Refaire un peuple, par Julien Langella
Cofondateur de Génération Identitaire et vice-président d’Academia Christiana, Julien Langella publie aux éditions de la Nouvelle Librairie un manifeste ouvertement radical. Un pavé dans la mare des idées mortes, qui appelle à une « révolution populiste » à même de rétablir une politique du peuple, du bien commun et de la nation.
« Quand le monde sort de ses gonds, on ne peut remédier au mal en recourant à des emplâtres techniques ; il faut un ordre nouveau. » Mise en exergue de l’ouvrage, cette citation de José Antonio Primo de Rivera en donne le ton autant qu’elle en fixe l’horizon.
Il ne s’agit pas d’une thèse et encore moins d’une analyse du phénomène populiste, mais d’un manifeste « pour un populisme radical ». Résolument tourné vers l’action, Julien Langella appelle à une « révolution populiste » face aux turpitudes des temps modernes.
Son style oral saisit le lecteur, comme pour le prendre par le col, le sortir de sa léthargie face à l’effondrement imminent et le rappeler à ses devoirs :
« Tes ancêtres ont labouré, aimé et combattu sur le sol où tu traines ton corps de lâche, alors réveille-toi ! »
Contre l’idéologie libérale
Avec force détails dans sa description du monde contemporain, Julien Langella offre au lecteur un tableau à la juste mesure de ce monde : laid, corrompu et gauchi.
De l’assiette aux volontés populaires et politiques, tout est passé en revue : la fabrique des cancers par les végétaux OGM bourrés de pesticides, la perte de souveraineté évidente par la dépendance industrielle et énergétique, les rêves des jeunes bercés par Disneyland puis Netflix et par les stars américaines, l’inversion du système de valeurs – l’argent devenu roi… Partant du constat de l’effacement du monde enraciné, Langella décrit dans une perspective historique, de la révolution des Lumières jusqu’à nos jours, les évènements et leurs causes menant à cette situation pitoyable afin d’y remédier,
Au fil des pages, le fautif devient évident : il n’est autre que l’esprit libéral et ses aspirations matérialistes. Le reste n’est que méprise, agitations stériles voire même instrumentalisation. Les oppositions tels que gauche-droite, riche-pauvre, sont vains et orchestrés par le grand capital : selon la maxime « Diviser pour mieux régner », c’est une stratégie politique. Et ce sont les oligarques mondialistes, c’est-à-dire les banquiers et patrons de grands groupes qui mènent la danse, imposent leur volonté grâce à leur influence.
Pour réaliser leur projet de gouvernement mondial au service de leur soif de pouvoir, tous les moyens sont bons, à commencer par l’assujettissement des peuples en les dépossédant d’eux-mêmes : c’est le grand déracinement.
Le constat : le grand déracinement
Le grand déracinement est une entreprise de déconstruction généralisée de l’identité des peuples. Cette déconstruction se pare des plus nobles mobiles : la paix mondiale et la prospérité matérielle pour le bonheur des peuples, et ce grâce au doux commerce dans un monde libéral. Julien Langella pourfend la mascarade évidente : ce n’est pas pour le bien des peuples que travaillent les mondialistes, ils concourent à la prospérité du « business as usual ». Pour ce faire, ils tendent à lisser le monde afin d’en faire un marché homogène. Le bien commun est en réalité celui de quelques-uns.
Le recours incantatoire aux vertus du marché instaure progressivement la marchandisation du monde, avec sa fameuse « main invisible » ou encore la fable des abeilles de Mandeville (« les vices privés font le bien public »). Le libre échange entérine la supériorité de l’économie sur le politique, ce dernier devenant un instrument au service des relations mercantiles.
Julien Langella dénonce par là même le mythe du progrès avec ses formules d’expiation (« les heures les plus sombres », « l’obscurantisme médiéval », etc.) et ses apôtres (Soros, Attali et consorts). Dans cette logique de déconstruction, rien n’est épargné : les nations, les cultures, les communautés jusqu’aux plus intimes comme la famille et même le genre. Le remplacement s’opère autour de l’atome le plus petit : l’individu. Il devient le centre du droit, par les droits individuels (droits de l’homme dits droits « naturels »), ce qui a pour corollaire de le placer au dessus du droit commun. Le règne sans partage de l’individu fait ainsi périr l’idée du bien commun.
Fervent catholique, Julien Langella signe une autre critique essentielle. Le monde était autrefois orienté par des aspirations spirituelles qui étaient le sommet dans la hiérarchie des valeurs. Le monde actuel n’a pas seulement renversé le monde ancien : il l’a inversé. Il a pour unique paradigme le matérialisme qui, par son relativisme moral, est aussi nihilisme : sa seule boussole est la recherche du profit.
Ces critiques profondes de la société actuelle sont développées sans détours, dans un style simple. En bon bretteur, l’auteur expose au sarcasme les traits les plus saillants de la modernité. Ainsi de de sa volonté de « jouir et congeler ses ovules sans entrave », ou encore de « mourir entouré du maximum de dignité libérale ».
In fine, l’auteur combat l’esprit du libéralisme comme la racine et la cause du mal de la modernité, ainsi que l’étatisme complaisant et collaborateur. Avec Langella, le diagnostic de ce monde est irrévocablement dressé : il est condamné. Seuls la date et le lieu sont ignorés.
La condition du sursaut : reconquérir nos libertés
La reconquête des libertés passe par la restitution de son sens fort. Il ne s’agit pas de la liberté entendue comme un choix illusoire (Big Mac ou salade niçoise, Netflix ou Canal+…), mais comme la reconquête des pouvoirs, c’est-à-dire d’une autonomie pour satisfaire ses besoins primordiaux et ceux de sa famille. L’objectif : redevenir un homme véritablement libre.
Pour Julien Langella, cette reconquête est possible grâce au détournement du système capitaliste et mondialiste profondément aliénant, par un retour à une vie communautaire territorialisée et enracinée. Pour se départir des élites financières et retrouver la véritable liberté, l’appel est à la réappropriation de l’autonomie : alimentaire, énergétique, commerciale et politique. A défaut d’accaparement des institutions politiques, l’auteur estime en effet que c’est par une politique du bas que le haut chavirera.
Une prise de conscience radicale permet de se soustraire de l’influence des lobbys et autres forces globalistes : notre pouvoir étant dans notre consommation, le premier geste de résistance est d’en user sagement. La communauté territorialisée que Langella appelle de ses vœux devient le lieu de l’autonomie grâce à l’assistance mutuelle, le partage des communs et l’interdépendance pour les nécessités du quotidien.
Donner nouvellement vie et pouvoir aux territoires passe aussi par la décentralisation, le retour de structures intermédiaires et le principe de subsidiarité : gérer les problèmes au plus près de leur source.
Le programme : pour un « populisme radical »
Dans la partie de l’ouvrage plus programmatique, l’auteur insiste sur la dimension communautaire de cet enracinement territorial. L’homme étant un animal social, faire partie d’une communauté est pour lui un besoin vital. De ce fait, la politique populiste envisagée entend faire passer cette dimension au dessus des autres, en prévoyant notamment l’encadrement strict de l’économie. Le bien commun serait une notion fondamentale et régulatrice de la vie sociale. La justice sociale serait instaurée pour donner à chacun selon son dû et son mérite.
Son populisme est également un état d’esprit, reposant à la fois sur la discrimination et l’affirmation : il existe des limites naturelles et des fondamentaux sur lesquels nous ne sommes pas légitimes de revenir. La nature impose ses lois, et ce n’est pas l’illusion scientiste qui est en mesure de les modifier.
Le peuple serait fédéré autour de son identité commune, c’est-à-dire son histoire, ses traditions, sa terre et sa chaîne de relations. Le populisme radical ferait primer la continuité historique et délimiterait un horizon pour son peuple, ou l’alliance d’une terre et d’un destin.
Ce populisme identitaire se veut un prélude à la renaissance des patries charnelles, au ressourcement des communautés enracinées et de toutes les formes de leur tradition locale : chants, contes, danses, jeux et spectacles. Les plus hautes valeurs seront spirituelles, la morale sera enseignée, une éthique forte sera encouragée. L’identité sera fondée sur l’antiquité grecque et la culture catholique.
Julien Langella résume ses diverses positions décrites dans l’ouvrage à travers vingt sept propositions concrètes pour une révolution populiste, qui pourrait se résumer dans l’une des nombreuses formules que compte l’ouvrage : « Le populisme est la politique du peuple : elle ne nie pas l’individu, elle lui redonne sa place dans un projet commun. »
Ce populisme est radical parce qu’il inverse la marche du monde actuel. Loin d’une course à la globalisation, il aspire à la relocalisation. Face à l’atomisation, il propose la communautarisation. À l’esprit matérialiste, il oppose la force du spirituel. Sa révolution se veut conservatrice. Ainsi que le rappelle Alain de Benoist :
« La bonne société n’est pas fondamentalement celle qui donne des moyens d’existence ; c’est celle qui donne des raisons de vivre, c’est-à-dire du sens ».
Après une telle lecture, que faire ? Prendre conscience que chacun de nos actes participe à la formation du monde de demain. Être cohérent avec ses valeurs et donner du sens aux évènements du quotidien, c’est-à-dire des raisons de les vivre d’une manière singulière. Soutenir pleinement les initiatives de bon sens. Plus important encore, faire vivre le feu de nos traditions et de notre peuple, conserver un cœur fidèle à ses ancêtres et rebelle à ses ennemis. Telle est la mission que Julien Langella confie à ses lecteurs.
Pour résumer cette courageuse ambition, à l’heure des postures médiatiques et impostures électorales, une citation du poète Fréderic Mistral, également mise en exergue de l’ouvrage :
« Il ne s’agit pas seulement de faire une majorité électorale, il s’agit de refaire un peuple. »
Ce à quoi répond Langella dans son livre en forme de manifeste : « Dans ces conditions, il n’y a qu’un seul mot d’ordre : reconquête ! »
Hugo Le Bougnat – Promotion Leonidas
Refaire un peuple – Pour un populisme radical, par Julien Langella, La Nouvelle Librairie, 2021, 368 p., 22,50 €.