Les costumes niçois
Lire le costume, c'est lire la carte d'identité de la personne. Il nous informe sur sa classe sociale, son lieu de vie, sa situation maritale.
Le costume traditionnel fait partie intégrante de l’identité niçoise. À l’image du climat que l’on retrouve dans le comté de Nice, il est varié et composé de déclinaisons. Il s’adapte en fonction de l’habitat de celui qui le porte, qu’il s’agisse de la côte ou de l’arrière-pays montagneux. Lire le costume, c’est lire la carte d’identité de la personne. Il nous informe sur sa classe sociale, son lieu de vie, sa situation maritale. Comment, de modestes habits populaires, en sommes-nous arrivés aux costumes variés et chatoyants que nous connaissons aujourd’hui ? Dans cet article, nous retracerons le chemin de ces costumes, semblable à un murmure des temps anciens et du futur.
Origines
Mettre en lumière les costumes traditionnels c’est retrouver nos origines et rendre hommage à ces femmes d’autrefois, ingénieuses, qui ont pris du temps malgré leurs conditions de vie plus difficiles que les nôtres, pour filer, tisser, coudre, broder les habits de fête et de cérémonie de leurs familles. Les costumes traditionnels qui marquent les différences régionales sont relativement récents. Jusqu’au XVIIIe siècle, le peuple est vêtu de façon sensiblement identique partout en Europe occidentale. À ce moment-là, les différences sont essentiellement marquées par la classe sociale. Les différences entre les régions se mettent en place à la période de l’Ancien Régime. La révolution industrielle au XIXe siècle, moment où les provinces disparaissent et sont remplacées par le découpage par département, rend ensuite le textile moins onéreux et lui permet de circuler plus facilement. C’est, finalement, l’épouvantable conflit mondial de 1914-1918 qui les rangera au placard : les hommes partent loin de chez eux et les femmes, devant assumer leur travail, préfèrent revêtir des vêtements plus fonctionnels.
Fonctions
Les fonctions du vêtement traditionnel sont multiples. Sa première et principale fonction est de protéger le corps du froid, de la chaleur et des parasites. Depuis le fin fond des âges, l’Homme se vêt pour se protéger. Sur le littoral ou le Haut Pays, les Niçois doivent s’abriter tour à tour du soleil et de la neige. Ensuite vient la préservation de la pudeur. Dans une société très codifiée où il est important de ne pas contrevenir à l’ordre public, moral et religieux, il est essentiel de se couvrir, bien plus d’ailleurs dans les classes populaires que dans la haute société qui s’en affranchit bien volontiers. Cheveux lâchés, bras nus, décolleté ou mollets à la vue de tous sont proscrits. Communiquer fait également partie de l’utilité de l’habit. Il est un moyen de renforcer son appartenance à une catégorie ou une couche sociale, une classe d’âge, etc., donc de son identité par le choix des matières notamment. Le costume féminin est aussi un moyen pour le mari de montrer sa fortune aux yeux de tous. Pour finir, les habits servent également à façonner le corps. Chez les classes populaires, ce n’était pas une préoccupation très présente de porter corsets, ceintures serrées ou autres accessoires pour affiner la silhouette. Toutefois, la taille reste bien marquée sur la plupart des gravures et dessins d’époque. Mais peut-être sont-ce là tout simplement les bénéfices du régime méditerranéen !
Composition
Les vêtements sont taillés dans des tissus épais et lourds. Ils doivent être simples à enfiler et faciliter les mouvements, car les travaux des champs requièrent une grande aisance. Les jupes sont longues et larges pour ne pas entraver la marche. Les ressources locales sont les plus utilisées dans la confection des vêtements. Le lin, le chanvre, la soie et la production de laine abondent localement et sont mis en forme selon des techniques archaïques. S’ajoute le coton qui est importé d’Inde, très souvent imprimé et qui apporte une grande variété de vifs coloris. Lors des fêtes votives, familiales ou saisonnières, l’on revêt un costume bien plus soigné. Les tissus sont de belle manufacture et à cela s’ajoutent de la dentelle, des rubans de velours et des bijoux.
Le choix des couleurs a son importance. Jusqu’alors, les vêtements populaires étaient sombres et délavés. Après l’abolition des lois somptuaires, le rouge n’est plus réservé au roi ou aux prostituées et devient la couleur de la liberté et de la gaieté. Le jaune, couleur de Judas, se répand davantage avec la mode provençale des tissus indiens à fond jaune. Le bleu clair est la couleur de la maternité. Le vert est peu usité à cause de sa proximité avec l’islam. En réalité, ce serait plutôt par praticité, car les teintes de vert sont difficiles à obtenir et à fixer sur le tissu. Le noir est utilisé par petites touches dans les accessoires et reste la couleur du deuil. Le blanc, quant à lui, est uniquement utilisé pour les couches inférieures de vêtements, car très salissant. Les teintures sont extraites de végétaux locaux : racines, brou de noix, noisettes, airelles, chou rouge, anthémis, écorce de bouleau blanc, de chêne ou d’aulne, feuilles de cardon, de figuier, fougère, genévrier, mélèze, millepertuis, pelures d’oignon, ronces… Les moyens sont multiples, mais le nuancier n’est pas vaste pour autant.
Parmi les éléments de costumes niçois, nous retrouvons des pièces intemporelles telles que la capelina ornée de ses trois étoiles de velours noir qui est un chapeau en paille de blé ou de seigle, en forme de cône plat. On peut retrouver également un bonnet en toile blanche et fine ou encore lou cairèu, un mouchoir de tête en coton brodé ou en dentelle. Un corsage parfois garni de rubans vient se superposer à un chemisier. Un châle aux tons chatoyants couvre les épaules. De longues jupes aux couleurs claires, un tablier, des bas clairs et des chaussures à boucles. On retrouve souvent deux ou trois rangées de rubans de velours en bas des robes. Ce serait en fait un procédé des couturières pour rallonger la jupe en rajoutant du tissu de manière esthétique au fur et à mesure que la jeune fille grandit, afin de ne pas avoir à en confectionner une autre. La touorsa, adoptée dans le comté depuis le Moyen-Âge, est une coiffure réalisée avec une grosse tresse enroulée sur le dessus de la tête, elle-même enroulée dans un gros ruban de velours noir. La simplicité et la praticité de cette coiffure la rendent populaire. De plus, elle permet de caler des charges sur la tête.
Un feutre noir vient coiffer les hommes habitant en montagne. Une chemise blanche, un gilet en velours ainsi qu’un pantalon, en velours également. Un bonnet rouge se retrouve dans le costume du pêcheur, servant de cachette pour sa bourse ou, plus amusant, pour un galet afin de l’empêcher de s’envoler ! Dans le costume masculin plus récent, nous retrouvons la taïola, une longue étoffe de laine souple ou de flanelle, enroulée autour de la taille et servant de ceinture. Elle permet de soutenir les reins lors d’un effort et de tenir chaud en hiver. Sur la côte, elle est souvent rouge ou bleue tandis qu’en montagne, elle est plutôt brune ou écrue. Les Niçois qui servent dans le corps des chasseurs alpins à partir de 1880 peuvent conserver, après leur temps, la taïola et la tarta (béret) bleus.
Il faut noter que le célèbre costume de la bouquetière est une invention bien plus récente. Il semble avoir vu le jour pour séduire les estivants et apporter une touche « folklorique ». La jupe courte et le large décolleté présentent en effet de meilleurs arguments de vente ! Bien loin de l’image faste véhiculée par la Côte d’Azur, le comté de Nice reste une terre riche de son histoire et de ses traditions forgées avec la simplicité et la modestie des moyens offerts par la région. Préférons la capeline et la taïola au jean et aux baskets !
Céline – Promotion Frédéric Mistral