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Le solstice célébré par trois poètes

Fête du soleil, de la jeunesse, de l’été, le solstice d'été est source d'inspiration pour de nombreux artistes.

Le solstice célébré par trois poètes

Depuis des temps immémoriaux, les Européens célèbrent ce moment particulier de l’année où la lumière est la plus longue. Si le solstice est originellement une fête païenne, à l’instar de la civilisation, elle a également été reprise à son compte par le catholicisme. C’est la raison pour laquelle aujourd’hui on entend parfois parler de feux de la Saint Jean d’été. Ces évènements communautaires se prêtent aux chants, aux danses et à la déclamation de poèmes.

Henry de Montherlant

“Solstice de juin, instant ambigu, marqué par une sorte de mensonge, comme il me trouble, m’irrite, me plaît. Pendant des mois encore, l’année va paraître s’élancer vers son zénith de chaleur et de splendeur, et cependant c’en est fait : les jours ont commencé de s’accourcir. Le Soleil s’incline, le soleil meurt ; Adonis meurt, ne laissant que la rose…Et les femmes pleurent et se frappent la poitrine, au son de la flûte phénicienne.
Mais tout est ambigu, dans cette fête : les femmes dans leurs pleurs mêlent une secrète joie, car elles savent qu’au solstice d’hiver Adonis va ressusciter… Et moi aussi je pleure, mais, comme les femmes d’Alexandrie, sachant que ce que je pleure en quelque façon ressuscitera. La victoire de la Roue solaire n’est pas seulement victoire du Soleil, victoire de la païennie. Elle est victoire du principe solaire, qui est que tout tourne (“la roue tourne”, dit le peuple). Je vois triompher en ce jour le principe dont je suis imbu, que j’ai chanté, qu’avec une conscience extrême je sens gouverner ma vie.
L’alternance. Tout ce qui est soumis à l’alternance. Qui le comprend a tout compris. Les Grecs étaient pleins de cela”.

Henry de Montherlant, Solstice de juin, Grasset, 1941

Alphonse de Lamartine

Comme au sein de la nuit où tout regard expire,
Si quelque feu lointain sur un mont vient à luire,
L’œil volant de lui-même à la vive clarté,
Franchit, sans y toucher, des champs d’obscurité,
Et s’attachant dans l’ombre au seul point qui rayonne,
Oublie, en l’admirant, la nuit qui l’environne.

Alphonse de Lamartine, extrait de l’Épitre à M. Sainte-Beuve, 1829.

Hans Leifhelm

Ensemble, nous entrons dans la ronde,
Et brûlons le feu comme tel qu’en la coutume.
Nous brûlons le feu, comme le firent
Jadis en leur temps le père et l’aïeul.
Le feu culminant du solstice d’été,
Qui se consume dans la nuit avec les étoiles.
Le soleil monte et redescend
Et l’homme va du berceau dans la tombe
Mais aujourd’hui, parmi les hautes flammes,
Nous conjurons et la mort et la vie,
Nous invoquons ceux qui sont à leur tâche
Et ceux qui dorment au tombeau :
Hommes, femmes, enfants, vieillards,
Les morts font avec nous la ronde.
Nul n’a passé sur cette terre
Qui n’entoure avec nous le feu
Pour assister de son ardeur
En cette nuit, la course du soleil.
Brûle, brûle feu ! Jaillis
En hautes flammes vers le ciel !
Fais que subsiste au monde la lumière
Et que la vie reste victorieuse !
Brûle feu ! Brule rouge, dévore
Querelles et discordes !
Détruis tout ennemi qui se rue sur nos terres,
Fais que brule toujours la flamme à nos foyers,
Qu’aucun jeteur de sorts ne gâte les semailles
Et que de mâle mort ne périsse l’agneau.
Brule feu, brule et te consume
Pour détourner le maléfice.
Le feu brule, le feu abolit nos misères,
Dieu, donne-nous de vivre et bénis notre mort!

Hans Leifhelm (1891-1947), Lob der Vergänglichkeit. Gedichte, Otto Müller Verlag, Salzburg, 1949, p.26.