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Randonnée, guerre et botanique au Mont-Cenis

Cet itinéraire étant facile d’accès et permettant un passage aisé de la barrière des Alpes fut une route marchande et militaire très empruntée depuis l’Antiquité, notamment par les Celtes puis par les Romains.

Randonnée, guerre et botanique au Mont-Cenis

« La contemplation, c’est l’essence même de cette expérience héroïque :
le regard devient circulaire et solaire, il n’y a plus que le ciel et des forces pures et libres
qui reflètent et figent l’immensité dans le chœur titanique des sommets. »
Julius Evola, Méditation du Haut des Cimes

Pays : France
Province : Savoie, vallée de la Maurienne
Thématique générale du parcours : Randonnée d’altitude, fortifications de montagne, Alpages, lacs alpins
Mode de déplacement : À pied
Durée du parcours : Trois jours (8h + 8h + 6h) en réalisant la boucle indiquée. Il est aussi possible de visiter les points d’intérêt lors de randonnées à la journée et de dormir au refuge du Petit Mont-Cenis le soir.
Difficulté du parcours : Accessible aux enfants dès 12 ans, ce parcours ne représente pas de difficulté particulière ni de passages dangereux. Dénivelés importants mais il est possible de raccourcir l’itinéraire en cas de besoin.
Période possible : En été. En automne et au printemps, s’il n’y a pas de neige.

Présentation géographique

Le col du Mont-Cenis, situé à 2081 mètres d’altitude à la frontière de la France et de l’Italie, permet la liaison entre la vallée de la Maurienne et le val de Suse. Cet itinéraire étant facile d’accès et permettant un passage aisé de la barrière des Alpes fut une route marchande et militaire très empruntée depuis l’Antiquité, notamment par les Celtes puis par les Romains – on a retrouvé les traces d’une voie romaine aux alentours du col du Petit Mont-Cenis. La construction du tunnel ferroviaire de Fréjus en 1871, puis du tunnel routier en 1974 en détourna le trafic de marchandises et permit donc d’en préserver le cadre naturel.

Cadre historique et culturel

Parmi les Européens célèbres ayant gravi le col, on peut nommer Constantin Ier qui le passa en 312 à la tête d’une armée de 40 000 hommes ; Charlemagne en 773 ; Henry IV, empereur du Saint-Empire germanique qui l’emprunta en 1077 pour aller à Canossa demander au pape de lever l’excommunication qui le frappait. Napoléon décida au retour de sa campagne d’Italie d’y construire une route moderne accessible à larges voitures de l’emprunter, et en agrandit l’ancien hospice datant du IXe siècle. Cet établissement millénaire fut englouti en 1968 lors de la construction du barrage formant le lac du Mont-Cenis.

Le massif du Mont-Cenis n’appartient à la France que depuis le traité de paix franco-italien de 1947. Le massif étant un axe important de passage entre la France et l’Italie, de nombreux forts y furent construits aux XIXe et XXe siècles, formant une « ligne Maginot des Alpes » de part et d’autre de la frontière, ce qui incita la France à réclamer le massif après la guerre afin de sécuriser son territoire. Subsistent de nombreuses traces et monuments à découvrir lors de cette randonnée. Ce lieu fut le théâtre de combats importants au début et à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Tout d’abord, en 1940, lors de l’entrée en guerre de l’Italie aux cotés de l’Allemagne, puis à la toute fin de la guerre, en avril 1945, où les Gebirgsjäger allemands ainsi que les parachutistes italiens de la division Folgore affrontèrent les chasseurs alpins français, notamment lors de la bataille du Mont Froid, à plus de 2800 mètres d’altitude. Il fut aussi un lieu inattendu de fraternisation, où des Alpins, « conquérants de l’inutile » selon l’expression de Lionel Terray, purent se mesurer et admirer les prouesses de chacun.

L’itinéraire proposé prévoit de passer sur les lieux où, en plein conflit, des soldats français et un soldat allemand réalisèrent ensemble l’ascension de la Pointe de Ronce, qui domine de ses 3611 mètres le plateau du Mont-Cenis. L’anecdote débute le 10 mars 1945, lorsque le lieutenant-colonel Le Ray décide avec son officier de renseignement Jacques Boell et le capitaine Stéphane de se rapprocher des positions ennemies. Le massif est encore enneigé et il est décidé de monter en haut de la Pointe de Ronce pour effectuer un repérage des positions ennemies en vue de l’offensive prochaine. Alors qu’ils parviennent au Pas du Chapeau, légèrement en contrebas de leur objectif, Le Ray aperçoit à travers ses jumelles un soldat allemand, seul et sans son fusil, grimpant dans leur direction, du côté du versant ouest de la Pointe de Lamet. Celui-ci, ne s’attendant pas à la présence de l’état-major français à de telles altitudes, est fait prisonnier par le capitaine Stéphane alors qu’il arrive au niveau du groupe. C’est Anton Hörnle, 26 ans, caporal-chef infirmier de chasseurs de montagne. Alpiniste dans l’âme plus encore que soldat, il profite d’un moment de répit pour s’adonner aux joies de la montagne en solitaire. Il s’apprêtait, les crampons aux pieds, à escalader la Pointe de Ronce, pour le plaisir, avec pour seule arme un bâton ferré et un pistolet enveloppé de gaze et porté dans une gaine en cuir, à son ceinturon. Après les explications, Le Ray décide de l’emmener avec eux à la Pointe de Ronce et de le ramener comme prisonnier. Alors que le groupe réalise une pause à la descente, le soldat allemand profite d’un moment d’inattention, se baisse, prend son élan et bondit dans le vide, sur le versant italien. Il dégringole jusqu’à une petite barre rocheuse, continue sa chute et réussit à s’enfuir, le bras cassé, mais libre. Le capitaine Stéphane s’exclame, à en croire le lieutenant Boell qui racontera l’aventure : « Quelle race, bon Dieu ! Quelle technique ! Après la guerre, je servirai dans la légion étrangère, et je ne veux que des Boches dans ma compagnie ! » Les Français, étonnés et admiratifs décident de ne pas tirer et de faire honneur à un geste aussi courageux. Les participants à cette ascension légendaire ainsi qu’un grand nombre d’anciens combattants des deux camps se retrouveront à Bramans pour le 40e anniversaire des combats qui les ont vus s’opposer.

Description de l’itinéraire

Tour du lac du Mont-Cenis et visite des fortifications alpines.

Jour 1 – 7h de marche

Laissez votre voiture au parking du Col du Mont Cenis. Prenez le sentier balisé en direction du Fort de la Turra. Au départ une borne commémorative rappelle la mémoire des soldats tombés dans le massif. Bien que la montée soit raide, prenez le temps d’observer le panorama s’ouvrant sur le lac du Mont-Cenis, joyau alpin dans son écrin de verdure, ainsi que la flore, particulièrement variée et abondante. Montez ensuite au fort de la Turra et n’hésitez pas à explorer les souterrains, peu profonds et praticables. S’y trouvent les anciens emplacements d’artillerie, donnant une vue imprenable sur le lac en contrebas. Le treuil, toujours debout mais désormais rouillé, permettait de ravitailler le fort et d’assurer une liaison avec la vallée. Continuez en direction du pas de la Beccia, où vous trouverez d’anciennes bornes frontalières en pierre blanche datant de 1892. Les plus courageux pourront grimper le long de l’arrête du Signal du Petit Mont-Cenis afin de trouver du génépi, armoise odorante connue pour entrer dans la fabrication de la liqueur éponyme (voir recette ci-dessous). Descendre ensuite par le chemin en contrebas et poursuivre jusqu’au col de Sollières, puis jusqu’au fort du Mont-Froid par le sentier balisé. Cette traversée sera l’occasion d’admirer la flore du Mont-Cenis dans toute sa splendeur et sa diversité, le biotope du massif abritant des variétés de fleurs endémiques et très rares, telle que la laiche des glaciers ou les violettes du Mont-Cenis (viola cenisia). Il est strictement interdit de cueillir des fleurs, afin de préserver cet environnement unique en son genre. Les marmottes proliférant, avec un peu d’attention vous pourrez en voir et vous en approcher, ce qui fera le régal des enfants. Arrivé au fort du Mont-Froid, vous pourrez pousser jusqu’à la croix sur un chemin de crête sans danger. La quiétude qui y règne et la vue imprenable sur la vallée de la Maurienne sont l’occasion de faire une pause pour se recueillir en cet endroit où tant d’Européens sont tombés. Redescendez ensuite jusqu’au refuge du Petit Mont-Cenis. Il est possible d’y bivouaquer sous tente ou de bénéficier de l’hébergement sur place. Vous pourrez remarquer le paysage « lunaire » en contrebas du chemin, réminiscence des terribles combats ayant eu lieu sur ce versant.

Jour 2 – 7h de marche

Partez en direction du col du Petit Mont-Cenis, puis rejoignez les lacs Perrin. Un balisage jaune non inscrit sur la carte vous permet de rejoindre ensuite les lacs Giaset par un chemin en balcon rocheux et fleuri. Il est aussi possible de marcher le long du vallon de Savine, particulièrement beau et sauvage, et de rejoindre depuis le lac éponyme les lacs Giaset en montant la côte des Marmottes, assez raide. Vous pouvez ensuite rejoindre le lac Blanc, joyau alpin dans un écrin minéral, puis emprunter la piste militaire italienne pour rejoindre le fort de Malamot. Sur le chemin vous pourrez observer les anciens ouvrages défensifs ainsi que les diverses entrées de souterrain les reliant entre eux. N’hésitez pas à monter jusqu’à la tour du fort et à profiter du paysage escarpé et minéral qui s’offre à vous. Redescendez en direction du lac du Mont-Cenis, par une route militaire qui serpente au nord de la Corne Rousse. Si vous en avez le temps, il est possible de monter jusqu’au fort de Patacreuse, ou à celui de Variselle, au bord du lac. Rejoindre ensuite le refuge-hôtel de Gran Scala. Comme pour le refuge précédent, il est possible de bivouaquer dans le pré au-dessus ou d’y dormir.

Jour 3 – 4h/7h de marche

Coupez à travers champs pour rejoindre le chemin au nord-est partant de la route et montant au-dessus de la barre rocheuse. Cet itinéraire en balcon, large et peu pentu, sera l’occasion de profiter de la vue sur le lac du Mont-Cenis, et de rencontrer les vaches en alpage dans le massif. Vous pourrez accéder ensuite au fort de Ronce, magnifique ouvrage militaire italien passé à la France et rénové récemment. À l’étage se trouvent des panneaux très instructifs sur l’histoire de la région et un nid de rapaces ayant élu domicile au-dessus de l’un d’entre eux. Il est possible ensuite de continuer dans le cirque au-dessus du fort pour atteindre le lac Clair, ou de poursuivre son chemin en direction du col du Mont-Cenis pour atteindre le parking de départ. Avant de quitter le fort, levez les yeux et contemplez la pointe de Ronce, imposante et légendaire.

Activités connexes

  • Visite de la barrière de l’Esseillon, magnifique fortification piémontaise sur la route pour monter au col.
  • Visite de l’Écot, dernier village de la Haute-Maurienne à plus de 2000 mètres d’altitude dont l’architecture traditionnelle en lauzes a été remarquablement préservée.
  • Découvrir la ville de Turin, accessible en 1h30 depuis le col du Mont-Cenis.

Cartographie

  • Carte IGN Top 25 3634OT Val-Cenis Charbonnel – indispensable, certains chemins ne sont pas sur la carte, soyez donc attentifs au balisage.
  • geoportail.gouv.fr

Accès

Depuis la France, par l’autoroute A43-E70 passant par Saint-Jean-de-Maurienne, puis Lanslebourg-Mont-Cenis et ensuite direction le col du Mont-Cenis.

Depuis l’Italie, passer par l’A32-E70 passant par Suse (Susa), puis direction Moncenisio.

Matériel spécifique, équipement

Prévoir de bonnes chaussures, des vivres et suffisamment d’eau. Boussole et lampe de poche, crème solaire, lunettes de soleil et couvre-chef, protection contre les intempéries. Possibilité de bivouaquer à l’extérieur des refuges, auquel cas une tente vous sera nécessaire.

Art de vivre

Le massif du Mont-Cenis est connu pour abriter l’excellente armoise alpine, le génépi, qui permet de réaliser la liqueur éponyme, selon la recette suivante : dans 1 litre d’eau de vie ou d’alcool de fruit dénaturé à 40°, faire macérer 40 brins de génépi durant 40 jours. Filtrer puis dissoudre entre 35 et 40 sucres n°4 (selon votre préférence).

Liens

Pour en savoir plus sur les refuges et bivouacs : refuges.info

Pour acheter du génépi cultivé en haute montagne : genepi05.fr

Année où l’itinéraire a été parcouru

Eté 2017

« Après une soirée commune à la salle des fêtes où l’ancien aspirant Jean Minster sert de traducteur, la plupart, le lendemain à l’aube, monteront au Mont-Froid ou à Bellecombe, par le plateau du Mont-Cenis. En de ces monts, où ils ont perdu tant des leurs, à près de trois mille mètres d’altitude, ils observeront, ensemble, une minute de silence.

Une trompette égrène lentement les notes de la célèbre chanson J’avais un camarade. Sur les visages, marqués par la guerre et les années, passe une émotion intense, au grand vent des sommets. Qui aurait cru possible que des anciens chasseurs de montagne allemands puissent ainsi se retrouver avec leurs ennemis de naguère, anciens maquisards pour la plupart ?

Le général Le Ray, qui commandait la demi-brigade de Maurienne, a mieux que nul autre écrit, dès le lendemain de la guerre, ce qui unissait ces hommes, au-delà de tout : “Enfin, et surtout, il a l’admirable spectacle de ces deux adversaires qui se battent pour l’honneur, les uns sachant bien que tout est perdu pour eux, mais qu’il le reste leur éternelle valeur de soldat à défendre, les autres n’ignorant pas que les objectifs pour lesquels ils combattent ne sont que d’arides pitons auxquels personne ne s’intéresse, mais qui veulent apporter à la France la contribution de leur sacrifice”… »

Jean Mabire, La Bataille des Alpes, 1944-1945, Les Presses de la Cité

Maxence L. – Promotion Ernst Jünger