Il y a 13 siècles, le premier épisode de la Reconquista ibérique
À l'occasion de la commémoration des 1 300 ans de la bataille de Covadonga, l'Institut Iliade prendra la parole à Oviedo le vendredi 27 mai prochain. Philippe Conrad, notre président, évoquera la Reconquista ; Éric Lesage, stagiaire de la promotion Tolkien, parlera au nom de cette jeunesse européenne qui souhaite reconquérir son identité.
Magnifié par la tradition catholique – qui rend grâce à la Vierge de la victoire chrétienne – ou contesté par certains historiens critiques demeurés réticents à admettre le « récit national » fondé sur la lutte contre l’envahisseur musulman, le combat de Covadonga demeure l’événement fondateur d’une reconquête qui ne se conclura que près de huit siècles plus tard avec la prise de Grenade.
Les informations fournies par les chroniques du IXème siècle permettent de reconstituer les circonstances de l’affrontement et d’évaluer son importance. Noble wisigoth, Pelayo s’est replié dans les zones montagneuses du nord après la défaite du roi Roderic, tué en 711 lors de la bataille du Guadalete. Quand un gouverneur musulman du nom de Munuza s’est installé à Gijon, il a été envoyé comme otage à Cordoue pour garantir la tranquillité de la région. La tradition veut également que Munuza ait voulu épouser la sœur de Pelayo, hostile à cette union. Durant l’été 717, ce dernier parvient à s’enfuir de Cordoue et s’impose à la fin de l’année suivante comme chef de la résistance asturienne… On a longtemps cru qu’il s’était mis à la tête du parti goth réfugié dans les Asturies mais le grand médiéviste Claudio Sanchez Albornoz a montré qu’il s’est surtout appuyé sur les populations autochtones, rebelles à l’autorité des nouveaux maîtres de l’Espagne.
L’existence de cette dissidence locale conduit le gouverneur Anbasa à envoyer vers les Asturies une expédition commandée par Alqama et accompagnée par l’archevêque de Tolède Oppas, rallié à un clan wisigoth prêt à composer avec l’envahisseur et chargé de prêcher la soumission aux rebelles. L’offensive musulmane semble victorieuse mais, le 28 mai 722, Alqama tombe dans une embuscade meurtrière à Covadonga, dans le réduit montagneux des Picos de Europa. Un glissement de terrain survenu peu après pour compléter la défaite musulmane aurait donné une dimension miraculeuse à l’événement dont l’importance stratégique apparaît bien faible mais qui représente en revanche sur le plan moral, un tournant décisif. Alqama est tué, Oppas est fait prisonnier et Munuza est contraint d’évacuer la région, non sans subir une nouvelle attaque au cours de sa retraite.
Pelayo quitte dès lors son refuge montagnard pour s’installer à Cangas de Onis, la première « capitale » du futur royaume asturien, et fait alliance avec Pedro, le duc wisigoth de Cantabrie. Quand il meurt en 737, c’est son fils Fafila qui lui succède mais il est tué deux ans plus tard lors d’une chasse à l’ours. C’est alors qu’Alphonse, fils du duc Pedro et gendre de Pelayo, le remplace et repousse en 740 une nouvelle expédition musulmane. Il ne s’agit encore que d’une dissidence montagnarde localisée qui ne retient guère l’attention des maîtres de Cordoue, mais la victoire de Covadonga va prendre au fil du temps, dans la mémoire asturo-léonaise puis castillane, la dimension d’un mythe fondateur de la future Reconquête…
Philippe Conrad
En 722 , il y a 1300 ans , le roi Pelage bloquait l’ avancée musulmane a Covadonga dans les monts cantabriques ( aujourd’hui pics d’Europe) . Philippe Conrad et l’@InstitutILIADE participeront à la commémoration de l’événement le 27 mai prochain. pic.twitter.com/HF3NGSyUgn
— Jean-Yves Le Gallou (@jylgallou) May 10, 2022