Avec Armel Guerne
Armel Guerne ? Un Romantique au sens le plus noble. Une recension du livre de Charles Le Brun & Jean Moncelon, Armel Guerne. L’Annonciateur, paru aux éditions Pierre-Guillaume de Roux, par l'écrivain Christopher Gérard.
« Depuis mon enfance – depuis que je savais vouloir écrire – je demande dans mes prières d’être le dernier d’une lignée de supérieurs, et j’ai toujours tout fait pour ne jamais être le premier d’un bataillon d’inférieurs. » Cette hautaine prière décrit à la perfection son auteur, le poète Armel Guerne (1911-1980), davantage connu pour ses étincelantes traductions de Hölderlin et de Rilke, de Melville et de Kawabata. Un prodige, en effet, qui traduisit sa vie durant les textes les plus difficiles, de l’allemand comme du chinois ou du japonais, et même du tchèque.
Rivalisant de fidélité, Charles Le Brun et Jean Moncelon, les auteurs du recueil, évoquent les multiples passions de leur ami, qu’ils définissent comme un prédestiné, une sorte de chevalier avide de lumière et perdu dans le monde moderne. Parmi ces passions, Novalis et la quête de l’unité perdue, Nerval et ses fascinantes visions, l’immense Melville, Paracelse et l’alchimie…
Armel Guerne ? Un Romantique au sens le plus noble. Ne composa-t-il pas ce magnifique volume, désormais classique, Les Romantiques allemands (1956) ? N’édita-t-il pas un choix d’œuvres de Nerval ? Ne lui doit-on pas L’Ame insurgée, essai majeur sur le Romantisme ?
Un poète enfin, et non des moindres en ce siècle de bavards et de faiseurs, pour qui l’écriture était d’essence mystique, aux antipodes de toute futilité comme de tout délire cérébral – celui-là même que, avec lucidité, il reprochait aux surréalistes. Ami du peintre Masson, de Cioran et de Bernanos, Armel Guerne considérait que l’Apocalypse, loin d’être à nos portes, était « entrée dans nos vies ». Plus antimoderne que cet ermite magnifique, vous trépassez, ami lecteur !
Poète au milieu des ruines, réfractaire absolu, Armel Guerne compte bien parmi les éveilleurs de l’Europe secrète. Ecoutons-le : « Une œuvre (…) on doit se demander quel est son acte sur la terre ; et non seulement de quel esprit elle procède, mais aussi et peut-être surtout, dans l’angoissante tragédie de nos jours, quels esprits et quels cœurs elle encourage ou décourage. »
Source : archaion.hautetfort.com
Charles Le Brun & Jean Moncelon, Armel Guerne. L’Annonciateur, Editions Pierre-Guillaume de Roux, 194 pages, 20,90 €