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La Destruction des Européens d’Europe : entretien avec Renaud Camus

« Je ne souhaite rien plus ardemment que la révolte décoloniale du peuple indigène livré. »

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Après Le Grand Remplacement et La Dépossession, Renaud Camus publie La Destruction des Européens d’Europe, un essai dans lequel il revient sur la généalogie de l’idéologie « remplaciste » au cœur de notre modernité, et sur les étapes au cours desquelles cette idéologie s’est progressivement imposée à la société, au point de rendre tout interchangeable, à commencer par les peuples. Un livre inclassable et passionnant, à la croisée de la littérature et de la pensée, qui ressemble à une fusée tirée dans la nuit.
Propos recueillis par Olivier Maulin

Depuis plus d’une décennie, vous êtes hanté par ce que vous nommez le Grand Remplacement et vos derniers livres paraissent comme une tentative de comprendre comment celui-ci a pu être rendu possible. Vous parlez aujourd’hui de « destruction des Européens d’Europe ». Pouvez-vous nous dire ce que vous entendez par là ?

Mon titre est évidemment emprunté à Raul Hilberg et à sa fameuse Destruction des juifs d’Europe. Ma thèse, qui s’appuie sur de semblables convictions chez Zygmunt Bauman, Giorgio Agamben, Jean Vioulac et bien d’autres, est que l’univers concentrationnaire nazi, malgré son abomination sans pareille, n’est pas un isolat mais s’inscrit dans une histoire dans laquelle nous sommes encore plongés : celle de la déshumanisation de l’homme, réduit par la modernité à l’état de produit de consommation, au double sens de l’expression : produit à consommer, ou consumer, et produit qui consomme, et comme tel entretient la bulle.

Ce Grand Remplacement a été selon vous rendu possible par une idéologie. Quelle est-elle ? Et quand la voyez-vous apparaître ?

C’est l’idéologie totalitaire que j’ai baptisée remplacisme global, et dont le Grand Remplacement, ou changement de peuple et de civilisation, de même que le Petit Remplacement, ou substitution des industries culturelles à la culture, ne sont que des sous-sections. On peut la faire remonter à la révolution scientifique du XVIIe siècle, cette première et discrète mort de Dieu, et plus directement à la Révolution industrielle en Angleterre, au XVIIIe siècle. Mais son point de départ véritable se situe aux États-Unis au tournant des XIXe et XXe siècles, aux Abattoirs de Chicago qui engendrèrent la chaine de montage, et chez Taylor qui engendra Ford. Son paradigme est la Ford T.

Vous faites un lien direct entre le « management scientifique » de type tayloriste et le totalitarisme…

Certes. Ce lien direct, il serait même impossible de ne pas le faire. Dès les premières pages de ses Principes de Management scientifique, Taylor écrit noir sur blanc : « Dans le passé l’homme passait en premier ; dans le futur, c’est le Système qui doit passer en premier ». Nous vivons sous le joug du Système, ou de ce qu’Heidegger nomme le Dispositif, ou la Machination : la transformation de l’homme en machine, mais également en produit, interchangeable à merci. Je nomme pour ma part davocratie cette gestion managériale du parc humain (Sloterdijk) par Davos, les BigState et les BigTech (Asma Mhalla). On peut faire référence aussi à la Gestion génocidaire du globe (Stéphane Zagdanski).

Vous insistez beaucoup sur le milieu des années 1970 et, notamment, sur la création du collège unique. Quel rapport avec le Grand remplacement ?

Oui, le milieu des années 1970 est le temps du Grand Renversement : fondation par Klaus Schwab du Symposium européen de management de Davos, guerre du Kippour, entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché commun, loi “Pompidou-Giscard” sur la Banque de France, regroupement familial, loi Veil, débuts de la submersion migratoire, et en effet collège unique, qui va entraîner très vite le total effondrement du système d’enseignement, puisqu’il implique l’abandon de toute sélection. C’est le Petit Remplacement, d’où procèdera l’éradication de la classe cultivée et l’hébétude du peuple, indispensables toutes deux à l’acceptation hagarde du génocide par substitution, ou Grand Remplacement.

Vous dites également que la négation de l’existence des races est l’acte capital de la destruction des Européens d’Europe. Les races, quand elles existaient, n’ont-elles pas fait beaucoup de mal ?

En effet, la proclamation du dogme imbécile de l’inexistence des races est le couronnement des opérations de ces années-là, la condition sine qua non du changement de peuple à venir, qui en fait un crime parfait. Quel changement de peuple, puisqu’il n’y a pas de races ? On notera que le dogme n’est possible, et encore, qu’à condition de prendre le mot race dans la seule acception des pires racistes, purement biologisante. Jamais la science ne s’est montrée si servile. Et ce ne sont pas les races qui ont fait beaucoup de mal : ce sont les racistes “scientifiques”, qui ont voulu en éradiquer deux ou trois, et aujourd’hui les antiracistes, qui veulent les faire disparaître toutes au profit de la MHI, la Matière Humaine Indifférenciée, selon les vœux de la davocratie et du remplacisme global.

Au fond, n’avez-vous pas été conduit à écrire une sorte de contre-histoire de la modernité ?

Ce serait celle de la disparition des formes, dans la langue, dans le vêtement, dans les rapports sociaux : c’est-à-dire de la liquéfaction de l’espèce humaine, si bien décrite par Bauman.

Durant la crise en Nouvelle-Calédonie, certaines personnalités de gauche n’ont pas hésité à parler du peuple canaque, de sa « terre », et de son droit historique à demeurer un peuple, mais nient ce même droit au peuple français, quand ils ne nient pas le peuple français lui-même. Comment l’expliquez-vous ?

Au cœur de cette situation tragique, rien n’est plus comique à la fois, et plus éclairant. Comme le remarque Causeur, toute la gauche de la gauche pense comme moi, tout d’un coup, à propos des Canaques. Ce qui prouve avec éclat qu’elle n’a de haine véritable que pour les indigènes de la France et de l’Europe : autant dire les blancs. La non moins manifeste “préférence occupante” des juges l’avait déjà, il est vrai, clairement manifesté.

Comment voyez-vous l’avenir de notre pays ?

Je ne souhaite rien plus ardemment que la révolte décoloniale du peuple indigène livré. Elle pourrait commencer sans trop de risques le 9 juin, si les Français voulaient bien renoncer à apporter leur appui majoritaire aux sept ou huit listes du Bloc Génocidaire, c’est-à-dire à cesser de voter pour leur propre disparition, comme ils l’ont toujours fait jusqu’à présent, hélas. Ce serait un facile début de reconquête.

La Destruction des Européens d’Europe, de Renaud Camus, éditions du Château, 380 pages, 30 €.