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Institut Énéide : entretien avec Marco Scatarzi

Le laboratoire d'idées italien Barbadillo salue avec satisfaction la naissance d'un nouveau lieu de réflexion culturelle hors des sentiers battus, dans une période agitée marquée par un nouveau totalitarisme et la fragmentation des idées non conformistes.

Institut Énéide : entretien avec Marco Scatarzi

Marco Scatarzi, éditeur et animateur de l’Institut Énéide. Après plusieurs années de collaboration avec l’Institut Iliade, vous lancez aujourd’hui une initiative italienne. D’où vient la nécessité de promouvoir un nouveau centre culturel chez nous aussi ?

De la merveilleuse expérience française de l’Institut Iliade – né de l’héritage du rituel sacrificiel de Dominique Venner et motivé par la nécessité de préserver et de transmettre la « longue mémoire européenne » – une série d’initiatives ont vu le jour aux quatre coins du continent : le « réveil » souhaité par le Samouraï de l’Occident, vital pour le destin de nos peuples, fait se lever les avant-gardes les plus avancées du monde identitaire. Depuis quelques semaines, c’est avec enthousiasme que les Italiens ont officiellement répondu à l’appel : l’Institut Énéide, dont le nom évoque la profondeur d’une épopée fondatrice, naît de la nécessité de contribuer à la renaissance de l’Europe. Depuis des générations, avec un enthousiasme contagieux, ce mot exerce une fascination atavique : il ne s’agit toutefois pas d’une formule rhétorique à utiliser à volonté, mais du patrimoine spirituel et culturel d’une civilisation extraordinaire, aujourd’hui contrainte de faire face à la plus grande crise de tous les temps. Réveiller le « malade du monde » – dont le premier défaut est de ne plus avoir conscience de lui-même – est une mission que nous avons le devoir d’embrasser ici et maintenant, au-delà de toute culpabilisation induite, de tout fatalisme perdant et de tout crépuscule occidental.

Quelle sera la mission de l’Institut ?

Comme cela se fait déjà outre-Alpes et en terre ibérique, l’Énéide aura pour tâche de former les âmes, d’informer les esprits, de diffuser les idées et de mobiliser les structures. Une œuvre profonde, de semence et de régénération, qui se déploiera transversalement et avec une logique organique, dans le seul intérêt de notre appartenance commune à l’Europe. À la verticalité de la triade homérique – tendue vers l’harmonie avec la nature, la recherche de l’excellence et la tension vers la beauté – nous avons la possibilité d’intégrer notre héritage italique spécifique : l’éthique pérenne du Mos Maiorum, l’approche esthétique du monde et la généreuse luminosité méditerranéenne. Car l’Europe que nous devons réveiller, riche de nuances complémentaires et uniques, est toujours fille du même génie : elle qui a été pendant des siècles le phare du monde a le devoir de revenir dans l’histoire. L’Institut Énéide, avec humilité et détermination, y apportera sa contribution.

Les premières adhésions ?

Nombreuses et qualifiées. Des écrivains engagés et des intellectuels non alignés, des communautés militantes et des associations culturelles, des personnalités actives et des centres d’études, des projets éditoriaux et des groupes de recherche. Le tout, bien sûr, dans le respect des principes exprimés dans notre Manifeste, en collaborant avec toute réalité animée par les mêmes objectifs, au-delà des contingences politiques, des sigles d’appartenance et des idéologies d’origine. Quelque chose de nouveau et d’unique est en train de bouger : nous espérons que tous, avec intelligence et loyauté, pourront comprendre l’importance de l’enjeu.

Quelles sont les similitudes ou les différences avec le parcours français ?

J’ai eu le plaisir et le privilège de connaître de près et personnellement le monde français : depuis des années, Passaggio al Bosco a l’honneur de traduire et de publier la quasi-totalité des travaux réalisés outre-Alpes, en participant aux grands congrès annuels et en entretenant des relations dans tous les domaines. Il ne fait aucun doute que le contexte français bénéficie d’une organisation métapolitique sans équivalent en Europe, tant en termes d’histoire que de productivité : le long travail du GRECE – auquel s’ajoute un très grand nombre de revues, d’associations et de projets – a certainement donné un élan à la « bataille culturelle », qui reste prépondérante en France à tous les niveaux. Souvent, en effet, cette dernière joue même un rôle prioritaire – en termes de rassemblement humain et de mobilisation physique – par rapport à la militance politique au sens large. En Italie, à de rares exceptions près, nous avons toujours assisté à la genèse inverse : les différentes réalités militantes, nées de la nécessité de conquérir un espace politique, ont également élaboré un parcours culturel adapté à leurs activités et conforme à leur vision du monde. Ces détails sont toutefois la manifestation la plus authentique de l’expression européenne : ils nous rappellent la richesse d’une mosaïque extraordinaire, où chaque élément incarne la manifestation spécifique d’une appartenance commune. C’est cette harmonie qu’il faut exploiter, sans tarder et avec bonne volonté. Que les identitaires des différentes nations ressentent le devoir de mener le même combat, plutôt que de se refermer dans un chauvinisme apolitique, est un signe encourageant. Que cela se fasse dans le sillage de la « longue mémoire », plutôt que dans un but électoral ou une machination bureaucratique, est la certitude que le feu sacré est toujours vivant. Hölderlin avait raison : « là où il croît le danger, croît aussi ce qui sauve.

Toute nouvelle initiative culturelle est accompagnée du feu des Pénates. Dans ce cas, il y a le témoignage de Dominique Venner, mais il pourrait y avoir d’autres références à l’identitarisme européen…

Certainement. Le panthéon des références englobe des millénaires d’histoire, rayonnant à travers les multiples facettes d’un même prisme : il démontre – si besoin était – la cohérence absolue d’une identité qui part du bios et aboutit à un « lien de civilisation » précis. Cet héritage doit toutefois être projeté vers l’avenir avec un esprit d’avant-garde et une synthèse révolutionnaire : bannissons tout passéisme stupide, toute nostalgie incapacitante et tout immobilisme bourgeois, car ce qui nous anime, c’est un optimisme tragique qui veut proposer, construire et affirmer. Ce qui compte, c’est toujours d’aller de l’avant : c’est pourquoi nous nous sentons gardiens, mais aussi et surtout refondateurs.

Lorsqu’il s’est présenté au public, réaffirmant la nécessité de faire renaître l’Europe, l’Institut Iliade a lancé un appel très évocateur, dont le titre reste emblématique : « Ni Lampedusa ni Bruxelles : être européen ! ». Il est doublement important de le rappeler en ces temps où le malentendu de certains observateurs extérieurs, mus par l’incompréhension ou la mauvaise foi, pourrait en effet nous placer dans l’ombre de Ventotene ou d’une oligarchie libérale-progressiste. Rien n’est plus faux : l’Énéide est née avec l’intention déclarée de dépasser une Europe faible, contradictoire et inefficace, dont la première limite a été de se faire le vecteur d’un esprit universaliste – fondé sur le culte de l’individu abstrait et sur la pratique du déracinement – qui veut effacer et remplacer nos traits spécifiques. C’est donc à partir de notre héritage pérenne qu’il faut repartir avec élan et détermination.

Des poèmes fondateurs à la philosophie hellénique, des essais latins aux chefs-d’œuvre de la littérature, en passant par la culture chevaleresque et l’art de la représentation, la citoyenneté grecque et le Forum romain, les premières réalisations scientifiques et les mystères du sacré, en passant par le théâtre et le chant polyphonique, les mythes et les rites, la gastronomie et les coutumes, les découvertes et les conquêtes : l’Europe a été tout, à toutes les époques et dans tous les domaines de l’existence, fidèle à un esprit d’aventure qui a forgé une éthique héroïque et créatrice.

La première rencontre au programme ?

En octobre, comme déjà annoncé, se tiendra le premier congrès officiel de l’Institut Énéide : à cette occasion, nous présenterons de manière complète et précise notre projet, en illustrant ses valeurs, ses objectifs, ses méthodes et ses activités. Les détails seront communiqués prochainement, mais il s’agira d’un événement important, à noter dans votre agenda. Nous avons fait le premier pas : maintenant c’est votre tour. Faisons nôtre l’avertissement d’Ezra Pound, qui aimait l’Europe comme nous l’aimons : « Ici, l’erreur est dans ce qui n’a pas été fait, dans la méfiance qui a fait hésiter ».

Entretien mené par Gerardo Adami
Source :
barbadillo.it, 5 mai 2025