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Formation Iliade : la promotion Patrick Pearse en ordre de marche

« La Pureté dans nos cœurs, la Vérité sur nos lèvres, la Force dans nos bras. »

Formation Iliade - La promotion Patrick Pearse en ordre de marche

La troisième promotion des cycles de formation de l’Institut Iliade s’est réunie pour la première fois les 30 et 31 janvier. S’engage pour les vingt participants un cycle de 15 mois qui aboutira sur un projet personnel et un rendez-vous final en pleine nature.

Composée de jeunes et moins jeunes, d’ouvriers comme d’entrepreneurs, de militants politiques ou de journalistes et d’universitaires, cette promotion, dont la cohésion est déjà grande, s’est choisie comme nom Patrick Pearse (les deux premières promotions se nomment “Dominique Venner” et “Don Juan d’Autriche”) dont le sacrifice sera célébré à l’occasion du centenaire de l’insurrection de Pâques.

Voici comment Jean Mabire évoquait cette grande figure européenne, à la fois poète et combattant.

Patrick Pearse. La harpe et le fusil

Chaque année, les Irlandais célèbrent lors de l’Easter Week – la semaine de Pâques – le souvenir de leurs compatriotes tombés lors de l’insurrection sanglante de 1916.

Celui qui fut à la fois le général en chef et le premier président d’une République éphémère d’une demi-douzaine de jours, devait être fusillé à l’issue de ce tragique soulèvement de quelques centaines de volontaires. Educateur et comploteur, il était d’abord un poète qui imaginait, avec un bel élan lyrique, le devenir d’une Irlande celtique et libre.

Patrick Pearse appartient, par toutes ses fibres littéraires et héroïques, à la lignée de ces « éveilleurs de peuples » qui, en Europe, imaginèrent le destin de nations encore à naître, avant de tenter de les faire surgir de la nuit de l’Histoire, les armes à la main. Il avait compris, mieux que nul autre, qu’il n’est pas de révolution politique sans une renaissance culturelle : l’insurrection militaire du 24 avril 1916 est le prolongement logique du long travail de la Ligue gaélique, vouée à la découverte passionnée de toutes les traditions populaires de la verte Erin. Ce qui est aussi singulier dans l’équipée tragique des « soldats perdus » de Dublin, c’est la rencontre, au sein de la jeune armée républicaine irlandaise, des nationalistes intransigeants de Pearse et des socialistes révolutionnaires de Connolly. Les deux chefs des insurgés ne séparaient pas la fidélité à leur patrie de la lutte des travailleurs. Ils se dressaient contre le règne de l’argent tout autant que contre la présence étrangère. Leur sacrifice demeure fondateur d’une double libération.

Patrick Pearse, personnage emblématique du nationalisme irlandais, est, par un étrange caprice du destin, l’aîné des quatre enfants d’un Anglais du Devonshire, tailleur de pierre immigré à Dublin, où il s’est fait une spécialité dans les monuments funéraires. Par contre, sa mère est une authentique Gaëlle et une patriote intransigeante.

Elève des frères des écoles chrétiennes, Patrick, né le 10 novembre 1879, apprend très jeune à honorer la mémoire des combattants de toutes les révoltes : Fenians, Agrariens, patriotes de « Jeune Irlande », affidés des « Irlandais Unis »… Le seul drapeau qu’il reconnaisse est le pavillon vert à la harpe d’or des rebelles de 1798, tous massacrés ou exilés.

Si l’on parle anglais dans sa famille paternelle, il se trouvera une vieille tante dans sa famille maternelle pour lui apprendre quelques rudiments de gaélique.

A seize ans, il doit gagner sa vie comme « pion » dans un collège religieux et, l’année suivante, il fonde, avec quelques amis, une société littéraire. Un vieux prêtre lui apprend le grand légendaire des héros et des saints d’Erin. L’adolescent se sent appelé à assumer le destin de son peuple, d’en devenir un jour le guide à travers ses écrits et par les armes. Il entraîne dans cette aventure son frère William, de deux ans son cadet, qui le suivra jusque dans la mort devant les douze fusils d’un peloton d’exécution.

Après des études de droit, il rejoint, en 1903, les rangs de la Gaelic League de Douglas Hyde. Il y a une demi-douzaine d’années que cette société a été fondée par sept camarades. En affirmant la primauté absolue du combat culturel, ils ont conscience de préparer la révolution politique et même l’insurrection armée.

« La Ligue sera reconnue dans l’Histoire comme l’influence la plus révolutionnaire que l’Irlande ait jamais connue », écrira Pearse par la suite.

Patrick Pearse « celtise » son nom et devient Padraig Mac Piarais. Il fixe ce qui sera désormais le seul but de son existence : « L’Irlande pas libre seulement mais gaélique, pas gaélique seulement mais libre. »

Son premier recueil de poèmes s’intitule An tAithriseoir, c’est-à-dire « le Narrateur ». Plus encore que de pain, son peuple a besoin de rêve. Le jeune homme décide de devenir le barde que tous attendaient sans même le savoir. Il se passionne pour les paysans et les pêcheurs de la côte occidentale. Dès sa jeunesse, il a découvert avec une rare émotion les îles d’Aran. Dans son œuvre, il va hausser la langue parlée à la hauteur d’une langue littéraire, sans rien lui enlever de sa saveur populaire. L’écrivain, à l’en croire, doit remplacer le conteur d’autrefois et confier à l’imprimerie un langage qui ne se transmettait jusqu’ici que de bouche à oreille.

Le prophète comprend que son œuvre de patriote et de poète d’éducateur de son peuple. En 19 alors qu’il n’a pas encore trente ans, il fonde une école du nom de Sgoil Eana ou collège Saint-Enda. C’est d’ailleurs un établissement laïque, plus nationaliste que doit s’intégrer dans un grand dessein confessionnel. L’éducation prime tout :
– D’abord le caractère, répète Pearse.

Il cherche à former les esprits, mais aussi les corps. Le succès est tel qu’une autre école Sainte Ida sera créée à l’usage des jeunes filles. Les garçons, eux, se rassemblent dans un bâtiment surnommé l’Hermitage. Leur but est simple qu’une autre école, Sainte-Ida, sera créée à l’usage des jeunes garçons, eux, se rassemblent dans un bâtiment surnommé L’Hermitage. Leur but est simple : donner à la jeunesse irlandaise un indispensable esprit de combat.

– Je prêcherai hardiment la foi antique que la lutte est la seule chose noble qui soit et que seul est en paix avec Dieu celui qui est en guerre avec les puissances du mal, déclare-t-il.

En instituant le culte des héros et des saints, le fondateur de Saint-Enda choque tous ceux qui s’accommodent du vieil ordre des choses : bourgeois, négociants, fonctionnaires, ecclésiastiques même. Le poète déteste les prudents et les lâches. Sa devise est celle des Fiannas, les guerriers semi-légendaires de la Celtie héroïque : « La force dans nos bras, la vérité sur nos lèvres et la pureté dans nos cœurs. »

L’écrivain viendra assez tardivement à la politique active. Deux hommes alors luttent pour l’Irlande par des voies différentes : le réformiste Redmond et le séparatiste Griffith. C’est à ce dernier que se rallie le poète. Il rejoint le Sinn Fein (c’est-à-dire « Nous-mêmes » ou « Nous seuls »). Il intègre aussi un groupe clandestin, l’Irish Republican Brotherood ou Fraternité républicaine irlandaise, héritière des Fenians et réorganisée vers 1890. Dans la clandestinité, quelques centaines de fidèles sont prêts à tout. Pearse devient vite le principal animateur de l’IRB. En 1912, il fonde un nouveau journal An Barr Buadh, « La trompette de la victoire ». Il apparaît vite comme le plus extrémiste des militants irlandais.

Tandis que les unionistes fidèles à la couronne s’organisent en milice dans l’Ulster, leurs compatriotes indépendantistes des autres provinces créent « Les volontaires irlandais », sorte de garde nationale. Les nationalistes se rapprochent alors des syndicalistes animés par James Connolly, qui fonde lui aussi un groupe paramilitaire, « l’armée des citoyens ». De la fusion des deux milices va naître l’IRA, l’armée républicaine irlandaise. Pearse en sera le véritable chef.

Il écrit toujours des poèmes :

Je ne me suis jamais soumis
Je me suis fait une âme plus grande
Que celle des maîtres de mon peuple.

La guerre de 1914 sera pour l’Irlande une opportunité que nationalistes et syndicalistes, désormais unis, ne veulent pas laisser échapper. Le lundi de Pâques 1916, c’est le soulèvement. Pearse et Conolly occupent la poste centrale de Dublin. Ecrasés après une semaine de combats, ils seront fusillés avec plusieurs de leurs compagnons.

Quelques mois auparavant, le poète avait publié un recueil de vers, Le chanteur, où il pressentait son destin :

J’ai jeté mon regard sur cette route devant moi
Sur l’action que je vois et la mort qui sera mienne.

Et il avait écrit dans son poème Le fou :

Je ne suis qu’un fou qui aime sa folie…
… Et je dis à ceux de mon peuple :
Vous ferez comme moi,
Vous risquerez tout pour ne pas perdre tout.

Jean Mabire – Que lire ? t. 4 (éditions National Hebdo – 1997)