La guerre d’Espagne et ses mensonges
On ne le sait que trop : lorsque certaines idées s’incrustent dans l’imaginaire collectif, il est extrêmement difficile de les en arracher.
Les mythes de la guerre d’Espagne, 1936-1939, de l’historien espagnol Pío Moa, qui a eu un succès retentissant en Espagne, vient enfin d’être traduit en français aux Éditions L’Artilleur. L’ouvrage est précédé d’une remarquable introduction écrite par Arnaud Imatz. Javier Portella nous explique ici les raisons du succès et l’importance d’un tel ouvrage.
On ne le sait que trop : lorsque certaines idées s’incrustent dans l’imaginaire collectif, il est extrêmement difficile de les en arracher. L’une de ces idées concerne, aussi bien en Espagne qu’ailleurs, les origines du régime de Franco. Elle consiste en ceci : le franquisme, comme on le sait, a été un régime autoritaire, une dictature – « abominable », ajoute-t-on avant de sortir le grand mot fourre-tout : « bref, un régime fasciste ». Et puisqu’un tel régime a découlé du soulèvement militaire de 1936 et de la guerre civile qui s’en est suivie, la conclusion tombe de tout son poids : la République espagnole contre laquelle les militaires (des brutes « anti-démocratiques » et « fascistes », donc) se sont soulevés, était un régime aussi « démocratique » que « favorable aux intérêts du peuple ».
Qu’il n’en est rien, que c’est là un mythe grossier qu’il convient de démonter, c’est ce à quoi s’emploie Pío Moa avec Les mythes de la guerre d’Espagne, récemment traduit en français.
Disons-le tout net : l’enjeu, au moment où Franco et ses camarades d’armes se soulevèrent contre la République n’était nullement le renversement d’un régime démocratique pour établir à sa place un pouvoir autoritaire. L’enjeu était tout autre : empêcher la révolution bolchevique qui était à l’œuvre depuis au moins deux ans déjà.
Nous laissons au lecteur le plaisir de découvrir les mythes sur lesquels ce mensonge historique repose et que Pío Moa s’emploie à démolir dans cet ouvrage. Nous nous bornerons donc à en énumérer les principaux : les nombreux attentats, avec incendie d’églises et centres religieux, que les forces de gauche commirent depuis l’instauration même de la République en 1931 ; la grande fraude électorale lors des élections de février 1936 qui donnèrent le pouvoir au Front Populaire ; et, surtout, le coup d’état révolutionnaire perpétré par la gauche en octobre 1934 et qui, ayant échoué dans l’ensemble du pays, ne réussit que dans les Asturies, où une mini-guerre civile se déroula pendant plusieurs semaines.
Aucun doute n’était permis en 1936 : seul un soulèvement militaire pouvait empêcher la débâcle. Celle que Francisco Largo Caballero, le chef du Parti Socialiste – connu d’ailleurs comme le « Lénine espagnol » – avait annoncée depuis des années à d’innombrables reprises, par exemple, quand il prédisait en février 1936 que « très bientôt, l’Espagne sera devenue soviétique ».
La situation révolutionnaire dans laquelle sombrait l’Espagne était devenue si inquiétante à la veille du soulèvement militaire que celui-ci ne pouvait rester un simple putsch. Il entraîna avec lui un puissant mouvement social : celui de toute une partie du pays qui ne se résignait pas à mourir.
Comment est-il possible, se demandera-t-on, qu’une telle remise en question de l’historiographie relative à la guerre d’Espagne n’ait pas été entendue plus tôt ? En réalité, il n’a pas fallu attendre Pío Moa pour qu’un tel propos soit livré au public : l’essentiel de ces idées avait déjà été exprimé par les historiens franquistes eux-mêmes. La grande nouveauté de Pío Moa – d’où l’extraordinaire succès de ses livres en Espagne –, tient à ses origines politiques : ancien militant d’extrême-gauche dans les dernières années du franquisme, il le combattit ardemment pour finir, des années plus tard, par en estimer l’essentiel de sa trajectoire.
Avec Les mythes de la guerre d’Espagne, nous disposons d’un ouvrage décisif ébranlant l’un des grands lieux communs de la bienpensance historique.