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Vivre en Européen : « La nature comme socle, l’excellence comme but, la beauté comme horizon »

Extrait de l’ouvrage collectif de l’Institut ILIADE Ce que nous sommes - Aux sources de l'identité européenne, par Grégoire Gambier (Pierre-Guillaume de Roux éditeur, lancement officiel à l’occasion du colloque annuel de l'ILIADE, le 7 avril 2018 à Paris).

Vivre en Européen : « La nature comme socle, l’excellence comme but, la beauté comme horizon »

Le Grand Remplacement est en marche. Cette invasion migratoire, sans précédent dans l’histoire de l’Europe, est à la fois le symptôme et la conséquence d’une « fatigue du sens » (Richard Millet), d’un refus plus général, et profond, des Européens de persévérer dans leur être. Ce que nous nous laissons imposer, ce ne sont pas seulement des populations étrangères. Ce sont des religions, des cultures, des modes de vie qui nous rendent étrangers à nous-mêmes. L’arrivée des migrants achève le règne des mutants : l’homo festivus (Philippe Muray) portait en germe, avec le règne du nihilisme hédoniste et de l’indifférenciation générale, la possibilité de la mort de notre civilisation.

Face à la menace, il nous faut plus que jamais « être et durer », mais aussi « croire et oser »

Croire qu’il existe toujours un autre chemin – un destin. Et oser l’emprunter – l’endosser. Oser croire surtout qu’il n’appartient qu’à nous, individus et communautés naturelles, organiques, de répondre aux formidables défis qui s’annoncent pour les peuples et les nations d’Europe. Comment ? En retournant à l’essentiel. En renouant le fil secret de notre tradition perdue. En retrouvant dans les plis, dans les racines les plus profondes de notre identité, les sources et les ressources nécessaires au sursaut et au salut. Bref, en redevenant ce que nous sommes. En vivant conformément à nos lois.

Nietzsche le savait : « Il faut avoir une musique en soi pour faire danser le monde. » Sans vision intérieure, toute personne s’effondre, et tout peuple meurt. De sa lecture d’Homère, Dominique Venner a conçu un viatique pour les Européens d’aujourd’hui : se donner « la nature comme socle, l’excellence comme but, la beauté comme horizon ».

Vivre en Européen, c’est se donner la nature comme socle

C’est refuser l’arraisonnement de son existence par la technique et préférer emprunter les « chemins noirs » chers à Sylvain Tesson. Marcher, dormir dehors, éprouver de nouveau la morsure du climat, la lenteur, l’effort physique et la saine fatigue qui s’ensuit… « La santé existe quand les fonctions sont en accord avec la nature », écrit déjà Philostrate dans son traité de gymnastique, au IIIe siècle de notre ère. Arpenter et contempler la nature, c’est faire un retour à l’élémentaire. C’est entendre chanter l’anima mundi, l’« âme du monde » dont les traces se retrouvent chez Jean Giono, Henri Vincenot ou encore Ezra Pound.

« Combien de fois, au hasard d’une heureuse et profonde journée, n’avons-nous pas rencontré la lisière d’un bois, un sommet, une source, une simple prairie, qui nous commandaient de taire nos pensées et d’écouter plus profond que notre cœur ! Silence ! Les dieux sont ici, écrit Maurice Barrès dans La Colline inspirée. […] Pour l’âme, de tels espaces sont des puissances comme la beauté ou le génie. Elle ne peut les approcher sans les reconnaître. Il y a des lieux où souffle l’esprit. »

Ce sentiment de la nature est également acceptation de la frugalité et appréhension de la limite. Athéna, à la borne, veille déjà au respect d’une forme d’« écologie humaine ». La nature nous enseigne le refus de l’hubris, de l’idéologie du progrès, de l’« uniformisation techno-économique » (Herbert Marcuse), du délire post-humaniste. Elle nous dit le besoin d’enracinement, dont la philosophe Simone Weil estime qu’il est « peut-être le plus important et le plus méconnu de l’âme humaine ». C’est encore la nature comme écrin d’une culture singulière qu’invoque Dominique Venner pour définir la tradition, ce « murmure des temps anciens et du futur » : « Elle me dit qui je suis. Elle me dit que je suis de quelque part. Je suis du pays de l’arbre et de la forêt, du chêne et du sanglier, de la vigne et des toits pentus, des chansons de geste et des contes de fées, du solstice d’hiver et de la Saint-Jean d’été, des enfants blonds et des regards clairs, de l’action opiniâtre et des rêves fous, des conquêtes et de la sagesse. Je suis du pays où l’on fait ce que l’on doit parce qu’on se doit d’abord à soi-même. »

Vivre en Européen, c’est se fixer l’excellence comme but

C’est se laisser guider par la tension intérieure qui chaque jour, dans le domaine qui est le nôtre, quelles que soient les études suivies et les voies professionnelles empruntées, nous pousse vers le meilleur. C’est, en plongeant ses racines dans les tréfonds d’une très longue mémoire, faire toute sa part de l’œuvre sans cesse recommencée. C’est accepter le caractère « faustien » de notre identité européenne, qu’Oswald Spengler caractérise, dans Le Déclin de l’Occident, par le primat de la volonté, le désir de dépassement de soi et la « nostalgie » des immensités à conquérir. « Le désespoir le plus amer d’une vie, écrit Ernst Jünger, consiste à ne pas s’être accompli, à n’avoir pas été à la hauteur de soi-même. » La médiocrité n’est pas européenne. Et l’Europe a besoin d’une nouvelle élite !

Vivre en Européen, c’est se donner la beauté pour horizon

Cette éthique de l’excellence est inséparable d’une quête esthétique, du rapport que les Européens, au fil du temps, ont entretenu avec la beauté. Beauté des paysages où se manifeste, de Delphes à Brocéliande, le souffle de l’esprit ; beauté des sanctuaires où, de Chartres à Vézelay, s’affirme la soif d’absolu ; beauté des palais, de Castel del Monte à Schönbrunn, où le beau légitime le pouvoir. Vivre en Européen, c’est faire vivre en soi cette grandeur. C’est considérer comme Jean de Brem (Le testament d’un Européen) que le « trésor du monde » réside tout entier déjà dans « une infante de Vélasquez, un opéra de Wagner ou une cathédrale gothique. C’est un calvaire breton ou une nécropole de Champagne. C’est le romancero du Cid ou le visage hugolien de l’enfant grec ».

Vivre en Européen, c’est, comme nous y enjoint Dominique Venner, « donner une forme à son existence en se prenant pour juge exigeant, le regard tourné vers la beauté réveillée de son cœur, plus que vers la laideur d’un monde en décomposition ». C’est refuser la laideur qui rabaisse et humilie, pour se rattacher à la beauté gardienne des équilibres et des harmonies. Renouer avec l’esprit de Sparte, repris par Aristote : Kalos Kagathos – « ce qui est beau est bon ».

Cette tension vers l’excellence et la beauté rejoint la vision tragique proprement européenne de l’existence. Toujours nous éprouverons le besoin irrépressible d’interpréter et d’ordonner l’univers, d’en faire notre propre cosmos. À la vue des premières peintures rupestres, Dominique Venner constate qu’« avant même d’être un homo habilis, l’homme est un homo religiosus ». Or depuis Eschyle et Sophocle, nous savons que « le monde n’a pas de vérité préalable » et que « la Cité n’a d’autre équilibre que l’action des hommes qui y vivent » (Jean-François Gautier). Les dieux se sont éclipsés, mais deux millénaires plus tard, face au tribunal militaire qui le condamnera à mort, Jean-Marie Bastien-Thiry ne dira pas autre chose : « Il n’y a pas de sens de l’Histoire, il n’y a pas de vent de l’Histoire, car ce qui fait l’Histoire, selon notre conception occidentale et chrétienne, c’est la volonté des hommes, c’est l’intelligence des hommes, ce sont leurs passions bonnes ou mauvaises. »

Vivre en Européen, c’est refuser d’être esclave de sa propre vie : c’est agir et être responsable des conséquences de ses actes. C’est épuiser tous les possibles tant qu’il en est encore temps. C’est préférer en toute circonstance la verticalité de l’attitude à l’horizontalité des pulsions et des besoins. C’est ne jamais se résoudre au désenchantement du monde, préférer comme Jose Antonio « brûler sa vie au service d’une grande cause », et entrevoir la permanence du divin à travers « l’aurore aux doigts de rose » chantée par Homère, le vitrail d’une cathédrale, les frondaisons d’une forêt.

Être Européen, c’est faire sien un idéal aristocratique

Vivre en Européen, c’est, dans un monde vétuste et sans joie, développer la vertu des cœurs aventureux, insoumis et généreux. « Il se forme une classe d’esclaves. Faisons en sorte qu’il se forme aussi une noblesse », exhorte Nietzsche. « L’enjeu : rappeler à l’existence la mentalité aristocratique, ressusciter l’esprit de la vieille Europe, conseille pour sa part Louis Pauwels (Comment devient-on ce que l’on est ?). Il ne s’agit pas d’un retour en arrière. Il ne s’agit pas de réanimer artificiellement des choses mortes. Mais de reprendre conscience d’un héritage pour le recréer sous des formes nouvelles. »

Être Européen, c’est faire sien cet idéal aristocratique. C’est considérer avoir moins de droits que de devoirs – dont le premier de tous : transmettre l’héritage ancestral, défendre le bien commun. « Défendre » et « transmettre » par l’exemple, par le travail et par la filiation, par la construction sans cesse renouvelée et le maintien de lignées enracinées dans des pays et dans des cultures qui nous sont propres. C’est cultiver un archétype européen provisoirement disparu, marqué par « le feu de la volonté, l’idée courtoise de l’amour, la quête de la sagesse et le sens tragique de la destinée » (Dominique Venner). C’est, face à l’emprise du consumérisme et du matérialisme, vouloir maintenir vivants le sens de l’honneur et la quête de spiritualité pour ainsi, en paraphrasant Julius Evola, « chevaucher le tigre au milieu des ruines ». C’est se reconnaître, enfin, dans une confrérie secrète. De celle qui a pu notamment unir, dans la fournaise de la Révolution conservatrice et au-delà des apparences, par une forme de cohérence supérieure, le poète Stefan George, le philosophe Oswald Spengler et les écrivains combattants Ernst von Salomon et Ernst Jünger. Une confrérie où se cultive une éthique de la tenue : mépriser ce qui est bas et « viser plus haut que le but » (Ernst Jünger).

Dans ces temps de confusion, d’inversion des valeurs, l’aristocrate est devenu pirate. Il lui faut pratiquer sans vergogne le droit de prise. « Piller dans l’époque tout ce que l’on peut convertir à sa norme », enjoint Dominique Venner, qui rappelle à cette occasion la dure et éternelle loi de la vie : « Exister, c’est combattre ce qui me nie. »

Insoumis, dissidents et rebelles

Européens conscients et fiers de l’être, nous voilà pour ainsi dire condamnés à être insoumis, dissidents et rebelles. Insoumis à l’injonction du « vivre ensemble » au sein de sociétés multiculturelles, en voie d’africanisation et d’islamisation accélérées. Dissidents du nouvel ordre mondial marchand, de la pensée conforme et du caquetage médiatique. Rebelles enfin, aujourd’hui comme hier, à toute forme de totalitarisme. Rebelles par fidélité. Par lucidité, aussi. « Les longues périodes de paix favorisent certaines illusions d’optique, rappelle Ernst Jünger. L’une d’elles est la croyance que l’inviolabilité du domicile se fonde sur la Constitution, est garantie par elle. En fait, elle se fonde sur le père de famille qui se dresse au seuil de sa porte, entouré de ses fils, la cognée à la main. »

Grégoire Gambier

Photo : © Institut ILIADE

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