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La sole d’hiver, le sauvage dans l’assiette

La sole de l'Atlantique nord, aussi appelée semelle de Jupiter : un joyau des fonds marins, plat favori de Louis XIV, alliant puissance et extrême finesse.

La sole d’hiver, le sauvage dans l’assiette

C’est la haute période des tempêtes dans l’Atlantique Nord, la Bretagne se dresse avec ses plus dures roches granitiques comme l’ultime rempart de l’Europe occidentale. C’est dans ces mers froides et profondes que les chaluts rapportent les plus belles soles de l’année, de superbes combattantes puissantes et charnues.

En effet, les plus grands formats sont les plus recherchés par les connaisseurs : la sole « petit bateau » peut peser jusqu’à 2 kg.

Une des particularités de ce poisson est de pouvoir restituer dans sa chair une part de son environnement : notes iodées, parfums d’algues fraîches, vase noble, goût crustacé…

Et, pour notre plus grand bonheur, la cuisine contemporaine (1) ne se préoccupe plus des artifices aromatiques qui masquaient autrefois le goût des produits, elle préfère désormais mettre avant la vérité sauvage du produit.

Comment donc restituer fidèlement la pureté de notre sole sauvage ?

Tout d’abord, il faut commencer par attendre : un à deux jours de repos à zéro degré. Sans cela, sa chair risquerait d’être plus raide que ferme.
Ensuite vient le temps de la cuisson, elle se fait à l’unilatéral (c’est-à-dire d’un seul côté). Rôtie au beurre clarifié (de préférence, un beurre Bordier) sur une peau délicatement écaillée et incrustée d’éclats de sel. Attention, la chair de la sole doit rester rosée sur l’arête. La peau croustillante aiguise les papilles sans excès, cette chips granitique délicatement salée donne de la personnalité à la chair épaisse du poisson. Ici, ni adjonction extérieure, ni association approximative, seules la précision de la cuisson et la grande qualité du produit permettent d’accéder à l’essence de ce plat érigé par Louis XIV au « rang de mets royal » (2).

En bouche, cette sole nous offre alors un sentiment mêlé de puissance et d’extrême finesse. La « mâche » est ferme mais sans excès, les notes iodées et animales sont délicatement fondues. Pour se convaincre définitivement de la supériorité de notre sole d’Atlantique nord (dite sole « commune » ou « franche »), il vous suffira de goûter, par exemple, son équivalent d’Atlantique sud : la sole « du Sénégal » : sans grand intérêt gustatif quel que soit son mode de préparation.

Vous pourrez trouver ce joyau des fonds marins dans sa plus pure expression à l’Amarante, petit bistrot parisien dédié quasi exclusivement aux produits français de très haute qualité.

Et merveille des merveilles, certains jours, le cri des mouettes survolant le port de l’Arsenal tout proche vous transportera peut être au bord de l’océan qui a vu naître ce si bel animal.

Que boire avec ? Un blanc bien entendu. Le muscadet Amphibolite de Joe Landron s’accorde parfaitement !

Nicolas d’Aubigny — Promotion Marc Aurèle

Ce texte fait partie d’une série, les itinéraires gastronomiques (en savoir plus).

Notes

  1. Revue “Enquête sur l’histoire” n°24, p35 : “La cuisine de l’époque vaut en effet par la quantité et la qualité des épices utilisées pour donner du goût aux viandes et faire oublier l’absence de conservation par le froid.”
  2. Gwenael-Le-Houerou, La sole, Edition L’épure.