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Exposition Gallen-Kallela : l’identité finlandaise en peinture

Retour sur une exposition de printemps qui met à l’honneur la beauté des paysages nordiques et le charme de ses vieilles légendes européennes.

Exposition Gallen-Kallela : l’identité finlandaise en peinture

Dans le cadre du printemps finlandais en Île-de-France, l’exposition « Mythes et Nature » se tient au musée Jacquemart-André, dans le VIIIème arrondissement de Paris. Elle met à l’honneur Axel Gallen-Kallela, peu connu en France même s’il est considéré comme le peintre national de la Finlande.

Né en 1865 dans un pays alors sous dépendance de l’Empire Russe, le jeune Axel exprime très vite un désir de liberté, d’indépendance, d’émancipation. À dix-neuf ans seulement, il part donc se former à la peinture à Paris où il étudie au sein de l’Académie Julian. Il goûte ainsi à la vie de bohème et s’imprègne de la peinture moderne et de la mode d’alors. C’est notamment le symbolisme, courant artistique dominé par l’opposition au naturalisme, la mise en avant du rêve, de l’imagination, du symbole et du mythe qui l’inspire. La vie du peintre est également marquée par de nombreux voyages. Allemagne, Italie, Autriche, Hongrie, Londres… Il a traversé toute l’Europe mais il a aussi vécu au Kenya (qui alors était l’Afrique orientale britannique), et plus tard, en Amérique. Pourtant, il n’a jamais oublié ses racines. Le peintre revient fréquemment en Finlande et son œuvre est marquée par la volonté de témoigner de la beauté de son pays natal. Il s’est lui-même bâti une maison, baptisée Kalela, en pleine nature, loin du tumulte du monde, près du lac Ruovesi.

L’œuvre de l’artiste, comme l’indique le nom de l’exposition, et malgré ses multiples sources d’inspiration, est habitée par deux sujets essentiels : la nature et le mythe. La première, d’abord, inspire le peintre. C’est une nature préservée du travail des hommes, de leurs souillures, qu’il s’attache à peindre. C’est une nature indomptée, comme les paysages sauvages de son pays natal qu’il veut retranscrire dans son œuvre. Ainsi, dans la Nuit de printemps, peint en 1914, œuvre qui montre un paysage dénué de présence humaine : on contemple le calme du lac, la présence des arbres, de près, au premier plan – plan coupé comme dans une photographie – et au loin le soleil couchant et son reflet sur le lac… La scène est, comme souvent, à la fois simple et méditative. Descriptive mais extrêmement symbolique… Dans cette œuvre l’artiste nous invite à contempler sa vision : celle de sa nature, de sa terre, de sa maison… À travers cette œuvre l’artiste nous transmet sa pensée et nous plonge dans un espace inhabité par l’homme. C’est une véritable invitation à l’humilité face à un univers indomptable et sauvage.

La représentation que fait Gallen-Kallela de la nature est particulièrement intéressante. Il y a d’un côté une volonté de la décrire, de l’exposer, de la comprendre telle qu’elle est, comme le manifestent ses dessins botaniques, ses études d’arbres comme le bouleau ou le sapin (nous pouvons remarquer qu’il s’agit à chaque fois de végétaux typiques de ces régions nordiques). D’un autre côté, il y a la nature qui inspire le rêve, l’évasion, le mythe… Celle d’un monde enchanté, peuplé d’êtres féériques de légendes nordiques… Les paysages enneigés, comme la Forêt en hiver, peint en 1900 invitent le spectateur à l’onirisme… Et que dire du mystérieux Lac Keitele, peint en 1905, qui est jonché de lignes argentés. Ces bandes occupant la surface de l’eau évoquent-elles les trainées de la barque de l’un des héros du Kalevala, comme le voudrait la tradition populaire ?

Mais la nature de l’artiste n’est pas seulement contemplée, elle est aussi vécue, explorée par celui qui parcourait inlassablement les moindres recoins de son pays. L’artiste s’est représenté lui-même en train de skier avec son fils dans une œuvre étrange, Les skieurs Akseli et Jorma Gallen-Kallela. Elle pourrait représenter une banale scène de la vie quotidienne, où il s’agit de mettre en avant le mouvement, la torsion et l’élan des corps saisis dans l’activité physique. Mais il y a plus car les couleurs employées, couleurs primaires, attirent l’œil : les visages en plein effort sont rouges, la neige bleue ciel, au loin le ciel jaune évoque le coucher du soleil si tôt venu dans ces contrées en hiver… Cette œuvre est particulière car le peintre a su synthétiser de manière originale deux influences de l’époque : celle des expressionnistes allemands et des fauves français marqués par la couleur. Et en même temps il s’agit de représenter ce qui est un sport national, une promenade de santé pour les finlandais.

La deuxième source d’inspiration d’Axel Gallen-Kallela est le mythe. Pas n’importe lequel. L’artiste renoue avec un mythe ancien et traditionnel finlandais, le Kalevala… Celui-ci est directement influencé par les paysages nordiques. En effet, cet environnement naturel, glacial et majestueux, inspire à son peuple des légendes particulières. On raconte que les aurores boréales sont déclenchées par des renards de feu qui courent à toute allure dans le ciel, et dont la queue laisse des trainées d’étincelles. Gallen-Kallela a illustré la légende du Kalevala, immense épopée nationale qui raconte d’abord la création du monde, puis les aventures de héros, comme Väinämöinen, vieux sage doté d’une longue barbe blanche et à la voix magique, qui aurait inspiré à Tolkien le personnage mythique de Gandalf… Dans l’exposition, une œuvre est particulièrement mise en avant, c’est la légende d’Aïno, triptyque peint dans les années 1888 et 1889. Cette jeune fille, devait épouser le vieil Väinämöinen, mais l’idée la répugne. Le premier épisode du triptyque la montre fuyant les avances de celui qu’elle a rencontré dans la forêt. Poursuivie, elle se réfugie au bord de l’eau, et finit par se suicider, se métamorphosant en esprit aquatique, rejoignant les servantes nymphes de Vellamo, déesse des lacs, des rivières et de la mer… Ce que représente les deux autres moments du triptyque.

Ainsi, l’artiste, illustrant ce qui est le mythe fondateur de l’identité finlandaise, permet à son peuple de renouer avec cette vieille légende, de la manifester, de la figurer.  Rappelons que le Kalevala n’a été mis par écrit et publié pour la première fois que le 28 février 1835 (date depuis célébrée comme un fête nationale). Auparavant, ces contes étaient chantés, les soirs d’hiver, par des bardes accompagnés d’un kantele, petite harpe à cinq cordes devenue instrument national. C’est dire si ce poème illustre l’identité propre de la Finlande. Et en effet, si cette légende est proche des mythologies voisines, vikings, germaniques, ou encore irlandaise, elle conserve des spécificités proprement finlandaises. Et c’est cela aussi que met en avant l’artiste, qui s’est engagé toute sa vie durant pour l’indépendance de son pays, contre les influences culturelles scandinaves et les revendications politiques russes. Gallen-Kallela a d’ailleurs, avec son fils Jorma, participé à la guerre civile qui a conduit à l’indépendance de la Finlande en 1918.

Cette exposition nous permet de nous évader vers un pays mystérieux et méconnu. Elle nous fait voir poétiquement la beauté de ses paysages, le charme de ses vieilles légendes à travers le regard d’un artiste amoureux de son pays. Elle nous permet à la fois de nous replonger dans une époque de la peinture européenne propice au rêve et à l’évasion (le symbolisme) et de renouer avec une identité spécifique d’une nation, à la fois jeune et séculaire, la Finlande.

Floriane Fratini – Promotion Tolkien

Informations pratiques

Exposition Gallen-Kallela. Mythes et nature.
Jusqu’au 25 juillet 2022 au Musée Jacquemart-André, 158 boulevard Haussmann 75008 Paris.
musee-jacquemart-andre.com

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