Institut ILIADE
Institut Iliade

Accueil | Les jeudis de l'ILIADE | Une éthique guerrière pour aujourd’hui

Une éthique guerrière pour aujourd’hui

Les Jeudis de l'Iliade du 3 novembre 2022. Une éthique guerrière pour aujourd’hui. L’appel à la jeunesse de Dominique Venner, par Solenn Marty.

Une éthique guerrière pour aujourd’hui

Il y a bientôt 10 ans, dans un geste de protestation et de fondation, Dominique Venner se donnait la mort à Notre-Dame.

Au lendemain de sa disparition, Un samouraï d’Occident venait éclairer son geste. Un appel à la rupture et à l’action, pour sortir l’Europe de sa « dormition » et rendre aux nouvelles générations la fierté de leur identité, l’envie de la défendre, la force de la faire vivre. Un appel à la jeunesse, qui est l’avenir et la force de notre civilisation, mais aussi un bréviaire des insoumis pour éclairer leurs pas. Aujourd’hui, qu’en est-il ? Comment la jeunesse peut-elle entendre le discours de Dominique Venner ? Comment s’en inspirer ?

Un ouvrage essentiel et intemporel qui propose une nouvelle éthique guerrière, mais qui sera aussi l’occasion d’échanger sur le sens et les perspectives de notre combat !

Texte intégral

La réédition du Samouraï d’Occident, qui nous réunit aujourd’hui, était une occasion inévitable pour l’Institut Iliade d’évoquer une figure tutélaire à laquelle il doit son existence. Comme vous le savez sûrement, Dominique Venner, auteur entre autres du Cœur rebelle, de la Critique positive ou d’Histoire et Tradition des Européens, est en quelque sorte le fondateur posthume de l’Institut Iliade pour la Longue Mémoire Européenne, qu’il avait chargé quatre amis de fonder avant d’aller à Notre-Dame le 21 mai 2013. Car c’est bien dans un acte de protestation et de fondation que Dominique Venner s’est donné la mort, comme le révèle la lettre qu’il nous a laissée à cette occasion et qui parle d’elle-même. Cette lettre est significative, actuelle, et l’ouvrage qui est présenté aujourd’hui en est surtout la continuité :

« Je suis sain de corps et d’esprit, et suis comblé d’amour par ma femme et mes enfants. J’aime la vie et n’attends rien au-delà, sinon la perpétuation de ma race et de mon esprit. Pourtant, au soir de cette vie, devant des périls immenses pour ma patrie française et européenne, je me sens le devoir d’agir tant que j’en ai encore la force. Je crois nécessaire de me sacrifier pour rompre la léthargie qui nous accable. J’offre ce qui me reste de vie dans une intention de protestation et de fondation. Je choisis un lieu hautement symbolique, la cathédrale Notre-Dame de Paris que je respecte et admire, elle qui fut édifiée par le génie de mes aïeux sur des lieux de cultes plus anciens, rappelant nos origines immémoriales.
Alors que tant d’hommes se font les esclaves de leur vie, mon geste incarne une éthique de la volonté. Je me donne la mort afin de réveiller les consciences assoupies. Je m’insurge contre la fatalité. Je m’insurge contre les poisons de l’âme et contre les désirs individuels envahissants qui détruisent nos ancrages identitaires et notamment la famille, socle intime de notre civilisation multimillénaire. Alors que je défends l’identité de tous les peuples chez eux, je m’insurge aussi contre le crime visant au remplacement de nos populations.
Le discours dominant ne pouvant sortir de ses ambiguïtés toxiques, il appartient aux Européens d’en tirer les conséquences. À défaut de posséder une religion identitaire à laquelle nous amarrer, nous avons en partage depuis Homère une mémoire propre, dépôt de toutes les valeurs sur lesquelles refonder notre future renaissance en rupture avec la métaphysique de l’illimité, source néfaste de toutes les dérives modernes.
Je demande pardon par avance à tous ceux que ma mort fera souffrir, et d’abord à ma femme, à mes enfants et petits-enfants, ainsi qu’à mes amis et fidèles. Mais, une fois estompé le choc de la douleur, je ne doute pas que les uns et les autres comprendront le sens de mon geste et transcenderont leur peine en fierté. Je souhaite que ceux-là se concertent pour durer. Ils trouveront dans mes écrits récents la préfiguration et l’explication de mon geste. »

***

Cela fait presque 10 ans que Dominique Venner s’est donné la mort. Comme le dit Machiavel, « Tous les 10 ans, un peuple a besoin de retremper son âme. » Ces 10 ans sont donc l’occasion d’un rappel, d’un bilan en quelque sorte mais surtout d’une nouvelle prise de perspective, d’un nouvel entrain.

Avant de continuer, il faut donc présenter – ou du moins essayer de présenter – Dominique Venner, en quelques mots. Lors des entretiens qui ont été réalisés avec ses proches et ses camarades, nous leur avions demandé de nous donner les trois mots qui leur venaient à l’esprit pour résumer la vie de Dominique Venner… vaste entreprise ! Mais il était assez frappant de remarquer la concordance des réponses. Honneur, tradition, fidélité. Honneur, identité, fidélité. Découlent ensuite de cette première ligne toutes les notions de permanence, de cohérence ou courage… Et ce malgré des périodes de vie extrêmement variées, alternant militantisme politique, recours aux forêts, ou encore méditation sur l’histoire.

Jean-Yves Le Gallou résume cela de manière assez juste dans la préface au deuxième volume des Carnets rebelles publiés par la Nouvelle Librairie :

« Chez Dominique, le volontarisme est affirmé en permanence quel que soit son âge. Il meurt jeune d’esprit et c’est à la jeunesse qu’il s’adresse. Derrière ou par-dessus l’historien méditatif, le journaliste engagé, le digne héritier de la Révolution conservatrice marqué par les figures de Stauffenberg, von Salomon ou Jünger, c’est d’abord et avant tout un soldat qui se dresse face à nous depuis ce 21 mai, d’abord et avant tout un combattant. Si le grand penseur de l’identité est vraisemblablement Samuel Huntington, alors le grand poète, le chantre ou le barde de l’identité, c’est sans nul doute Dominique Venner. »

Que l’on parle de l’historien, de l’activiste, du spécialiste des armes, du penseur de l’identité, ou du jeune homme parti en Algérie à 17 ans, le principal est déjà là : le combat pour l’identité, pour le maintien de nos traditions et la conscience de notre longue mémoire. Si la vie de Drieu a été orientée vers la création des « États-Unis d’Europe », on peut dire que celle de Dominique Venner l’a été par le réveil de la conscience identitaire des Européens. Reprenons les mots de Thierry Maulnier évoquant le suicide de Moeller von der Bruck : « Il était de la race de ceux qui préfèrent à la mort la victoire, et en mourant, c’est la victoire des siens qu’il prétendait corriger. Il n’a pas conçu son suicide comme une renonciation, mais comme une préparation, non comme une fin, mais comme un germe. Il a voulu qu’il fût une provocation à l’espérance et à l’émeute. ».

***

Cette présentation n’est pas un résumé de l’ouvrage. Ce serait inintéressant et vous pouvez lire le livre. Ni une étude intellectuelle de la pensée de Dominique Venner. D’une, parce que je n’en ai pas la prétention et de deux, parce que ce n’est pas l’objectif non-plus. Je vais donc insister sur trois points à mon sens fondamentaux que soulève Le Samouraï d’Occident :

  • La nécessité d’un retour aux sources de notre identité : savoir d’où l’on vient pour savoir où l’on va
  • Le modèle d’une éthique guerrière, à la fois actuelle et intemporelle
  • L’appel à la jeunesse (Dominique Venner est loin d’être un historien poussiéreux qui aurait eu la prétention de réunir des cercles d’érudits à la retraite.)

Un retour aux sources de notre identité… Savoir d’où l’on vient pour savoir où l’on va

Que ce soit dans le Samouraï d’Occident ou dans ses écrits précédents, Dominique Venner a régulièrement cette formule : « Combattre ce qui me nie ». Voilà selon lui le principe d’une vie et le sens de notre combat.

Combattre ce qui me nie, c’est combattre certes un ennemi extérieur mais c’est combattre aussi un ennemi intérieur. C’est nourrir – chaque jour et à chaque instant – une identité, une tradition qui meurt si on ne la maintient pas, qui meurt si on ne la transmet pas. Comme l’écrit Armand Berger dans son livre sur Tolkien paru dans la collection Longue Mémoire : « La tradition tient du choix : la transmettre, assurer sa relève et maintenir le patrimoine vivant, ou bien la laisser disparaître dans le nihilisme. S’il n’y a plus de tradition, nous renonçons à ce que nous sommes et nous laissons le champ libre à toutes les dérives que le monde engendre au quotidien ».

Cette tradition, selon Dominique Venner, trouve son fondement, son essence, dans l’œuvre d’Homère. De nombreuses pages du Samouraï y font référence et sont un appel à la lecture – ou à la relecture – de l’Iliade, qui est finalement le condensé de l’identité européenne, l’ouvrage vers lequel se tourner pour trouver les modèles qui nous permettront de rester nous-même jusqu’au dernier instant. Pour Venner, les poèmes homériques sont ainsi le socle de la civilisation européenne, sa source intellectuelle, spirituelle et identitaire.

Lire Homère, c’est aussi s’imprégner de la triade homérique, qui irrigue la pensée de Dominique Venner mais qui irrigue surtout l’Europe, l’histoire européenne, dont il se veut le réveilleur et le passeur de flambeau… Car il est évident qu’on ne lit pas les livres de Dominique Venner par simple logique de parti, ou pour suivre un quelconque gourou politique. La lecture de Dominique Venner est une lecture pour la compréhension de notre histoire et de notre identité, une lecture pour comprendre l’Europe.

Cette Europe, nous la comprenons et nous la vivons à travers la triade homérique, sous-titre au livre Le réveil européen, publié dans la collection Iliade : La nature comme socle, l’excellence comme but, la beauté comme horizon. Le reste vient de là, depuis 30 000 ans… On lit ainsi dans le Samouraï d’Occident : « Aux Européens, le poète fondateur rappelle qu’ils ne sont pas nés d’hier. Il leur lègue le socle de leur identité, la première expression parfaite d’un patrimoine éthique et esthétique qu’il tenait lui-même en héritage et qu’il a sublimé de façon que l’on dirait divine. Les principes qu’il a fait vivre par ses personnages n’ont pas cessé de renaître jusqu’à nous, montrant que le fil secret de notre tradition ne pouvait être rompu. Ainsi l’avenir prend-il racine dans la mémoire du passé ».

En présentant les choses ainsi, Dominique Venner nous invite en quelque sorte à une seconde Révolution Conservatrice. Cette Révolution Conservatrice s’inscrit dans une démarche d’action ; elle n’est pas seulement une opposition au monde moderne, tel que le perçoit Charles Péguy lorsqu’il dit : « Le monde moderne avilit. Il avilit la cité ; il avilit l’homme. Il avilit l’amour ; il avilit la femme. Il avilit la race ; il avilit l’enfant. Il avilit la nation ; il avilit la famille […], il avilit la mort. ». Ce constat, Dominique Venner le partage – c’est une certitude – mais il va au-delà, témoignant de ce qu’il nomme lui-même sa « foi indestructible dans la permanence de la tradition européenne ».

Un objectif claire : être et durer, transmettre et exister, transmettre pour exister. Renouer avec l’Europe, avec ses traditions, sa spiritualité, ses racines. Renouer avec ce qui dure malgré l’évolution du temps, conformément à la définition de la tradition, proposée par Dominique Venner :

« La tradition telle que je l’entends n’est pas le passé, mais au contraire ce qui ne passe pas et revient toujours sous des formes différentes. Elle désigne l’essence d’une civilisation sur la très longue durée, ce qui résiste au temps et survit aux influences perturbatrices des religions, des modes et des idéologies importées. »

Ce qu’il convient de comprendre, c’est cette vision dynamique de la tradition, qui implique nécessairement l’action et la protection par ceux qui s’en réclament. Notre objectif n’est pas de bâtir des musées européens, qui feraient l’étalage de ce que nous avons perdu. Notre objectif n’est pas de vénérer des cendres, mais d’allumer des feux, de transmettre une flamme. Car l’essence d’une civilisation ou d’une culture repose sur des valeurs esthétiques et éthiques vivantes, qui structurent des comportements et des représentations incarnéees. Si cette culture est aujourd’hui en « dormition » pour paraphraser Dominique Venner, rappelons-nous qu’elle a aussi « l’éternité pour elle ». Tant qu’il reste un peuple, notre civilisation peut donc se réveiller.

Petit aparté, afin d’éviter les équivoques… Cette civilisation endormie qu’évoque Dominique Venner est bien la civilisation européenne. Son discours n’est pas une désolation devant le déclin du confort de la civilisation occidentale, matérialiste et universaliste. Ce déclin-là est un déclin qu’il appelle très largement de ses vœux, puisqu’il est la condition de notre réveil, du retour de notre puissance.

Une éthique guerrière actuelle car intemporelle…

Le projet porté par Dominique Venner s’inscrit dans une recherche de sens, une recherche d’essence, mais aussi dans la revendication d’une vision du monde avant tout esthétique, animée par l’intime conviction qu’éthique et esthétique ne font qu’un.

Alors pourquoi une éthique guerrière ? Certes, la situation actuelle pourrait peut-être justifier la perspective de cette terminologie. Certes, la guerre peut être une expérience formatrice pour un homme, comme elle l’a été pour lui en Algérie, mais il ne s’agit de faire une apologie bête de la guerre. Dominique Venner rappelle avant tout dans le Samouraï d’Occident que le premier épisode de la littérature européenne, L’Iliade, s’ouvre sur un récit de guerre, dont l’influence sur notre rapport au monde est centrale, dans ce qu’elle permet de véhiculer en termes de valeurs, d’éthique et de beauté.

Ce que promeut Dominique Venner, c’est avant tout une éthique et une attitude, qu’il traduit en ces mots : « Être à soi-même sa propre norme, par fidélité à une norme supérieure ».

« Préférer à jamais la solitude et la mort avec les hommes libres au triomphe parmi les esclaves. »

Quelles qu’en soient l’intensité et les formes, le monde contemporain nous place dans une situation de dissident, de rebelle pour reprendre les termes de Jünger et donc dans une logique d’affrontement. Mais l’éthique que nous nous fixons a une valeur au-delà de cet affrontement.

Dans ses Carnets rebelles, Dominique Venner évoque le souvenir des défilés de soldats allemands dans les rues de Paris à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, alors qu’il n’a que 10 ans, et précise qu’au-delà de l’idéologie, l’admiration qu’il ressent à l’époque est une admiration esthétique pour ces soldats qui ont la tête haute et l’uniforme soigné. Il le dit lui-même : « Ce que voient certains enfants compte plus dans l’alchimie secrète de leur formation que ne l’imaginent les adultes ». Expérience marquante, structurante, qui révèle bien que le combat n’est pas un combat pour des idées, mais un combat pour une vision du monde. Un combat pour une terre, un peuple, sa force, ses mythes et ses représentations. En somme, un combat existentiel. Un combat pour la défense d’une identité, qui est vécue et observable.

Beauté, fierté, rectitude… Dominique Venner appelle à une éthique de la tenue qui se manifeste au quotidien, témoignant de l’effort sans relâche que nécessite le combat. Et ce combat n’est pas uniquement sur les champs de bataille. Si l’Europe est sortie de l’horizon de la guerre à la fin de la Seconde Guerre mondiale, il reste que la lutte est de toute façon inhérente à la vie. Il a à cet égard cette magnifique formule que l’on retrouve notamment dans le deuxième volume des Carnets rebelles, lorsqu’il écrit qu’il s’agit d’une « nécessité intérieure ». L’éthique de Dominique Venner est aussi une exaltation de l’ordre et de la beauté, en accord avec la nature : la promotion d’un certain type d’hommes et de femmes conformes à une certaine vision de notre civilisation, incarnant des valeurs immuables que sont l’honneur, le courage, la force et la fidélité.

Il propose ainsi une approche totale de l’être, prônant un idéal aristocratique à travers l’éthique de la tenue : cohérence du corps, de l’âme et de l’esprit, reprenant les fondements toujours actuels du comportement des vieux Romains :

  • Gravitas: la grandeur d’âme
  • Virtus: le courage
  • Dignitas: l’honneur

Mais il ne s’agit pas, chez Dominique Venner, d’un discours doctrinaire avec une liste de commandements absolus, dont découleraient des peines éternelles. Il s’agit d’une attitude face à la vie, empreinte d’inspirations multiples. Ce sont plus des types d’hommes que des idées qui importent dans le fond. Ce respect de l’ennemi, cette reconnaissance de la valeur des hommes, passe notamment par l’importance accordée à l’action. Le Samouraï d’Occident s’achève en effet sur ces mots : « L’effort intense de refondation doit être authentifié par des actes ».

Un Samouraï d’Occident. Titre signifiant…

La question de l’action permet d’évoquer le titre peut-être surprenant de l’ouvrage. Pourquoi parler du samouraï alors que l’Europe a ses chevaliers et que Dominique Venner les met régulièrement sur le même plan ? Il est certain que l’acte du seppuku et sa symbolique n’y sont pas pour rien. Mais le plus important est certainement dans l’application du Bushido – ce code des valeurs morales observées par les guerriers japonais.

Le Bushido – la « voie du guerrier » en japonais – n’est pas un code avec des règles figées mais un do, une voie, une éthique de vie et de comportement. Inspiration qui ne pouvait que parler à Dominique Venner, habité par cette éthique de la tenue et de la retenue. L’inspiration japonaise apporte du même coup cette clarté, cette inflexibilité devant la mort, qui, sans faire une apologie du suicide, traduit ce culte de l’action. Il écrit ainsi à propos des samouraïs : « Ils pensaient qu’un seul acte en dit bien plus long que le plus long discours, car le discours peut mentir ». Car finalement, on est ce que l’on fait. Et il me semble que c’est une leçon importante du Samouraï d’Occident : il ne sert à rien de bien penser pour penser, sans jamais écrire ni parler, comme il ne sert à rien d’écrire ou de parler si l’on ne met en actes ses propos.

Ce culte de l’action découle d’une confiance dans la volonté. Confiance qui revient à savoir que tout ne dépend pas de nous, que nous sommes soumis aux lois de la nature, à l’imprévu de l’histoire et à notre condition humaine mais que notre condition humaine est aussi une force. Que notre maîtrise et notre cohérence, en revanche, ne dépendent que de nous. Et de facto, nos incohérences ne sont que le résultat de nos choix ou de notre refus de choisir, qui est en lui-même un choix, choix de faiblesse mais choix quand même. On pourrait donc retenir cette phrase de l’empereur stoïcien Marc Aurèle : « Si tu es soumis au hasard, ne sois pas toi-même un objet de hasard. ». En d’autres termes, soit cohérent ; aies en toi cette ligne directrice, ce fil rouge du début à la fin.

Un appel à la jeunesse…

Nous avions intitulé ce 26e jeudi de l’Iliade « L’appel à la jeunesse de Dominique Venner ».

Intervenant auprès d’un groupe de jeunes dans les années 1970, soit quarante ans avant sa mort, Dominique Venner disait déjà à celui qui avait organisé cette réunion : « Dorénavant, à l’âge que j’ai, je ne m’adresse maintenant qu’aux jeunes. C’est l’avenir. Ça ne sert à rien de faire des conférences à des vieux qui ne sont pas l’avenir. »

Que le lecteur plus âgé ne soit pas froissé… La jeunesse chez Dominique Venner est aussi un état d’esprit, dont certains de ses plus proches camarades disent par ailleurs qu’il n’a jamais guéri ! État d’esprit qu’il nous invite à cultiver par fidélité – et c’est une expression qu’il utilise souvent dans ses Carnets – fidélité à « l’image que l’on s’est faite de soi ». En bref, fidélité à ses idéaux, qui revient à vivre comme on pense plutôt que de penser comme on vit.

Cet appel à la jeunesse est évidemment aussi un appel aux plus jeunes – au sens strict du mot – puisqu’ils sont la force vive du combat. En 2013, lorsqu’il se donne la mort à Notre-Dame, c’est donc dans un désir de mobilisation, fidèle à cette intuition partagée avec une vision à la fois romantique et brutale de l’existence : le mythe de la jeunesse, la conviction de sa force et du pouvoir qui émane de sa volonté.

Et c’est à la jeunesse que s’adresse Le Samouraï d’Occident, bréviaire pour les insoumis comme il est sous-titré. Il vise en réalité à lui offrir, malgré l’effondrement des connaissances, des références et des structures traditionnelles de nos sociétés, un noyau, une colonne vertébrale à laquelle se référer. Colonne vertébrale qui doit animer notre action ; quels que soient les choix en apparence divergents auxquels elle puisse mener. Dans le fond, ce que propose le Samouraï d’Occident, en étant à la frontière entre le livre d’histoire, le manuel de combat, et le testament éthique, c’est à la fois une ligne de conduite et une échelle de valeurs accessibles à un enfant de 10 ans, parce que fondés sur une vision esthétique, une vision éthique. Et cette vision constitue le fondement de notre rapport au monde, à la nature, au temps, à l’effort, à l’amour ou à la guerre. Vision qui transcende aussi notre approche complémentaire des contraires : homme/femme, limite/grandeur, nature/technique… On pourrait continuer cette liste longtemps tellement l’approche est totale et englobante.

L’idée de l’ouvrage est en somme de rappeler aux jeunes – et moins jeunes – Européens ce que nous sommes, ce qui fait le fondement, l’essence de notre identité, raison qui nous oblige à un combat permanent.

Cet appel est un appel à l’action, un appel au ressourcement dans nos textes fondateurs, un appel à l’incarnation de l’être au monde européen (sujet du prochain colloque de l’Institut Iliade) et un appel à la fierté, à relever la tête.

Conclusion : Pourquoi lire le Samouraï d’Occident ?

Le samouraï d’Occident – livre testament, dont l’éditeur de la première version disait qu’il éclairerait peut-être le geste de Dominique Venner… sûrement un peu prétentieux mais pas complètement faux. Il nous livre une boussole en temps troublés, un manuel de combat qui vient en quelque sorte parachever le premier essai que fût la Critique positive, dans une démarche d’action, d’avenir et de transmission, en reprenant les bases historiques et anthropologiques qui font la substantifique moelle de notre identité.

En effet, si c’est un manuel de combat, ce n’est pas parce qu’il donnerait des stratégies précises à appliquer à la lettre mais parce qu’il offre une clef de compréhension du monde, un guide intellectuel, spirituel pour toujours garder à l’esprit l’issue souhaitée quels que soient les aléas et les circonstances. C’est une prise de hauteur. Il nous donne des perspectives, une voie, et surtout une colonne vertébrale à laquelle se référer dans un combat non seulement politique et métapolitique mais surtout et avant tout intérieur. Combat avec nous-même, pour revenir à nous-même – ce qui était finalement le vœu de Dominique Venner – : « Redevenir maître de soi et maître chez soi, tel est l’espoir. Pouvoir regarder ses enfants sans blêmir de honte, et, le jour venu, quitter la vie en sachant l’héritage assuré. »

Réaliser ainsi ce que l’auteur de Citadelle fréquemment cité, nomme « l’instinct essentiel de permanence ». Permanence qui est à la fois tradition et fidélité, à nous-même, à nos camarades, à nos pères et à nos enfants. Il s’agit de renouer avec une façon unique d’être des hommes et des femmes, devant la vie, la mort, l’amour, la cité et le destin, autrement dit « le contenu et le sens de notre existence », avec la conscience et la certitude de notre identité, qu’entend transmettre ce livre.

Car comme l’écrit Ernst Jünger dans Le Travailleur, « Plus nous nous vouons au changement, plus nous devons être intimement persuadés que se cache derrière lui un être calme et permanent ». C’est cette permanence active que nous nous donnons comme mission de défendre. Permanence qui est un gage de force afin de combattre ce qui nous nie, de retrouver la puissance intérieure et collective qui nous permette d’accomplir notre destin.

Un samouraï d’Occident est en quelque sorte la traduction accessible du message d’espoir et de volontarisme de Hugo von Hofmannsthal, figure de la Révolution conservatrice : « Le Début et la Fin ne sont qu’une seule et même chose. Et là où tu te dresses est le Tournant des temps »

En espérant avoir réussi à vous transmettre mon intérêt pour la vision de Dominique Venner et notamment pour ce dernier livre que republie enfin la Nouvelle Librairie, je me permettrai donc de finir sur ces lignes de Dominique Venner extraites d’Histoire et tradition des Européens et qui font à mon sens la synthèse de son message :

« Faire une œuvre de vie de ce qui était lettre morte, comprendre ce que l’on est, découvrir comment vivre et agir selon notre tradition, voilà notre tâche. Ce n’est pas seulement un préalable à l’action. La pensée est l’action. Notre monde ne sera pas sauvé par des savants aveugles ou des érudits blasés. Il sera sauvé par des poètes et des combattants, par ceux qui auront forgé « l’épée magique » dont parlait Ernst Jünger, l’épée spirituelle qui fait pâlir les monstres et les tyrans. Notre monde sera sauvé par les veilleurs postés aux frontières du royaume et du temps. »
Dominique Venner, Histoire et tradition des Européens

Solenn Marty

Voir aussi