Parution du nouveau Cahier du Pôle études consacré au travail
Cahier d’études pour une pensée européenne, n°2, Institut Iliade / La Nouvelle Librairie éditions, Paris, 2025, 388 p.
« Nous deviendrons ce que nous sommes, quand nous l’aurons appris. »
C’est sur cette citation du poète Pindare que s’ouvrait le premier Cahier d’études, consacré à l’Europe. Et c’est encore avec elle que s’ouvre ce deuxième Cahier, consacré au Travail. Tant il est vrai qu’un réveil européen ne pourra advenir que s’il est porté par une conception du monde stimulante et renouvelée, ressourcée à la claire conscience des origines, enlevée dans un élan novateur, propre au génie de l’Europe.
Affermi par l’enthousiasme de ses lecteurs et de ses contributeurs, le Pôle Études continue à remplir le rôle qu’il s’est assigné, celui d’œuvrer à une réforme intellectuelle et morale, ancrée au plus profond de notre mémoire collective mais pleinement consciente des défis actuels, avec une double exigence de rigueur et d’originalité. Cet engagement ne peut se concevoir qu’en totalité. Il se doit d’ouvrir des voies nouvelles, dont certaines sont évidentes, d’autres plus difficiles et incertaines. Chaque pas en avant n’en est pas moins nécessaire.
Pourquoi parler du travail ? Parce qu’à mesure que se sont accélérées les révolutions technologiques, le travail a connu des mutations profondes qui accentuent un malaise déjà ancien, notamment auprès des jeunes générations. Le sentiment que le sens du métier se perd, l’addiction aux loisirs de masse, la disparition du partage communautaire, l’expansion du virtuel, la destruction des emplois productifs, la transformation progressive du salarié en pièce détachée de l’« ingénierie managériale », sont autant de préoccupations qui participent à la vulnérabilité inquiétante des peuples d’Europe, au moment-même où la compétition entre les grandes puissances mondiales s’exacerbe, accélérant la fin de la « mondialisation heureuse ». Cette vulnérabilité se traduit par une perte de souveraineté politique, énergétique et technologique, une désindustrialisation et une tertiarisation déséquilibrées, sans autre but, finalement, que de satisfaire la production, la vente et l’achat de biens et de services de plus en plus artificiels, alors même que les États, comme les travailleurs, croulent sous le poids de la dette.
Au centre de ces reconfigurations rapides, les véritables enjeux du travail sont de plus en plus difficiles à saisir concrètement, tant ils se déclinent sous des formes multiples, changeantes et parfois contradictoires. Ce dossier s’attache à en éclairer les lignes de force, en explorant l’ancrage anthropologique du travail, ses inflexions historiques et ses mutations contemporaines. Il ne vise pas seulement à en esquisser une définition nécessairement limitée, mais bien à interroger son sens, ses implications et son devenir en Europe. Ainsi, redécouvrir homo faber, c’est partir à la recherche de l’homme en action, orfèvre de son environnement et de lui-même. Au-delà de l’approche utilitaire, quelque part entre l’effort laborieux et la création féconde, le travail éclaire les permanences de l’activité humaine dans le mouvement des sociétés, et la continuité civilisationnelle dans la trajectoire des hommes.
Car chaque acception du travail est objet de l’histoire. Signe de la condition servile chez les Anciens, distinct du noble savoir-faire, le statut du travail est transformé en œuvre rédemptrice par le christianisme pour devenir peu à peu la valeur centrale des sociétés modernes. L’activité laborieuse, garantie de la liberté, devient nécessité impérieuse — elle reconfigure les organisations politiques et préside à la reconnaissance et aux luttes sociales. Aujourd’hui, l’accumulation de progrès scientifiques et techniques semble à nouveau rebattre les cartes. Loin du geste artisanal d’antan, confronté à la machine numérique, le travailleur contemporain vacille entre le désir d’autonomie économique et la crainte de sa propre aliénation dans l’engrenage managérial. Cette transformation, symptomatique d’une décorrélation croissante du labeur et de la nécessité, de la création de valeur et de la production de richesses, s’accompagne d’une prolifération d’emplois dont l’utilité doit être questionnée.
Cette réflexion amène naturellement à interroger aussi la dimension collective du travail. Dans son essence, le travail n’est pas une entreprise solitaire ; c’est une dynamique partagée, un effort commun où l’échange, la transmission et la complémentarité des savoirs sont essentiels. Il est l’expression d’une coopération sociale, d’une capacité à s’unir pour bâtir un monde où chacun trouve sa place et son rôle. Repenser le travail, c’est donc aussi réaffirmer sa dimension communautaire, au croisement de l’héritage et de l’innovation, derrière laquelle l’humanité abstraite s’efface. Cette trajectoire commune est aussi celle de l’épanouissement personnel, qui innerve la force collective des peuples capables de déterminer par eux-mêmes ce dont ils ont besoin et ce qui est superflu. Et c’est cette force qui doit redevenir, comme elle l’était hier, un vecteur de puissance déterminant.
Ce cahier met donc en lumière une interrogation essentielle : comment redonner au travail un sens qui se traduit en termes d’identité, de communauté et de souveraineté ? En puisant dans les valeurs pérennes de leur civilisation, mais aussi à travers une inventivité qui demande parfois du courage, les Européens pourront redonner du sens à une authentique activité productive, faisant du travail, quel qu’il soit, une voie renouvelée vers l’excellence. La conquête d’une autonomie stratégique à l’échelle de l’Europe constitue une étape incontournable pour ce renouveau, qui suppose des décisions politiques de long terme plus que des spéculations financières. Mais elle nécessite également un véritable redressement intellectuel et moral, dans lequel les dimensions spirituelles et esthétiques sont appelées à jouer un rôle clé. Pour redonner sens au travail, il importe de dépasser la vision strictement matérialiste, individualiste et utilitariste de l’activité humaine, pour la projeter avec ardeur dans un destin historique commun.
Sommaire
ÉDITORIAL
DOSSIER TRAVAIL
- Walter Aubrig – La fabrique d’homo faber. Esquisse anthropologique de la vie active (extrait PDF)
- Armand Berger et Henri Levavasseur – La notion de travail dans les cultures anciennes de l’Europe : l’héritage de la tradition indo-européenne (extrait PDF)
- Alain de Benoist – Le travail chez les Anciens (extrait PDF)
- Olivier Battistini – Variations sur le tombeau d’Archimède (extrait PDF)
- Lucie Marin – Travail, liberté, appropriation privée de la nature aux origines de l’Anthropocène (extrait PDF)
- Benjamin Demeslay – Renouer avec la lutte des classes ou la théorie des élites : un éclairage généalogique (extrait PDF)
- Michele Iozzino – Le triomphe de la Forme sur la démonie : le Travailleur d’Ernst Jünger (extrait PDF)
- Baptiste Rappin – Le travail en mutation : du maniement de l’outil au système managérial (extrait PDF)
- Rémi Soulié – Être du métier (extrait PDF)
- Olivier Eichenlaub – La valeur du travail face aux machines. Richesse, sens et légitimité (article intégral PDF)
- Lionel Rondouin – Travail et production, utilité et souveraineté (extrait PDF)
ENTRETIEN
- Philippe Forget – Puissance et Futur : L’Homme au péril du Réseau (extrait PDF)
VARIA
- Gérard Dussouy – Quelles valeurs pour l’Europe ? (extrait PDF)
- Dušan Dostanić – Continentalisme et libre marché (extrait PDF)
- Yvan Droumaguet – Le cinéma néoréaliste italien (extrait PDF)
- Jeremy Baneton – José Ortega y Gasset, le ratiovitalisme et la critique de la massification (extrait PDF)
- Antoine Dresse – La Pologne entre Piasts et Jagellons (extrait PDF)
- Gabriel Piniés – Le foyer indo-européen : état des lieux de la recherche (extrait PDF)
- Philippe Baccou – Lutte des classes ou lutte des fonctions ? Une actualisation de la trifonctionnalité par la théorie des jeux (extrait PDF)
RECENSIONS
- Das Heft in Kürze (extrait PDF)
- The journal in short (extrait PDF)
- La revista en breve (extrait PDF)
- La rivista in breve (extrait PDF)
Informations techniques
- Référence : Cahier d’études pour une pensée européenne, n°2, Paris, 2025, 388 p.
Prix : 28 €.
ISBN : 978-2-38608-044-9
EAN : 9782386080449
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