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Le réalisme politique au scanner

Dans cet ouvrage, Antoine Dresse décrit l’essence du réalisme politique à travers l’analyse de trois auteurs essentiels. Pour eux, c’est avant tout une orientation du regard fondée sur la compréhension de la nature humaine, compréhension qui le distingue des doctrines telles que le libéralisme, le marxisme ou l’anarchisme.

Le réalisme politique au scanner

On sait – ou on devrait savoir ! – que l’Institut Iliade publie aux éditions de la Nouvelle Librairie, toujours joignables par internet dans l’intérim entre deux adresses physiques, une collection intitulée Longue mémoire. Les ouvrages publiés sont matériellement petits (quelques 68 ou 72 pages), mais certainement pas insignifiants par le contenu.  Chose non désagréable : ils sont aussi élégants. Dans un des tout derniers ouvrages de cette collection, Antoine Dresse (Ego non dans ses vidéos), jeune philosophe et essayiste, aborde la question du réalisme politique. Il s’appuie pour cela sur trois auteurs, mais en évoque aussi d’autres. Les trois auteurs sont évidemment centraux sur cette question. Il s’agit de Nicolas Machiavel, Thomas Hobbes, Carl Schmitt.

Le réalisme politique consiste à considérer le politique dans son essence. Le politique a ses lois, qui ne sont pas celles de l’économie, ni du droit, ni de la morale. Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas de liens entre ces sphères, mais que les logiques se recoupent rarement.  Le réalisme politique n’est pas une doctrine, comme le sont le libéralisme, le marxisme, l’anarchisme, etc. C’est plus simplement, et plus fondamentalement, une orientation du regard. Si on veut agir en politique, il faut partir de la nature du politique, et donc de la nature humaine. L’homme a une part d’intéressement dans son comportement, et une part d’altruisme. L’homme peut être « un loup pour l’homme », tout comme il peut être « un dieu pour l’homme » (c’est du reste le moins que l’on puisse dire dans une société marquée par le christianisme).

Il est un être social, mais pas naturellement un être strictement dévoué au service du bien commun. À partir de là, c’est-à-dire à partir des réalités, on peut développer des projets, on peut favoriser des inflexions, on peut mettre en place des politiques, justement, qui favorisent le bien commun, mais si on ignore ces réalités, on va, pour le dire d’une manière célinienne, au casse-pipe. Exemple : si on pense que les défauts des hommes (se servir avant de servir) sont uniquement liés au capitalisme, on n’aboutira strictement à rien. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’excellentes raisons de combattre le règne du Capital !

Le marxisme a envisagé une fin du politique (ou au moins de l’État) par la suppression des conflictualités de classes. Mais il y a d’autres conflictualités, quand bien même cette hypothèse de la fin de la lutte des classes – et donc des classes – serait retenue, ce qui n’est guère réaliste. Or, dès qu’il y a conflictualité, intérieure et extérieure aux peuples, aux nations, aux ethnies, aux civilisations, il y a politique. Que le politique ne soit pas la même chose que l’État, il faut le rappeler. L’État n’est qu’un élément du politique. À l’époque moderne, cela fut son couronnement. À notre époque postmoderne, l’État apparaît géré comme une grande entreprise. Mais c’est tout de même une entreprise bien particulière, au nom de laquelle on peut envoyer se faire tuer « des types à Odessa » (Macron). Voire faire pire : achever le suicide de l’Europe.

Le politique ne relève pas des gesticulations et des images. C’est une éthique de la responsabilité. Rien n’est pire, et c’est ce qui menace les États faillis (qui n’assument plus le régalien), que de mettre la politique extérieure au service de buts intérieurs, quand on est en échec dans ce domaine. Le politique ne consiste pas à prendre les hommes pour ce qu’ils ne sont pas, ou à vouloir les faire devenir meilleurs, en changeant la nature humaine. Il consiste à prendre les hommes comme ils sont. Ensuite, bien entendu, une tâche du politique peut être de sélectionner les meilleurs pour que leur activité soit au service du bien commun ou au moins ne soit pas contraire au bien commun. Il ne faut pas oublier qu’il y a aussi une excellence dans le gangstérisme ou la prévarication. C’est la mission du politique de faire en sorte que soient récompensées les excellences compatibles avec l’intérêt général, et pas les autres !

Et bien entendu, sans changer la nature humaine, on doit attendre du politique qu’il tire la société vers le haut, en mettant en avant des exemplarités aussi bien éthiques qu’esthétiques. Je suis encore d’une génération où l’école nous apprenait à admirer le petit Bara et le petit Viala. Sombre époque que celle où l’on nous apprend surtout à pleurnicher sur la mort de telle ou telle jeune canaille à l’issue d’une de ses cavales.  C’est sur tout cela qu’Antoine Dresse attire notre attention, avec ses qualités coutumières de pédagogie, de sens des liens entre les idées, et d’esprit de synthèse. Les coutumes ont du bon !

Pierre Le Vigan

Antoine Dresse, Le réalisme politique. Principes et présupposés, éditions La Nouvelle Librairie, 9 €

Pierre Le Vigan vient de publier Nietzsche, un Européen face au nihilisme (ISBN 978-2-491020-06-4) 14,99 € ainsi que, tout récemment, Les Démons de la déconstruction. Derrida, Lévinas, Sartre. Suivi de « Se sauver de la déconstruction avec Heidegger » (ISBN 978-2-491020-09-5) 19,99 €. Ed. La Barque d’Or, disponible sur amazon.fr.