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Aux origines de la photographie

La photographie est un art éminemment européen. Ses origines, son évolution et son histoire vont de pair avec les avancées techniques qui ont marqué notre civilisation.

Aux origines de la photographie

Depuis sa naissance, la photographie a toujours été considérée comme un parent pauvre de l’Art, contrairement à ses grandes sœurs telles que l’architecture, la musique, la peinture ou la sculpture. Pourtant, la photographie véhicule une véritable expression du beau.

La raison de cette mise à l’écart tient peut-être au caractère « mécanique » et technique de cette invention ou son aspect trop accessible à tout un chacun. Peut-on pourtant décréter que la photographie n’a aucune légitimité pour appartenir à la traditionnelle classification des arts ? Il est vrai que son statut créatif et artistique a été quelque peu mis à mal par sa démocratisation à outrance, notamment sur les réseaux sociaux. Pourtant, rien ne saurait être moins vrai que de cantonner la photographie à ce simple usage du « paraître » virtuel. Elle porte en elle une véritable puissance créatrice. Ses différents genres et ses utilisations se sont déclinés au fil des siècles en passant de l’art du portrait à celui du photoreportage, du paysage à la publicité ou de la nature morte au documentaire. Elle a non seulement été utilisée à des fins purement esthétiques et artistiques, mais également scientifiques, politiques, militaires et commerciales. Son champ d’action est aussi large que les sujets qu’elle permet d’aborder. Cet art est aujourd’hui tellement ancré dans notre quotidien qu’il est facile d’oublier que son destin a été longtemps étroitement lié à celui de l’Europe.

En effet, la photographie est une invention et un art qui sont européens par essence. Son origine, son évolution et son histoire vont de pair avec les avancées techniques qui ont marqué notre civilisation. Les circonstances de sa conception et de sa naissance l’illustrent amplement.

La photographie avant la photographie

L’Homme n’a pas attendu l’invention de la photographie avant de savoir projeter une image. Dès l’Antiquité, il est possible de produire une image en s’appuyant notamment sur les principes de ce qui sera appelé plus tard la camera obscura : la chambre noire. Cette dernière consiste à projeter de la lumière, provenant d’une source externe, dans une pièce sombre, à travers un petit trou appelé sténopé. On obtient ainsi affichée sur le mur ou l’écran de cette chambre noire une image inversée de celle qui est projetée. Cette technique est connue d’Aristote dès le IVe siècle avant Jésus-Christ, puis reprise par le savant perse Ibn Al-Haytham entre 1015 et 1021 dans son Traité d’Optique. Le savant anglais Roger Bacon affirme vers 1250 que les chambres noires peuvent être utilisées afin d’observer les éclipses solaires. À partir de la Renaissance, Léonard de Vinci pense que le sténopé peut s’avérer très utile au peintre afin de l’aider à reproduire des paysages, des portraits ou des scènes de la vie quotidienne en plus petit format.

C’est toutefois l’Italien Giovanni Battista della Porta qui fait connaître à un plus large public les principes de la camera obscura dans la seconde édition de son ouvrage scientifique Magia Naturalis paru en 1589. Il décrit très précisément cette technique et propose de poser une lentille à la place du sténopé afin de l’améliorer. L’Homme est donc capable de capturer la réalité à l’intérieur d’une chambre puis d’une boîte. De nombreuses années de progrès scientifiques réalisés par des savants européens vont permettre non seulement de faire apparaître une image mais aussi de la fixer de façon indéfinie sur un support.

Gravure illustrant le fonctionnement d'une chambre noire. Wikimedia Commons.
Gravure illustrant le fonctionnement d’une chambre noire. Wikimedia Commons.

La photographie, fille de la chimie et de l’optique

Pour parvenir à fixer une image, la solution vient du côté des avancées réalisées en chimie. Dès le Moyen-Âge, des siècles avant la naissance de cette discipline, les alchimistes identifient des substances pouvant réagir à la lumière. Au XIIIe siècle, le dominicain et futur saint catholique Albert le Grand remarque que le nitrate d’argent réagit aux radiations lumineuses.

C’est à partir du XVIIIe siècle que d’importantes découvertes sont réalisées en chimie par des chercheurs européens. En effet, le savant allemand Johann Heinrich Schultze (1687 – 1744) obtient des résultats similaires à ceux d’Albert le Grand en mélangeant de la craie à de l’argent.  En 1777, le chimiste et pharmacien Carl Wilhem Scheele découvre les propriétés photosensibles des sels d’argent, ce qui lui permet de figer une image dans une solution en utilisant la lumière. L’Écossaise Elizabeth Fulhame explore quant à elle plusieurs pistes, dont l’une des plus intéressantes consiste à former des images sur un tissu en utilisant des sels d’or, également sensibles à la lumière. On lui doit en outre la toute première monographie dédiée à ce qui deviendra la photographie, parue en 1794 :  An Essay on Combustion: With a View to a New Art of Dying and Painting.

Exemple de photogramme créé par Thomas Wedgwood à partir de végétaux.
Exemple de photogramme créé par Thomas Wedgwood à partir de végétaux.

C’est enfin avec Thomas Wedgwood (1771 – 1805) que le concept de photographie commence à voir véritablement le jour. Le Britannique reprend les résultats des expériences menées par ses prédécesseurs en inventant le « photogramme » : des objets sont placés sur une surface photosensible et directement exposés à la lumière, laissant de côté les chambres noires. Grâce à ce procédé, Wedgwood est capable de fixer des images… Mais pas encore de manière définitive. Une nouvelle étape importante est tout de même franchie et permet de réunir les ingrédients nécessaires à la naissance de la photographie, ouvrant la voie à des pionniers européens incontournables.

Bibliographie

  • Ian Haydn-Smith, Petite histoire de la Photo, éditions Flammarion, Paris, 2018
  • Juliet Hacking (sd), Tout sur la Photo, éditions Flammarion, Paris, 2012
  • Laurent Poggi, « Les Origines de la photographie » sur photorigines.com

Anne-Sophie – Promotion Léonidas