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La traversée du col du Simplon par un sentier muletier historique

[...] Ruisseau et route
Allaient de compagnie en cette fente sombre,
Et avec eux nous voyageâmes plusieurs heures
D’un pas lent. [...]
Et, dans la gorge étroite, à chacun des tournants,
Les souffles en conflit, affolés et perdus,
Les torrents jaillissant du ciel limpide et bleu […].

William Wordsworth, Le Prélude, T 1.

La traversée du col du Simplon par un sentier muletier historique
Pays : Suisse
Canton : Valais
Thématique générale du parcours : Passage d’un col historique
Mode de déplacement : À pied. Possibilité de réaliser tout ou partie en VTT (pour cyclistes confirmés). Passerelles métalliques et escaliers dans les gorges de Gondo.
Durée du parcours : Deux ou trois jours de randonnée.
Difficulté du parcours : Parcours exigeant sur un bon sentier, mais nombreuses possibilités de rejoindre des arrêts de car postal.
Jour 1, de Brigue au col du Simplon : +1606 m et –297 m. 11,9 km. Environ six heures sans les arrêts.
Jour 2, du col du Simplon à Gondo : +230 m et –1380 m. 18 km. Environ cinq heures sans les arrêts.
Si le temps est incertain (et le passage par les gorges déconseillé), on peut programmer la randonnée en 3 jours, avec une nuit à Simplon Dorf et le passage par Furggu et Zwischbergen. Cela ajoute 3h30 et 400 m de dénivelés positif et négatif.
Période possible : De fin juin à mi-septembre. Se renseigner sur l’enneigement et les risques de crues.

Présentation géographique

Le col du Simplon, à 2006 m, est un des passages les plus faciles entre la Suisse et l’Italie. Il sépare les Alpes pennines, au nord, des Alpes lépontines, au sud. Il permet de joindre Brigue et Stresa.

Cadre historique et culturel

Des fouilles menées en 2003-2005 ont permis de mettre au jour des artefacts de l’époque mésolithique sur les hauteurs du col. Bien qu’emprunté depuis 7000 avant J.-C., le col du Simplon ne connut un véritable essor qu’au Moyen-Age, comme le confirme le développement économique de la ville de Brigue.

Au XVIIe siècle, le marchand Kaspar Stockalper finance la construction d’un sentier muletier. Entrepreneur, homme politique, marchand, grand voyageur, il élève au centre de Brigue un château ainsi que divers hospices, tours et entrepôts sur les routes commerciales les plus parcourues. Le château de Stockalper est le plus grand palais privé de Suisse.

De 1801 à 1805, une route est ouverte par les ingénieurs français sur ordre de Napoléon Bonaparte, qui décide également de la construction d’un hospice au col du Simplon. Celui-ci est confié aux moines du Grand-Saint-Bernard. Le col devient l’une des routes favorites des voyageurs romantiques vers l’Italie, comme en témoigne le poème autobiographique de l’Anglais William Wordsworth (1770-1850), Le Prélude, cité en exergue. Le tracé de la route était si ingénieux qu’il n’a guère été modifié jusque dans les années 1960.

Un tunnel ferroviaire est ouvert en 1906. En 1910, l’aviateur péruvien Jorge Chavez, âgé de 23 ans, réussit à franchir le col aux commandes d’un monoplan Blériot type XI. Mais son avion s’écrase à l’approche de Domodossola et Chavez décède quatre jours plus tard des suites de ses blessures.

Description de l’itinéraire

Le sentier Stockalper, ou ViaStockalper, est un des itinéraires historiques suisses ; ce chemin muletier est balisé tout au long, soit de panneaux portant le numéro 90, soit de panneaux portant l’indication Stockalperweg. Il a été restauré dans les années 1990 et complété là où les traces historiques avaient disparu. La fondation de l’Écomusée du Simplon a mis en valeur les nombreux édifices qui ponctuent cet itinéraire.

Jour 1

De Brigue (678 m) au col du Simplon (2006 m). Le départ se situe au pied du château Stockalper. Il passe successivement devant l’ancien hôpital Saint-Antoine, la chapelle du même nom et la tour Metzilten, puis sous l’arc du couvent qui relie cette tour à l’église des Ursulines. Il a fallu attendre les années 1950 pour que le trafic routier du Simplon soit dévié et ne traverse plus la vieille ville de Brigue. À Lingwurm, la chapelle dédiée à saint Antoine de Padoue a été construite en 1653.

Le chemin monte vite entre prairies et hameaux, avant de rejoindre une forêt sèche. Il témoigne des techniques de construction du XVIIe siècle : murets de pierres sèches et pavage ont défié les siècles.

Le passage qui surplombe les gorges de la Salina traverse une zone détritique sur des passerelles sécurisées. Après avoir tangenté la route (car postal) à Schallberg (1316 m), le sentier descend jusqu’aux maisons de Grund (1071 m). Commence alors une jolie montée dans la forêt, le long de la Taferna, avec une amusante succession de passerelles de bois. 1684 : c’est la date qui figure sur le linteau de la « vieille auberge » de Taferna (1597 m), aujourd’hui restaurée (mais fermée). Elle se compose de caves, d’écuries, d’une salle commune, d’une cuisine. Il était possible d’y faire halte pour la nuit. (Possibilité de planter sa tente ou de bivouaquer aux alentours.) La légende veut que la tenancière, une certaine Johanna Fy, ait coupé son vin de trop d’eau… Comme une âme en peine, elle expie encore sa faute dans le glacier de Kaltwasser. Il reste encore environ 400 m de dénivelé sur un sentier le plus souvent pavé pour arriver au col du Simplon.

Au col, un aigle de pierre géant a été édifié par le service actif pendant la Deuxième Guerre mondiale. Conçu par l’architecte Erwin Friedrich Baumann, il symbolise la « Wacht am Simplon », la garde du Simplon, par la 11e brigade de montagne. L’étape se conclut soit dans un petit hôtel, soit à l’hospice (dortoirs ou chambres, douches, repas) construit de 1808 à 1831.

Jour 2

Le sentier descend tranquillement dans les rhododendrons et les myrtilles. Il rejoint un édifice élancé, très élégant : l’ancien hospice, ou Alte Spittel (1870 m), a été fondé au XIIIe siècle par les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem. Il dépendait alors de la commanderie de Conflans en Savoie. Racheté par Kaspar Stockalper, il a été reconstruit et achevé en 1666. C’est une haute tour carrée de quatre étages sur rez-de-chaussée. La façade orientale est surmontée d’un clocheton. Le premier étage permettait de recevoir les voyageurs. Stockalper réservait les trois étages supérieurs à sa famille comme résidence d’été. Les immenses bâtiments de la Barralhaus en contrebas datent de 1903-1904 et ont servi d’hébergement pour des séminaristes, des militaires et des organisations de jeunesse. Le sentier continue à descendre en contrebas de la route, entre forêts et pâturages. Il est le plus souvent bordé de murs de pierres sèches, afin d’éviter la divagation du bétail. À Egga (1588 m), il passe sur un des anciens ponts de la route Napoléon. Ce pont a été conçu dès le début avec une arche en maçonnerie, contrairement à de nombreux ouvrages construits en bois pour être plus facilement détruits en cas de besoin. La chapelle dédiée à saint Jean-Baptiste date de 1670 ; le 24 juin de chaque année, une procession montait à la chapelle et, après la messe, les bourgeois tenaient leur assemblée en plein air.

Simplon-Dorf (1472 m) est un petit village aux allures déjà italiennes. Comme Gondo, Simplon est une colonie walser : à la fin du XIIe siècle, des Alamans germanophones se sont installés dans la vallée. Après avoir été une étape obligée des caravanes de mulets de Kaspar Stockalper, Simplon a retrouvé son calme jusqu’à l’arrivée des troupes napoléoniennes. Vous pourrez faire halte à l’Hotel Post, ancienne caserne des officiers. En 1906, avec le percement du tunnel ferroviaire, le village subit de plein fouet une baisse considérable de trafic – qui revient dans les années 1960 avec la modernisation de la route.

En descendant vers Gabi (1240 m), un œil attentif remarque quelques traces de camouflages militaires. Juste après avoir traversé la route, un panneau indique les deux variantes possibles : par Furggu ou par les gorges de Gondo. C’est cette seconde option qui est décrite ici.
À l’entrée des gorges, la maison d’habitation double de Gschoru Erb date de la fin du XVIIIe siècle. Dans les gorges, le chemin Stockalper a subi non seulement l’érosion mais de nombreuses chutes de pierres. Le sentier de randonnée actuel suit un tracé différent, le plus protégé possible (mais déconseillé par mauvais temps). Il comporte de nombreuses passerelles métalliques et jouxte la route – d’où quelques désagréments sonores… À Äbi, la tour prévue par Stockalper n’a jamais été terminée : sa disgrâce en 1676 a stoppé net les travaux. Plus loin, un four à chaux a été dégagé en contrebas du sentier. En face, la vieille caserne (1157 m) sert de lieu d’exposition (car postal). Le sentier passe sur le Ponte Alto, le vieux pont, construit par Napoléon. Il traverse ensuite le fort de Gondo (1067 m) par une série de couloirs de liaison (éclairés). Les installations défensives du XIXe siècle ont été remaniées au début du XXe siècle, puis modernisées avant et pendant la Seconde Guerre mondiale : le verrou était un élément du système de défense du Réduit national suisse. Après avoir traversé rapidement une zone détritique instable (arrêts interdits !) et le passage d’un dernier pont napoléonien, le sentier rejoint le village frontière de Gondo (855 m). Le 14 octobre 2000, un glissement de terrain catastrophique a emporté une partie du village, aujourd’hui rebâti, et fait treize victimes. Les deux tiers de la tour Stockalper de 1665 ont alors été détruits ; une restauration a permis de créer un hôtel de luxe. Les mines d’or de Gondo ont été exploitées du XVIe au XIXe siècle. Le car postal permet de rejoindre Brigue ou l’Italie toute proche.

Activités connexes

Cartographie

  • Visp, 1:50 000, n° 274 T, surlignée, avec les arrêts du car postal
  • Simplon, 1:25 000, n° 1309
  • Brig, 1:25 000, n° 1289

Accès

Brigue est située dans la vallée du Rhône. Gare ferroviaire et routière. À Gondo, car postal.
Penser à télécharger l’appli du Car postal suisse qui précise les horaires et les arrêts (indiqués aussi sur les cartes de randonnée).
Attention : il est très difficile de stationner gratuitement en Suisse. Deux parkings gratuits à Brigue : près du camping et de l’établissement thermal ; au départ du télécabine de Rosswald (en été, payant en hiver).

Matériel spécifique, équipement

Équipement de randonnée de moyenne montagne. Il peut faire froid au col du Simplon (2006 m) où le temps change très vite.
Météo locale et webcam : meteo-oberwallis.ch

Art de vivre

Nombreux hébergements, ravitaillements et restaurants, à Brigue et Simplon-Village. Au col, l’hospice propose chambres et dortoirs, douches et repas dans une ambiance monacale (réservation très conseillée).

Le taux de change et le niveau de vie helvétique ne sont pas favorables aux Français.

Liens

Année où cet itinéraire a été parcouru

Août 2019.