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Sils-Maria : à l’aube de Zarathoustra

« 6000 pieds au-dessus de la mer, et bien plus haut encore au-dessus de toutes les choses humaines… » C’est ainsi qu’apparaissait à Nietzsche le décor enchanteur qui, le 26 août 1881, vit naître son Zarathoustra. « J’étais assis là, en attendant - et pourtant je n’attendais rien - par delà le bien et le mal, jouissant tantôt de la lumière, tantôt de l’ombre […]. Et là, soudain, Amie, l’Unique devint deux - et Zarathoustra vint à moi. » Une fulgurance qui allait bouleverser la philosophie occidentale.

Le mont Beuvray, une montagne occupée par un oppidum gaulois et recouverte par une forêt
Sils-Maria : à l'aube de Zarathoustra

L’Engadine, ce sont des alpages fleuris, des villages aux maisons décorées de bouquetins et d’edelweiss, le château de Tarasp et des vallons sauvages.
L’Engadine vous parle aussi de Cocteau et de Hesse, de Rilke et de Proust, de Giacometti, de Segantini, et des Romains au Col du Julier.
L’Engadine, le toit de notre Europe, d’où les eaux descendent vers la mer Noire, l’Adriatique et la mer du Nord…

Pays : Suisse
Région : Engadine, Grisons
Modes de déplacement : Randonnées à pied, à bicyclette (VTT), à ski de fond ou en raquettes. Voiture, trains, cars postaux. Les bicyclettes peuvent être chargées dans le train et dans certains cars postaux.
Durée des parcours : De la promenade d’une heure et demie à la semaine de randonnée.
Difficulté des parcours : De la promenade familiale à la randonnée en montagne. Eventuellement en raid, mais l’environnement est soit urbain, soit montagnard (vallée à plus de 2000 m). La plupart des circuits sont accessibles en famille, avec des enfants autonomes.

Périodes possibles

L’été est court mais généralement bien ensoleillé (de fin juin à début septembre). L’automne peut être superbe, mais les jours raccourcissent et les bus se font rares. L’hiver est très rigoureux, enneigé mais très ensoleillé.

Présentation géographique

L’Engadine, vallée où l’Inn prend sa source, appartient au canton des Grisons, à l’extrême est de la Suisse, aux frontières du Tyrol et de l’Italie. Du col de la Maloja à Zernez, c’est la Haute Engadine, une des rares vallées alpines aussi ouverte et aussi peuplée à cette altitude – 1800 m à Sils-Maria. Si les influences italiennes lui garantissent des étés relativement chauds et secs, les hivers y sont fort longs et très froids, témoins les grands glaciers qui descendent de la Bernina. De Zernez à la frontière autrichienne, c’est la Basse Engadine, à la vie pastorale et aux villages mieux conservés, dans un cadre plus austère.

Le paysage est adouci par la présence de deux grands lacs naturels : le lac de Silvaplana et le Lej da Segl, ou lac de Sils.

Cadre historique et culturel

Cette haute vallée a été, grâce à ses cols, une voie de passage fréquentée de toute antiquité entre mondes romain, germanique et celtique. Occupée dès l’âge du Bronze, l’Engadine est incluse dans la province romaine de Rhétie.

Le col de Maloja et le col de la Bernina ouvrent vers l’Italie ; le col du Julier, du nom des Césars qui y firent passer leurs légions, le Septimer, aujourd’hui un sentier, l’Albula et le Flüela permettent de rejoindre la vallée du Rhin ; le col du Fuorn est un passage facile vers le Tyrol du sud et vers Meran. La vallée de l’Inn, malgré des gorges encaissées, permet de commercer avec l’Autriche. Lieu de passage et donc de péages pour le commerce et d’éventuels pillages pour toutes les armées. Les communautés des vallées, fort indépendantes et désireuses de s’enrichir sans se laisser conquérir, se sont, dès le Moyen-Age, fédérées en ligues. Au XVe siècle, ces ligues rhétiques s’affranchissent de la tutelle des Habsbourg. La « République des trois ligues » est fondée en 1471. L’Engadine rejoint le canton des Grisons en 1803.

Dès la fin des années 1880, la haute société européenne se découvre un grand engouement pour les vallées de l’Engadine. Air sec et ensoleillement soignent les poumons malades, dans un cadre enchanteur et romantique. Dans les grands hôtels à l’architecture débridée de Saint-Moritz, de Silvaplana ou de Sils-Maria, tout le gratin intellectuel se retrouve en villégiature : F. Nietzsche, mais aussi, au fil des années, Th. Mann, R.M. Rilke, H. Hesse, F. Durrenmatt, J. Cocteau, M. Chagall y rencontrent des artistes comme Segantini ou les Giacometti.

Aujourd’hui, Saint-Moritz, véritable ville à la montagne, est une station mondaine et cosmopolite à éviter. Le village de Sils-Maria, devenu une station de sports d’hiver réputée grâce au ski de fond, a perdu une grande part de son cachet. Reste le cadre, immuable, qui inspira F. Nietzsche.

Description des itinéraires

L’été, la vallée offre 1 200 kilomètres de sentiers entretenus et balisés des légendaires poteaux jaunes, avec indication de temps et détails sur l’hébergement et le ravitaillement.

L’hiver, plus de 200 km de pistes de ski de fond (Loipen) balisées et damées, notamment sur les lacs gelés et de nombreux sentiers damés pour les piétons.

Que ce soit sur les cartes, les panneaux, les dépliants, presque tout les lieux ont plusieurs noms : en allemand, en italien, et en romanche. Quand s’y ajoute un nom français, c’est à y perdre… son latin ! Ainsi, le Lej da Segl, en romanche, est le Silsersee en allemand, le lac de Sils en français.

 Presqu’île de Chasté

Durée : une heure au minimum. Sentier promenade.

La presqu’île de Chasté est une avancée dans le lac de Sils (Lej da Segl).

C’est aux premières lueurs du jour, en solitaire, qu’il faut aller la découvrir. Depuis Sils-Baselgia, un étroit sentier longe le lac. Sur un bloc de rocher, une plaque de bronze rappelle le chant de Zarathoustra :

« O homme! Prend garde !
Que dit le profond Minuit ?
J’ai dormi, j’ai dormi, d’un profond sommeil je me suis éveillé :
Le monde est profond, plus profond que n’a pensé le jour.
Profond est son mal,
Mais la joie est plus profonde que la peine de l’âme.
La douleur dit : passe !
Mais toute joie veut l’éternité, – veut la profonde, profonde éternité ! »

Tout ici invite à la méditation : la calme horizontalité du lac qui vibre dans la lumière naissante, la verticalité des sommets, tempérée par le vert des forêts et des alpages soigneusement entretenus. Moment intense. Même sous l’averse. On se promet déjà de revenir au coucher du soleil.

Montée au belvédère de Marmoré (2202 m)

Durée : une heure et demie à deux heures. Bon sentier. 300 m de dénivelé.

Départ derrière la maison de Nietzsche.
En 1994, le grand aigle en bronze (œuvre d’Hermann Hubacher, 1959) qui veillait devant la maison a été déplacé sur le côté gauche ; il est accompagné d’un serpent (œuvre de Dmitry Levin, 2014)… Devant la maison a été installée une sculpture de Giuliano Pedretti, « Nietzsche in seiner Dynamik » (Nietzsche en dynamique). Ce bronze représente, selon le sculpteur engadinois, la « pensée périlleuse » et en mouvement du philosophe – ce que signifiait parfaitement le « Dernier Aigle de Marmorè »… La modeste pension de famille où Nietzsche passa plusieurs étés est devenue un petit musée qui se visite. Souvenirs et expositions d’art moderne.

Le chemin zigzague à travers prés et forêts jusqu’au belvédère de Marmoré (2202 m). Vue magnifique sur les lacs engadinois, le bucolique Val Fex et ses glaciers.

Une boucle de 12 km (5h30 de marche) permet de continuer dans le Val Fex, interdit aux voitures, mais parcouru par des calèches, pour apercevoir les glaciers. L’hiver, superbe parcours à ski de fond.

Montée au col du Septimer (2310 m)

Voir fiche détaillée : « Col du Septimer, de la Suisse à l’Italie sur les pas des Romains et des voyageurs médiévaux »

Durée : 6h à 6h30, selon le sens. Bivio / Maloja. Sentier en partie muletier.

Le seul col qui ne soit pas parcouru par une route ! Voie romaine, puis un des principaux axes nord-sud au Moyen Age, ce passage fut détrôné par son voisin, le col du Julier, au début du XIXe siècle. Le Septimer se situe sur le chemin européen de saint Colomban, qui relie Bangor en Irlande à Bobbio en Italie en passant par Luxeuil-les-Bains.

A proximité du Piz Lunghin se trouve le seul point de partage entre trois fleuves d’Europe : le Pô, le Rhin et le Danube.

Visiter le musée Segantini à Saint-Moritz

Le musée consacré au peintre symboliste Giovanni Segantini (1858–1899) expose notamment le célèbre Triptyque des Alpes : Harmonie de la vie – la Nature – Harmonie de la mort (Devenir – Être – Disparaître). Sa technique pointilliste, inspirée de Seurat, lui permet de traduire la magie des paysages de neige, des aubes et des crépuscules. Ses toiles solaires sont inspirées par la montagne, le pastoralisme et ses traditions et donnent à l’homme une place harmonieuse dans la nature.

Découvrir les villages de la Basse Engadine

Ces villages se visitent à pied. De l’un à l’autre, voiture ou car postal.

Les villages traditionnels, étagés sur des terrasses ensoleillées, méritent deux ou trois jours de visite, essentiellement pédestre. La circulation y est réglementée, voire interdite. Le long de la rue principale, les maisons, pour la plupart du XVIIe siècle, rivalisent par les décors de leurs murs peints ou recouverts de « sgraffitti », grattés sur le crépi. Motifs solaires, décors floraux, bouquetins, emblème des Grisons, ondines, vouivres et dragons témoignent d’une imagination débordante. Ici ou là, des motifs plus contemporains alternent avec bonheur avec le simple, mais méticuleux, entretien des tableaux anciens. Il faut aller à Ardez contempler les soldats suédois tenant compagnie, sur le même mur, à Adam et Ève ou « lire » la légende de la mort, de la vigne et du pain tout autour de la « maison du boulanger Giacometti », aller se désaltérer à la fontaine toute fleurie du Chevalier noir de Scuol, admirer l’une après l’autre les maisons de Guarda, se perdre dans les ruelles de Sent. Le château de Tarasp, sur son piton, offre une vue plongeante sur toute la vallée. Reconstruit au début du siècle par un magnat allemand du dentifrice, il abrite une belle collection de boiseries, de vitraux et de meubles régionaux « récupérés » dans les vallées voisines.

Bibliographie

  • Le goût de l’Engadine, textes réunis et présentés par Stéphane Baumont, Collection Le Petit Mercure, Mercure de France
  • Textes d’André Gide, Hermann Hesse, Yves Bonnefoy, Theodor Adorno, Marcel Proust, Pierre Jean Jouve, Jean Cocteau, Renaud Camus, Paul Celan, et bien d’autres.
  • Dictionnaire des Alpes, Glénat, 2006.

Pour les enfants

  • Selina Chönz, Une cloche pour Ursli, illustré par Aloïs Carigiet, texte français de Maurice Zermatten, Orell Füssli Verlag, 1980 – 2010.
  • Johanna Spiry : les aventures de Heidi se déroulent en Engadine.

Accès et données GPS

Depuis la France, l’Engadine paraît très lointaine ! Il faut la mériter…

En voiture, vous quittez les autoroutes suisses à Landquart, pour remonter sur Davos, puis passer le col de la Fluëla, doublé par le tunnel de Vereina (autos sur le train). Vous pouvez aussi passer par le col du Julier, venir par les lacs italiens et le col de Maloja ou remonter l’Inn depuis Landeck en Autriche.

En avion, jusqu’à Zürich, avec des correspondances fréquentes en train (changement à Landquart), pour le plaisir d’emprunter les petits trains rouges de la « Rhetische Bahn » qui, comme des jouets, courent de tunnels en viaducs.

Sur place, cars postaux et trains.

Matériel spécifique, équipement

Matériel de randonnée en été ; de ski de fond en hiver. Attention aux effets de l’altitude : froid, réverbération…

Festivités

1er mars : Chalandamarz, fête au cours de laquelle on chasse l’hiver. Habillés de leur costume engadinois, garçons et filles vont d’une maison à l’autre, chantent des chansons traditionnelles et quêtent pour le bal de Chalandamarz qui aura lieu le soir.
Dans le cortège, résonnent les grandes cloches de vache – les plumpas – avec lesquelles les enfants vont chasser les esprits de l’hiver dans la plus pure tradition du «Schellen-Ursli».

Mars : Marathon de l’Engadine : course de ski de fond internationale

1er août : fête nationale suisse. Défilés en costumes, feux d’artifice…

Art de vivre

L’Engadine est la région la plus chère de la Suisse. Un grand choix de pensions et d’hôtels confortables, quelques campings, de rares gîtes d’étapes (Touristenhaus) où il est prudent de réserver. Attention à la réglementation suisse, très tatillonne, si vous préférez le bivouac ou le camping sauvage.

Somptueux petits déjeuners, pâtisseries réconfortantes (les habitants de l’Engadine se sont longtemps expatriés dans toute l’Europe sur leur réputation de pâtissiers) et haltes sympathiques dans les restaurants d’altitude ou les chalets d’alpage. Pour les amateurs de bière, la « Calandabraü », la bière la plus haute d’Europe, servie avec générosité. Et la viande des Grisons, filet de bœuf séché, à déguster en très fines tranches.

A défaut d’avoir les moyens d’y séjourner, allez prendre le thé à l’Hôtel Waldhaus, construit en 1908 : Art Nouveau, Proust et Visconti, orchestre…

Cartographie

Préférez les cartes au 1:50 000, plus lisibles que les cartes au 1:25 000, car les itinéraires y sont reportés en rouge. Nombreux dépliants dans les offices du tourisme.

  • Carte 5013 T Oberengadin, Swisstopo (1:50 000)
  • Carte 268 T Julierpass, Swisstopo (1:50 000)

Liens

Année où ces itinéraires ont été parcourus

Etés 1991 et 2000 – Hiver 2005 – Informations vérifiées en avril 2014.

Photos : © Institut Iliade pour la longue mémoire européenne.

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