Les fêtes et célébrations flamandes s’invitent aux Beaux-Arts de Lille
Jusqu’au 1er septembre 2025, le Palais des Beaux-Arts de Lille accueille certaines peintures des grands-maîtres flamands dans le cadre de son exposition « Fêtes et célébrations flamandes », en collaboration avec le musée du Louvre et les musées royaux des Beaux-Arts de Belgique.
On connaît surtout la Flandre pour ses bières. Or, depuis la fin du Moyen Âge, les kermesses et autres fêtes font aussi partie intégrante des traditions flamandes, servant simultanément d’exutoire et de rituel social.
Dans les Flandres, les fêtes trouvent leurs origines dans un contexte troublé. En effet, la période dite de la « Renaissance », loin de se résumer à la redécouverte des arts antiques, se manifeste par un siècle continu de guerres pour les populations flamandes. La première salle de l’exposition le rappelle : après la mort de Charles le Téméraire en 1477, les « Dix-Sept Provinces » sont dominées par les Habsbourg. La région doit donc contribuer financièrement à l’effort de guerre face à la France de François 1er. De plus, l’émergence du protestantisme ajoute la controverse religieuse à la grogne fiscale. Enfin, en 1566, la volonté centralisatrice de Philippe II d’Espagne provoque ce que l’on appellera « la Révolte des Gueux ». À cette insurrection, le Habsbourg répond par l’inquisition, la sanglante dictature du duc d’Albe et les tribunaux spéciaux.
Le tableau : La Furie espagnole à Anvers en 1576 témoigne de cette époque sanglante. Aux désastres de la guerre s’ajoute le brigandage et le paiement des impôts. Belles réjouissances en perspective…
Mais, malgré ce triste tableau, la vie continue et les Flamands gardent un tempérament optimiste. La guerre donne aussi des occasions de ripailler : arrivée d’un prince, banquets de soldats et fêtes pour célébrer le retour à la paix. Ce caractère joyeux se manifeste dans les villes par « Les Joyeuses Entrées », présentées dans la deuxième salle. Ces célébrations ont lieu lorsqu’un souverain, duc ou gouverneur, visite pour la première fois une ville. Cette fête permet au prince de concrétiser sa prise de fonction et aux habitants d’exprimer leurs doléances. Cette tradition trouve ses racines dans les « Triomphes » de la Rome antique, lorsque les généraux puis les empereurs avaient le privilège de défiler à Rome après une campagne militaire victorieuse. On reprend la tradition des arcs de triomphe qui deviennent des ornements éphémères, décorés de tableaux et de références mythologiques. Ces célébrations permettent au souverain de réaffirmer la légitimité de ses pouvoirs. Cette légitimation passe aussi par la participation du prince aux fêtes locales, comme lors de la fête du papegai à Bruxelles en 1615, où l’archiduchesse Isabelle s’illustra en remportant un concours de tir à l’arbalète.
L’arrivée du prince n’est pas le seul prétexte pour faire la fête. Les Flamands sont très pieux et la religion donne l’occasion de célébrer les saints avec l’Ommegang. La troisième salle se concentre sur celui de la ville d’Anvers. Cette procession, en hommage à la sainte vierge, se déroule le dimanche suivant l’Assomption. La procession voit un mélange de chars portant des tableaux religieux et de chars profanes à l’effigie d’animaux, de navires et de géants, et même de divinités. L’exposition conserve ainsi les têtes des géants Druon Antigone et Pallas Athéna. Ainsi, l’ommegang symbolise l’expression d’une identité syncrétique entre saints chrétiens et anciennes divinités païennes réunissant les citadins dans le divertissement, comme pour le carnaval ou le mardi gras.
Les campagnes ne sont pas exclues de telles effusions de joie. Dans une autre salle, les fêtes de villages ont la part belle. Elles sont l’occasion pour la communauté villageoise de se réunir pour célébrer un événement : noces, baptêmes, kermesses, etc. Ces fêtes font l’objet d’interprétations différentes selon les artistes. Ainsi, Jan Brueghel l’Ancien, dans son tableau : Banquet de noces présidé par les archiducs Albert et Isabelle, dépeint une scène idéalisée de la vie paysanne. A contrario, la Kermesse avec théâtre et procession de Pierre Brueghel le Jeune nous montre que la nature humaine n’est pas sans faiblesse. Mais dans les deux cas, la peinture a une fonction moralisatrice : soit pour mettre en garde contre les nombreux excès et tentations, soit pour célébrer l’harmonie d’une société hiérarchique et corporative. Pourtant, l’humour n’est jamais très loin avec les Flamands. Certaines de leurs peintures aiment se moquer de la bêtise, celle du peuple mais également celle des riches et des puissants. Personne n’est épargné. La dernière pièce de l’exposition est là pour en témoigner. Il s’agit d’une peinture de Jacques Jordaens : Le Roi boit !, dans laquelle l’artiste se représente lui-même en train de vomir au milieu d’une scène de joyeuse beuverie. Mais comment expliquer une telle joie de vivre chez ce peuple maintes fois envahi ? Peut-être est-ce là un héritage du passé. La Flandre fut tellement envahie qu’elle a souvent pris le parti d’en rire.
Frantz d’Artois – Promotion Charles Quint
Informations pratiques et billetterie
Exposition Fêtes et célébrations flamandes, Brueghel, Rubens, Jordaens
Palais des Beaux-Arts de Lille
Place de la République, 59000, Lille
Jusqu’au 1er septembre 2025
Billetterie : pba.lille.fr
Photos
- La Furie espagnole à Anvers en 1576, École des Pays-Bas Méridionaux, 1576-1585, huile sur toile, Anvers, Museum aan de Stroom. Domaine public.
- Le Roi boit !, Jacques Jordaens, vers 1638-40, huile sur toile, Bruxelles, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique. Photo : Peter van Evert / Alamy (FAFG1M).
- Kermesse avec théâtre et procession, Pierre Brueghel le Jeune, huile sur bois, Bruxelles, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique. Photo : Sailko / Wikimedia (CC BY 3.0).
- Banquet de noces présidé par les archiducs Albert et Isabelle, Jan Brueghel l’Ancien, 1612-1613, huile sur toile, Madrid, Museo Nacional del Prado. Photo : Artelan / Alamy (2WR02E4).
- La Joyeuse entrée du duc d’Anjou à Anvers le 19 février 1582, Monogramiste M.H.V.H, 1582-1600, huile sur bois, Amsterdam, Rijkmuseum. Photo : The Picture Art Collection / Alamy (MPAW9J).
- Tête de la géante Pallas Athena, d’après Daniël III Herreyns, 1765, papier mâché, bois, métal et cheveux, Anvers, Museum aan de Stroom. Domaine public.