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Le sud du Vercors et le massif du Diois, sur les traces de Jean Giono

« En fait de route, c’est un escalier qu’on devrait dire. En vingt-cinq kilomètres, elle grimpe au col de Grimone qui est quinze cents mètres plus haut que Châtillon. Et elle le fait avec des tourniquets, des hoquets, des coups de queue, des soubresauts, je ne vous dis que ça ! » Jean Giono, Les âmes fortes.

Le mont Beuvray, une montagne occupée par un oppidum gaulois et recouverte par une forêt
Le sud du Vercors et le massif du Diois, sur les traces de Jean Giono
Pays : France
Région : Dauphiné (Diois)
Thématique générale du parcours : Randonnée sur les traces de Jean Giono, entre les Alpes et la Haute-Provence.
Mode de déplacement : A pied.
Durée du parcours : Cinq jours, 7 à 8 heures de marche par jour. Possibilité d’un jour ou de 3 jours supplémentaires.
Difficulté du parcours : Dénivelés importants, parcours de moyenne montagne. Les rares refuges (simples cabanes) ne sont pas gardés, ce qui implique des portages conséquents si l’on recherche l’autonomie. Attention aux interdictions de camper en zone de parc. Respectez l’interdiction de faire du feu ! Sources rares et souvent intermittentes. Possibilités d’hébergement dans les villages.
Période possible : D’avril à novembre, mais risque de neige en début et fin de saison. Altitude maximum de l’itinéraire : 1903 m.

Présentation géographique

L’itinéraire parcourt le sud du Vercors et le massif du Diois, moyennes montagnes calcaires. Le haut plateau du Vercors est entaillé de gorges et de « pas » qui permettent de se faufiler entre des falaises impressionnantes. Les chemins de crête offrent des vues très ouvertes sur les estives, pâturages d’été pour les ovins. La plaine de la Queyrie matérialise un accident tectonique très caractéristique des hauts plateaux du Vercors: une grande faille qui sépare le Vercors en deux selon une direction globalement nord-est / sud-ouest.

Le Diois occupe la partie amont et centrale de la vallée de la Drôme. Le climat y est rude, au carrefour des influences alpines et provençales : hivers rigoureux et souvent neigeux (- 15 °C), étés très chauds et secs (40 °C). Au printemps, la neige est longue à fondre sur les hauts plateaux. Les eaux de fonte et de pluie s’infiltrent dans le calcaire et donnent naissance à de belles résurgences. La région est connue pour ses nombreux gouffres.

Cadre historique et culturel

Commençons par une légende : des déesses chassées du mont Olympe seraient venues se réfugier sur le promontoire du mont Aiguille, qui faisait encore partie de la falaise orientale du Vercors. Elles furent surprises dans le plus simple appareil par le chasseur Ibicus. L’affaire provoqua le courroux de Jupiter qui changea le voyeur en bouquetin et sépara le mont sacré du reste du Vercors. C’est ce que raconte l’érudit dauphinois Denys de Salvaing de Boissieu dans Septem miracula Delphinatus (Les sept merveilles du Dauphiné), en 1656

Le Diois est la terre du peuple gaulois des Voconces, terre qu’ils avaient conquise sur les Ligures au IVe siècle avant J.-C. Au IIe siècle avant J.-C., Rome cherche à sécuriser l’arrière-pays massaliote. Après une résistance opiniâtre, les Voconces signent un foedus, un « traité d’amitié » avec Rome, dans le courant du Ier siècle avant J.-C.

Dès le IIe siècle après J.-C., la capitale des Voconces du nord est Dea Augusta Vocontiorum, aujourd’hui Die. L’itinéraire permet de découvrir, à 1800 m d’altitude, une carrière romaine dont les pierres ont été transportées jusqu’à Die.

En 325, Die devient le siège d’un évêché. D’abord provençal, le Diois est rattaché au Dauphiné en 1426. En opposition au pouvoir des « comtes-évêques », le Diois est aussi terre de Réforme ; jusqu’en 1627, Die sera une des « places de sûreté » accordées aux protestants par l’Edit de Nantes, refuge pour les Réformés mais aussi lieu de concentration militaire.

Le mont Aiguille (2087 m) se présente comme une citadelle détachée de la forteresse du Vercors. Aussi nommé Mont Inaccessible, il a été gravi en 1492 par Antoine de Ville, « lequel avecques engins mirificques y monta et au-dessus trouva un vieux bélier. C’estoit à diviner qui là transporté l’avait », comme le narre Rabelais quelques années plus tard. Cette ascension symbolise la date de naissance de l’alpinisme.

Description de l’itinéraire

Jour 1 : Chichilianne – Vallon de Combeau par le pas de l’Essaure. Auberge de Combeau. 6 h de marche. + 750 m ; – 400 m.

« On n’y va pas, on va ailleurs, on va à Clelles (qui est dans la direction), on va à Mens, on va même loin dans des quantités d’endroits, mais on ne va pas à Chichilianne. On irait, on y ferait quoi ? On ferait quoi à Chichilianne ? Rien. » – Jean Giono, Un Roi sans divertissement. Néanmoins, le village compte de belles maisons typiques du Trièves et deux châteaux des XIVe et XVe siècles. Au départ de Chichilianne (1004 m), l’itinéraire emprunte la GTV (Grande traversée du Vercors) vers le Pas de l’Essaure (1714 m), passe à la cabane de l’Essaure, puis descend le vallon de Combeau. Gîte d’étape.

Jour 2 : Vallon de Combeau – Grimone. 7 h de marche. + 1000 m ; – 1200 m.

Montez vers le col de Côte Chèvre (1531 m), où l’on quitte la GTV. De cairn en cairn, vers le nord-ouest, cheminez sur le Serre de Beaupuy, descendez vers le col de la Lauzette, au mieux dans les pins. Rejoignez les crêtes de la Grande Leirie et le col de Menée ou de « Minuit » (1457 m), qui marque la limite entre la Drôme et l’Isère. Lors des persécutions, on l’aurait nommé le col de Minuit en référence aux protestants qui, après la révocation de l’Edit de Nantes, s’y donnaient rendez-vous pour emprunter le chemin de l’exil. Un tunnel routier passe sous le col. Suivez le sentier qui monte au sommet du mont Barral (1903 m), d’où se découvre le massif du Jocou, vaste zone d’alpage. Au col de Seysse (1744 m), entamez la descente (GR 93) vers Grimone. Gîte dans le hameau de Grimone, célébré par Giono.

Jour 3 : Grimone – Les Nonnières. 7 h de marche. + 850 m ; – 1000 m.

Reprenez le sentier de la veille jusqu’au point 1309 puis obliquez vers le col de la Peyère (1293 m). Descendez en direction des Sucettes de Borne, étroites barres de calcaire dur redressées lors du soulèvement des Alpes, il y a 65 millions d’années. Les strates de marne les plus tendres ont disparu. Le vallon est connu pour abriter de très rares orchidées sauvages, les « sabots de Vénus ». Le sentier longe le ruisseau et oblique plein nord dans la forêt vers le Plainie. La montée vers le col de Plainie (1424 m) est suivie d’un sentier balcon, puis d’une longue descente vers les Nonnières ; admirez au passage les deux cascades du Sapet.

Jour 4 : Les Nonnières – Archiane – Châtillon en Diois. 7 h 30 de marche. + 500 m ; – 800 m ; longs (faux) plats en forêt.

Prenez l’ancien chemin en direction de Bénevise ; il passe entre les routes, puis rejoint la D515. « De chaque côté de la route, sur des bruyères de quatre doigts d’épaisseur, il y a des avenues de buis et de genévriers qui vont au diable. C’est vert sombre. » Jean Giono, Faust au village. Un long sentier balcon (GTV et GR 93), souvent entre deux haies de buis, permet de découvrir le cirque d’Archiane.

Traversez le joli village d’Archiane, et continuez sur l’autre versant jusqu’au col Gorodel, avant une longue descente dans la forêt du Glandasse, vers Châtillon-en-Diois. Châtillon, « c’est, entre deux flancs de montagnes un petit bourg paisible, sans bruit. Le mot qu’on y prononce le plus souvent c’est : soleil. On prend le soleil. On va prendre le soleil. Venez prendre le soleil. Il est allé prendre le soleil. Il ne fait pas soleil. Il va faire soleil. Il me tarde qu’il fasse soleil. Voilà le soleil, je vais prendre le soleil. Ainsi de suite. C’est le plus gros bruit. » Jean Giono, Les âmes fortes. Hébergements dans le village médiéval.

Jour 5 : Châtillon-en-Diois – maison forestière du Château – Chichilianne – 7 h de marche. + 1000 m ; – 1000 m.

Un transfert en taxi permet de rejoindre la maison forestière du Château. Montez au pas de Chabrinel (1631 m). La traversée du haut plateau est à éviter par temps de brouillard, car les repères y sont peu nombreux. Les anciens taillaient de grands pins, à distance les uns des autres. Ici, « l’Arbre taillé » est entretenu par les bergers depuis des générations. A la cabane de Pré Peyret, quittez la GTV et le GR 91 pour traverser la réserve naturelle par la plaine de la Queirie et rejoindre la carrière romaine.

A 1 800 m d’altitude, les Romains ont laissé des carrières de pierres de construction. Loin de toute zone habitée mais sur un axe de communication important, entre Grenoble et Die, entre Valence et Montgenèvre. Elles se présentent en deux zones d’extraction distantes d’environ cinquante mètres.

La roche est un calcaire urgonien dur qui peut, visuellement, concurrencer le marbre. Dans les gradins irréguliers, au pied de la carrière, subsistent fûts de colonne, bases de chapiteaux, chapiteaux inachevés, tambours de colonnes, dalles, etc. Ces carrières semblent avoir fonctionné entre la fin du Ier siècle de notre ère et le IIIe siècle, pour participer à la réalisation de certaines constructions de Die, avec le granit, le marbre et le grès. Vous trouverez sans doute des edelweiss dans les environs de la carrière.

A l’azimut, laissez sur votre droite le jasse de Peyre Rouge (bergerie). Une longue traversée dans les alpages calcaires de Peyre Rouge permet de rejoindre le pas de l’Aiguille (1622 m), avec une vue impressionnante sur l’étrave du mont Aiguille. Passez devant le refuge de Chaumailloux, puis devant un monument à la résistance, avant d’entamer une longue descente vers Chichilianne.

Option 1 : on peut aller, en une journée supplémentaire, de Châtillon-en-Diois à Valcroissant (abbaye cistercienne) ; nuit à Valcroissant et transfert à la maison forestière du Château.

Option 2 : Jour 5 de Châtillon-en-Diois à Valcroissant – Jour 6 de Valcroissant à Die – Jour 7 de Die à la cabane de Pré Peyret (non gardée, sommaire, eau à 200 m à la fontaine des Endettées, parfois à sec) – Jour 8 : voir itinéraire du jour 5

Ces deux options n’ont pas été reconnues par le rédacteur de cet itinéraire. Consultez les cartes IGN et les topoguides des GR 91, 93, 95 et de la GTV.

Activités connexes

Possibilités de parcours en VTT.

Abbaye de Valcroissant : abbayedevalcroissant.eu

Cartographie

3237 OT, Glandasse, col de la Croix Haute, PNR du Vercors

Bibliographie

  • Jean Giono, Un Roi sans divertissement, 1937 – Pour la description des saisons, du grand hêtre et pour la traque du loup.
  • Jean Giono, Les Ames fortes, 1950  – Pour la vie à Châtillon en Diois au XIXe siècle et au début du XXe.
  • Giono, Faust au village, 1977 (édition posthume) – Parmi les nouvelles du recueil, une nouvelle fantastique, où une incarnation du diable est prise à plusieurs reprises en autostop par un camionneur sur la route de Grimone.
  • René Bourgeois, Giono et les Alpes, collection “Les patrimoines”, éditions Le Dauphiné Libéré, 2010.

Accès

Chichilianne est à 60 km au sud de Grenoble et à 125 km à l’est de Montélimar.

Matériel spécifique, équipement

Chaussures de randonnée à semelles crantées supportant des passages tout-terrain, les éboulis et la pluie. Vêtements adaptés à la randonnée en moyenne montagne. Boussole indispensable. En été, 2 litres d’eau par jour au minimum.

Art de vivre

Clairette et crémant de Die, picodons, agneau AOC, ravioles…

Liens

Musée historique et archéologique de Die et du Diois : museediois.wix.com

Le Centre Jean Giono, à Manosque : centrejeangiono.com

Entretien avec Jean Giono un an avant sa mort : fresques.ina.fr

Année où cet itinéraire a été parcouru

Eté 2012

« Nos vrais arbres sont le hêtre, le chêne, le peuplier, le frêne, le sycomore, l’alisier, l’érable ; […] au bord des chemins, les buis, les églantiers, surtout les buis qui deviennent de vrais arbres de trois à quatre mètres de haut, puis, en montant dans la montagne, à une demi-heure d’ici, on a des sapins et des mélèzes, des forêts extrêmement noires, de la mousse épaisse, des cascades d’eau froide, des pins alpestres torturés de vent, penchés au bord de pâturages vermeils. » Jean Giono, « Monologue », in Faust au village.