et refusent la mortelle résignation. Face à la décadence, trois genres de réaction révèlent un type d’homme : les uns, la majorité, acceptent sans broncher de ne pas voir ce qui les tue et frémissent ou ricanent si d’aventure un éveillé tente de leur ouvrir les yeux. Cynisme ou perversion, une minorité jouit des décadences comme s’il était possible de ne pas être englouti par la montée des eaux d’égout. Une autre minorité, les purs, refuse les fatalités trompeuses ; elle prend les armes et combat, telle une phalange qui ferait sienne la colère d’Achille. En effet, rappelons-nous que l’Iliade, livre fondateur de l’Europe secrète, conte la colère de l’Achéen comme le courage du Troyen – Hector, le vaincu, ayant manifestement la faveur du divin Homère.
On comprend que les amis du regretté Dominique Venner aient choisi de nommer Iliade l’institut fondé pour transmettre la flamme qui brûla en lui jusqu’à son dernier souffle. Il s’agit bien d’inciter les jeunes Européens à se réapproprier un héritage ancestral dont certains, consciemment ou non, veulent les déposséder au nom d’abstractions dévitalisantes et de slogans mensongers. La référence à l’Iliade implique une colère fondatrice et sans haine, un sursaut appelé à renforcer une triple reconquista spirituelle, politique et intellectuelle. Ernst Jünger ne disait-il pas dans les années 50 qu’un monde libre ne peut être que spirituel ?
Cette leçon du vieux guerrier devenu sage, mon ami Thibaud l’a bien comprise : son mémoire, présenté devant sa promotion au terme d’un cycle de formation, rassemble une bibliothèque idéale, qu’il propose avec générosité à ses camarades. Une soixantaine de textes en prose et de poèmes, issus d’une pléiade d’auteurs en majorité français, même si Goethe et Kipling sont conviés. Une anthologie du classicisme européen, en somme, érudite et passionnée, lyrique et parfois ingénue – la voix authentique d’un jeune Athénien d’aujourd’hui.
Virgile le fondateur, Chateaubriand et La Bruyère, Du Bellay et Corneille, Chénier et Rostand, tous dépoussiérés et offerts au lecteur. Et le cher Rollet, poète et médecin, qui accueillait les cadets dans son manoir de Provence au pied de l’Aqueduc. Et l’immense Nerval (« Ils reviendront, ces Dieux que tu pleures toujours ! »), le lumineux Maurras (« Rome, d’Athènes en fleurs a récolté les fruits. Beauté, raison, vertu, tous les honneurs de l’homme »). C’est exactement cela : tous les honneurs de l’homme européen.
Le chant des alouettes, qui annonce le retour du Soleil.
Christopher Gérard
Le Chant des alouettes, anthologie poétique, par Thibaud Cassel, éditions Pierre-Guillaume de Roux / Institut Iliade, 175 p., 16 €.