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L’écologie, une troisième voie pour un renouveau de la droite européenne

Et si l’écologie n’était pas une affaire de gauche ? L'écologie politique, actuellement perçue comme le domaine réservé de la gauche, pourrait conférer à la droite européenne une nouvelle dynamique. Un texte de Marie Pace, auditrice de la Promotion Charlemagne de l'Institut Iliade.

L’écologie, une troisième voie pour un renouveau de la droite européenne

L’écologie politique, actuellement perçue comme le domaine réservé de la gauche, pourrait conférer à la droite européenne une nouvelle dynamique. En conciliant son héritage culturel, économique et philosophique avec les enjeux contemporains, elle a la possibilité de se transformer en une force de renouveau, transcendant ainsi les divisions traditionnelles entre le libéralisme et le collectivisme. Loin d’être perçue comme une contrainte dictée par des normes technocratiques, l’écologie peut constituer un authentique projet de civilisation, ancré dans les valeurs essentielles de la droite.

Ainsi, face à une droite libérale qui ne veut pas remettre en question ses erreurs et ses errances, face à une droite populiste souvent démagogue, l’écologie apparait comme la voie politique à défendre pour les Européens enracinés.

Pour que cette voie soit la bonne, il s’agira de défendre une écologie conciliant vision holistique et ambitieuse de la société avec la défense et la prise en compte des aspirations populaires.

L’écologie, un retour aux sources pour la droite radicale

Historiquement, la droite a toujours entretenu un lien fort avec la terre, les traditions et l’ordre naturel. De nombreuses figures du conservatisme ont défendu une vision du monde où l’enracinement et l’identité territoriale jouent un rôle central. Loin d’être une idéologie progressiste détachée des réalités humaines, l’écologie peut être un prolongement naturel des valeurs de préservation et de transmission chères à la droite.

L’écologie peut ainsi rejoindre l’idée d’une préservation du patrimoine, non seulement architectural et culturel, mais aussi environnemental. Dans une époque marquée par l’uniformisation mondiale et l’effacement des spécificités locales, elle constitue une réponse aux excès du modernisme et du consumérisme. Le respect des paysages, des modes de vie ancestraux et des équilibres naturels rejoint la quête identitaire et la volonté de conserver une harmonie sociale à l’échelle locale.

Au XIXᵉ siècle, avec la révolution industrielle, émergent des pensées critiquant les excès du productivisme et l’impact de l’urbanisation sur les paysages et les modes de vie traditionnels. Dans de nombreux pays européens, des écrivains et philosophes conservateurs, tels qu’Ernst Jünger en Allemagne, ont souligné l’importance de préserver un lien authentique entre l’homme et son environnement.

Dans Le Nomos de la Terre, Carl Schmitt insiste sur l’importance de l’enracinement et du rapport à la terre comme fondement du droit et de l’ordre social. Il critique l’idéal cosmopolitique et défend une conception du droit liée à la territorialité et à la souveraineté.

L’écologie profonde, concept fondé par le philosophe norvégien Arne Næss dans les années 1970, marque une rupture avec les approches purement technocratiques de la question écologique. Elle ne se limite pas à une gestion rationnelle des ressources, mais propose une vision où la nature possède une valeur intrinsèque, indépendante des intérêts humains. Cette pensée rejoint certaines perspectives conservatrices qui valorisent le respect des cycles naturels, la continuité historique et l’harmonie entre l’homme et son territoire.

Bruno Mégret, ancien membre du Front national, a introduit l’écologie dans le programme du parti au début des années 1990. Après la scission mégrétiste, la thématique a été mise de côté. Laurent Ozon puis Hervé Juvin ont essayé plus récemment de proposer une vraie vision écologique dans le programme politique du RN, sans succès.

Malheureusement, les partis politiques de droite en France sont particulièrement réticents à proposer une vision écologique sérieuse et profonde car elle implique un changement de paradigme, de sortir du productivisme économique et du jacobinisme.

C’est pourquoi il importe que la droite européenne retourne aux sources de ses valeurs. Dans cette logique, la droite radicale européenne pourrait revendiquer une écologie enracinée, qui s’oppose à l’uniformisation et à la marchandisation du vivant. Plutôt qu’un écologisme bureaucratique fondé sur des régulations abstraites, cette écologie réhabiliterait la notion de limite, essentielle dans la gestion des ressources et la protection des écosystèmes.  Elle inviterait surtout à un retour à des modes de vie plus autonomes, fondés sur l’équilibre entre tradition et innovation. Elle permettrait donc un dépassement des voies libérale et collectiviste de la droite européenne actuelle.

L’écologie, un dépassement du libéralisme et du collectivisme

Depuis le XIXᵉ siècle, deux modèles économiques et politiques majeurs ont structuré la pensée sociale : le libéralisme, fondé sur la liberté individuelle et la logique du marché, et le collectivisme, qui privilégie la propriété commune et la régulation étatique des ressources. Ces deux modèles ont façonné les sociétés modernes, mais leurs limites face aux crises environnementales sont de plus en plus évidentes.

L’écologie, loin d’être une préoccupation environnementale banale, s’impose comme un dépassement de cette dualité en repensant les rapports entre l’homme, l’économie et la nature. Le libéralisme, en favorisant la croissance économique et l’innovation, a permis des avancées majeures, mais son fondement repose sur une exploitation effrénée des ressources naturelles. La logique de profit à court terme engendre la destruction des écosystèmes, la pollution et l’épuisement des sols. Dans ce modèle, la nature est souvent réduite à une marchandise, ce qui empêche une gestion durable et responsable.

À l’inverse, le collectivisme a tenté d’imposer une régulation plus rigoureuse des activités économiques, avec une planification centralisée. Cependant, l’histoire a montré que les systèmes collectivistes pouvaient également engendrer une gestion brutale des ressources, sans réelle prise en compte des dynamiques naturelles.

L’écologie propose une alternative qui dépasse cette opposition. Plutôt que de soumettre la nature aux impératifs du marché ou aux décisions d’un État centralisé, elle invite à repenser les rapports entre société et environnement de manière intégrée et durable. Cela passe par une relocalisation des économies, une gestion circulaire des ressources et une gouvernance plus décentralisée où les communautés jouent un rôle actif dans la préservation de leur environnement.

Loin d’être une régulation élémentaire ou une contrainte, l’écologie est une opportunité de repenser nos modes de vie et d’organisation sociale. Elle remet en question le consumérisme tout en évitant les excès d’une planification autoritaire. Elle privilégie l’autonomie, la responsabilité individuelle et collective, tout en respectant les rythmes naturels et la diversité des écosystèmes.

Ainsi, dans les débats économiques et politiques, l’écologie peut apparaître comme une alternative aux excès du libéralisme et du collectivisme. D’un côté, elle s’oppose à la logique productiviste et court-termiste du marché, qui exploite sans limite les ressources et alimente un modèle consumériste déconnecté des réalités écologiques. De l’autre, elle refuse l’interventionnisme centralisé et planificateur des États, souvent inefficace et contraire aux initiatives locales.

La droite européenne pourrait ainsi s’approprier une écologie qui défend une économie régulée par des principes de durabilité et de responsabilité. La protection de l’environnement ne doit pas être une contrainte bureaucratique imposée d’en haut, mais un principe d’organisation fondé sur l’initiative des acteurs locaux. Plutôt que d’opposer croissance et préservation écologique, il est possible d’imaginer un modèle où innovation et respect des ressources vont de pair, favorisant les circuits courts, les productions raisonnées et une autonomie des territoires.

Il importe surtout de défendre un futur joyeux et constructif en proposant un projet viable basé sur une véritable vision du monde.

L’écologie, une vision du monde

Enfin, l’écologie politique est bien plus qu’une série de mesures techniques : elle propose une vision du monde fondée sur l’équilibre entre l’homme et la nature. Elle rappelle que les sociétés ne peuvent indéfiniment fonctionner sur le principe de l’expansion sans limite et du progrès matérialiste. En redonnant du sens à la notion de transmission, d’héritage et de respect des rythmes naturels, elle rejoint des conceptions conservatrices du temps long et de l’enracinement.

Le malthusianisme repose sur l’idée que la population humaine doit être limitée pour éviter une surexploitation des ressources. Si on peut rattacher cette doctrine à une véritable sagesse européenne fidèle au principe apollinien du « Rien de trop », il ne faudrait pas qu’elle soit le prétexte à des politiques coercitives et injustes. De même, une décroissance imposée sans discernement peut freiner l’innovation, la prospérité et le développement technologique nécessaire à une transition écologique efficace. Plutôt que de prôner une réduction drastique de la production et du progrès, il est essentiel de penser une écologie dynamique, qui valorise l’équilibre entre préservation des ressources et stimulation de nouvelles formes d’économie durable. Loin des dogmes idéologiques, l’écologie de la droite européenne pourrait ainsi promouvoir un modèle de croissance régulée, articulé autour de la responsabilité, de l’autonomie et du respect des équilibres naturels.

De plus, là où certaines visions écologiques prônent une rupture totale avec le passé, une écologie pensée par la droite européenne pourrait au contraire s’inscrire dans une continuité historique. Elle valoriserait ainsi les traditions et la sagesse des sociétés anciennes dans leur rapport à l’environnement. Cette philosophie globale réconcilierait modernité et respect des équilibres, technologie et préservation, innovation et enracinement.

Loin des revendications purement idéologiques du féminisme contemporain, une approche écologique de la question féminine pourrait offrir une alternative ancrée dans la complémentarité et la valorisation des rôles naturels. Loin des constructions sociales arbitraires, elle reconnaît l’importance des spécificités biologiques et culturelles qui façonnent l’identité féminine dans la société. En mettant l’accent sur la préservation des structures familiales, des communautés locales et des rythmes de vie respectueux des besoins fondamentaux, l’écologie permet une redéfinition du rôle de la femme fondée sur la continuité et la transmission, plutôt que sur la rupture et le conflit. Cette approche pourrait renforcer les protections sociales et culturelles qui assurent à la femme une place essentielle dans l’organisation naturelle des sociétés humaines.

À l’opposé de l’approche moralisatrice et punitive de l’écologie défendue par certains courants de gauche, cette écologie de troisième voie s’appuie sur la responsabilisation et la fierté de préserver l’environnement, plutôt que sur la culpabilité et les restrictions imposées. Elle n’aspire pas à instaurer des interdictions sévères ni à pénaliser des comportements individuels, mais vise à promouvoir une transition écologique constructive, fondée sur l’innovation, l’initiative locale et la mise en valeur des modes de vie durables.

Éloignée des logiques de salariat standardisé et d’emploi dépourvu de véritable ancrage, une approche écologique envisagée dans le cadre d’un renouveau de la droite européenne pourrait redonner du sens au travail. Elle valorise une économie fondée sur la responsabilisation, l’autonomie et la création locale, plutôt que sur la dépendance à des structures bureaucratiques ou à des grandes entreprises souvent déconnectées des réalités territoriales. Plutôt que de subir une organisation du travail impersonnelle, cette approche réhabiliterait l’artisanat, les petites entreprises, et les circuits courts qui donnent aux individus un rôle actif dans leur environnement. Cette vision, fondée sur l’initiative et la liberté économique, favorise l’émergence d’un tissu entrepreneurial dynamique, où les petits patrons et les travailleurs autonomes remplacent progressivement une logique de salariat excessif.

La question écologique est aussi intimement liée aux dynamiques migratoires. Une gestion réfléchie des flux de population permet de mieux préserver les ressources, les espaces naturels et les équilibres territoriaux. Il est important que chaque territoire ajuste ses capacités d’accueil en fonction de ses ressources et de son environnement. L’écologie, et en particulier la préservation des écosystèmes, est en cela le terreau idéal pour proposer un projet viable de remigration des populations allogènes du territoire européen.

L’idéologie du progrès a de nombreuses conséquences, mais celle qui semble la plus fâcheuse à toute personne dotée de bon sens est sa capacité à annihiler la tendance naturelle de l’homme, et encore davantage de la femme, à se montrer méfiant vis-à-vis de la nouveauté.

Sans céder à une paranoïa excessive, il est essentiel de garder à l’esprit le principe de précaution, qui constitue le fondement du droit de l’environnement. Il importera donc pour une écologie profonde, et non superficielle, de concilier ce principe de précaution avec l’aspiration de l’Homme européen vers l’inconnu et la découverte.

Conclusion

La révolution et l’idéal sont souvent considérés comme des privilèges de la jeunesse. Les personnes âgées, en particulier celles qui ont réussi économiquement, manifestent fondamentalement une réticence à modifier le système en place. La génération de 1968 apparaît par ailleurs comme une caricature particulièrement saisissante de cette réalité. Même lorsqu’ils parlent de renverser le système, c’est bien souvent par pure posture.

C’est la raison pour laquelle, sans céder à un excès de jeunisme, et tout en reconnaissant l’importance d’écouter nos aînés, il est essentiel de porter une attention particulière aux préoccupations des jeunes générations. Il est donc essentiel pour la droite européenne de promouvoir l’écologie en tant que troisième voie, en opposition au libéralisme et au collectivisme, afin de concilier les préoccupations des jeunes générations, qui sont davantage sensibles aux enjeux environnementaux, avec l’attachement à la Tradition, caractéristique de la droite. Bien qu’elle puisse sembler, sur le papier, constituer une option marginale, elle apparaît néanmoins comme la solution à privilégier sur le long terme.

Marie Pace – Promotion Charlemagne

Bibliographie

  • L’écologie politique, une vision du monde réactionnaire, Stéphane François, Éditions du Cerf, 2012
  • Quelle écologie pour demain ?, sous la direction de Enzo Sandré et Francis Venciton, Éditions de Flore, 2020
  • L’écologie radicale, Frédéric Dufoing, Infolio, 2012
  • Le sens de l’écologie politique, Antoine Waechter et Fabien Niezgoda, Éditions Sang de la Terre, 2017
  • France, les années décisives, Laurent Ozon, Éditions Bios, 2014
  • Une écosophie pour la vie, Arne Naess, Éditions Points, 2020
  • L’homme et la Terre, Ludwig Klages, RN éditions, 2016
  • Le nomos de la Terre, Carl Schmitt, PUF, 2017
  • Le bluff technologique, Jacques Ellul, Pluriel, 2017
  • Localisme ou nationalisme ? La Vie des idées
  • Colloque 2020 de l’Institut Iliade : La nature comme socle